il a fait dans les années 62-63, une école qui était rue du Delta, près de la gare du nord. Il était passionné par le cinéma. Mon père qui était journaliste avait une caméra, et filmait la famille pendant les vacances, les fêtes. Il y avait donc des séances de projections des films de mon père. Et puis un jour il a acheté une caméra 16, une Beaulieu, et c’est là qu’Etienne a commencé à s’en servir. C’est à ce moment là qu’il a décidé de faire du cinéma, mais tout en continuant à peindre, et surtout à faire de la musique. Il faisait tout çà en même temps.Denis O'Leary pour Mettray
L'édition dvd comprends l'ensemble du travail cinématographique d'Étienne O'Leary. Figure de proue de l'underground et initiateur d'un nouveau langage cinématographique, les images évanescentes et incandescentes du cinéma de O'Leary ont été tournées à Paris dans effervescence de la deuxième moitié des années soixante. Y apparaissent de nombreux acolytes lumineux tel Pierre Clémenti, Jean-Pierre Bouyxou et Pierre Molinier.
> Day Tripper / Le voyageur diurne (1966, n&b, 16mm, 9 min)
> Homeo (aka Homeo : Minor Death : Coming back from goin' home) (1967, couleurs, 16mm, 38 min)
> Chromo Sud (1968, couleurs, 16mm, 21 min)
Le cinéma d’Étienne O’Leary peut facilement être perçu comme une source d’informations documentaires sur l’époque, mais ce serait là manqué l’essentiel. Il s’agit avant tout d’un travail totalement libre, élaboré à partir d’une résistance aux codes du cinéma narratif et d’une subversion de l’univers du film expérimental. C’est une des incarnations les plus convaincantes de la caméra-stylo tel que la concevait Alexandre Astruc.
O’leary filmait constamment et partout, aussi bien dans les espaces publics que privés, glanant ou cultivant les images qui s’y trouvaient, sans qu’à aucun moment la technique cinématographique devienne une embuche à l’élaboration de sa poétisation du monde. Ce cinéma extrêmement personnel, qui n’emprunte pas la forme courante du journal filmé, pas plus qu’il n’a recours aux habituels thèmes du cinéma autobiographique, ne repose jamais sur une simple vision instantanée.
Il est le fruit d’une captation de parcelles de vécu selon un mode qui rappelle les carnets de notes des écrivains ou le sketch book des artistes plasticiens. Pourtant, cet exercice a très peu à voir avec la pochade des peintres, qui n’est qu’une étape permettant l’exécution dans un temps et un espace autre. Chez O’Leary, le travail de filmage correspond à une volonté de rendre le monde abstrait en tirant profit de la surimpression pour en traduire toute la complexité, les entrelacements et les constantes mutations.
Images touffues, donnant l’impression qu’elles refusent de se révéler tant elle sont denses, leur organisation se fait directement dans la caméra, ce qui ne veut pas dire qu’elles ne s’articulent pas selon les lois du montage, mais qu’elles en font l’économie physique. C’est bien d’un montage abstrait, un véritable choc des idées, que l’on retrouve dans ces films. Dès lors, on comprend mieux pourquoi O’Leary affirmait qu’Eisenstein était le cinéaste qui l’a le plus influencé.
Si l’on retrouve la même sensation d’accumulation, de superposition de couches, sur la bande son de ses films, son travail y est pourtant fort différent. Ici aussi la captation se fait à la volée, mais le mixage se structure ailleurs, en un autre temps. O’Leary élabore des paysages sonores qui déstabilisent par leur consistante brute et directe, jouant avec les ruptures de rythmes et d’ambiances, les musiques repiquées (Day Tripper des Beatles dans la version de Nancy Sinatra par exemple) et les musiques improvisées. On y ressent l’ivresse des rencontres sonores, reconduites grâce à ces collages créatifs obligeant à écarquiller les oreilles.
Les films d’Étienne O’Leary sont non seulement des cristallisations d’un flux de perception, de conscience, qu’il faudrait mettre en lien avec les discours prônant l’ouverture d’esprit (au sens mystique, il va sans dire), mais aussi des déclencheurs d’expériences. Jean-Pierre Bouyxou rapporte qu’Étienne « définissait son cinéma comme cinéma psychédélique. » On pourrait tout aussi évoquer une sorte d’Acid Cinéma, comme on dit Acid Rock, pour qualifier cette musique permettant l’ouverture de l’esprit propice aux voyages vers des horizons trop peu fréquentés.
lorsque l’on regarde les films d’Etienne, on ne peut pas ne pas penser qu’il y a une recherche hallucinatoire, comme dans la prise de trip d’acide. Et peut être qu’une partie de sa recherche consistait à retrouver par l’image tout ce foisonnement que l’on a dans ces « voyages artificiels. »Denis O'Leary
Les trois films réunis sur le DVD constituent la totalité des œuvres terminées d’Étienne O’Leary. Ils ont en commun, outre leur esthétique, de s’articuler autour du déplacement. On y voyage beaucoup, au propre comme au figuré. Leurs titres même inscrivent à la fois l’idée de la mobilité et de la (dés)orientation : Day tripper / Voyageur diurne ; Homéo : Minor Death etc. Coming back From Going Home ; Chromo sud. Ce cinéma nomade, qui est aussi un cinéma revendiquant sa déterritorialisation, son excentricité, sa marginalité, vise par son éloge de la mise en mouvement à permettre à ceux qui s’y adonne de passer de ce qui est réellement perçu à ce qui est encore indiscernable, mais dont nous avons néanmoins une vague intuition. Une forme de tapis volant magique en quelque sorte.
source : ICPCE
Prix : 20 euro
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