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Cinémathèque de Nice : Jane Fonda & René Clément

Depuis maintenant cinq ans, tous les mois THE END informe les cinéphiles azuréens de la programmation de la Cinémathèque de Nice. Si notre leitmotiv était d'évoquer les films que nous apprécions, aujourd'hui on change la formule pour se concentrer essentiellement sur les raretés, les films indisponibles en dvd.

La Cinémathèque de Nice redémarre le 1 octobre avec un couple pour le moins hétérogène Jane Fonda, la militante du cinéma US et René Clément (1913-1996), le cinéaste classique par excellence mais dont on réévalue l'oeuvre depuis quelques années. Une belle rentrée avec deux fleurons du cinéma.

La plus part des longs-métrages de René Clément proposé par la Cinémathèque sont disponibles en dvd, seul Monsieur Ripois (1953) et Quelle joie de vivre (1961) sont indisponible sur support numérique. Mais la chose sera bientôt réparée grâce à l'éditeur Carlotta qui annonce une édition dvd de cette coproduction entre la France et l'Italie

Rome, 1921. Libéré des obligations militaires, Ulysse, au chômage et sans argent, s'engage dans le Parti Fasciste. Sa mission : localiser une imprimerie de tracts antifascistes. C'est comme ça qu'il découvre l'atelier d'Olinto Fossati, un anarchiste qui le recrute comme apprenti et qui l'accueille même au sein de sa famille. Très vite, Ulysse a de l'affection pour la fille de la maison, Franca, qui lui témoigne pour sa part une certaine antipathie. Accumulant les imprudences, il fait bientôt l'objet de la méfiance de tous...
> mardi 8 octobre à 20h00
> dimanche 13 octobre à 15h00

MONSIEUR RIPOIS / 1953

Monsieur Ripois, coureur de jupons Français exilé à Londres, se confesse pour séduire une amie de sa femme. Il raconte ses nombreuses aventures amoureuses…
> vendredi 25 à 19h30
> dimanche 27 à 15h00

Les films de la rétrospective René Clément :
PLEIN SOLEIL / JEUX INTERDITS / LA COURSE DU LIÈVRE À TRAVERS LES CHAMPS / LE PÈRE TRANQUILLE / LES MAUDITS / AU-DELÀ DES GRILLES / GERVAISE / LES FÉLINS / LA BATAILLE DU RAIL / LE JOUR ET L'HEURE / LE CHÂTEAU DE VERRE / PARIS BRÛLE-T-IL ? / LE PASSAGER DE LA PLUIE /

Les films inédits en dvd de la rétrospective Jane Fonda :

LA RUE CHAUDE / Walk on the Wild Side
1930, Nouvelle Orléans - Arrivé du Texas pour retrouver la femme qu'il aime, Dave la rencontre dans une maison close où elle se prostitue…
> mardi  1 octobre à 14h00
> samedi 5 octobre à 16h00

MAISON DE POUPEE / Joseph Losey / 1973

Norvège, fin du XIXe siècle - Nora est une femme discrète mariée à un directeur de banque. Lorsque celui-ci tombe malade, le médecin conseille à Nora de l'emmener en Italie pour se reposer. Mais le voyage coûte cher. Nora décide d'emprunter de l'argent en falsifiant la signature de son père…
> mardi 1 octobre à 16h00
> jeudi 3 octobre à 20h00

FUN WITH DICK AND JANE / Touche pas à ma gazon / Ted Kotcheff / 1977
Dick, cadre dynamique, mène une vie aisée avec Jane, sa femme. Alors qu'il vient juste de faire finir les travaux de sa piscine, il apprend son licenciement. Endetté, il doit trouver une solution pour conserver son train de vie…
> mardi 15 octobre à  16h00
> jeudi 17 octobre à 17h15

CALIFORNIA HOTEL / California Suite / Herbert Ross / 1978
Los Angeles - Quatre couples qui ne se connaissent pas s'installent au Beverly Hills Hotel. Ils vont vivre, en se croisant mais sans jamais se rencontrer, des situations rocambolesques…
> mardi 8 octobre à 14h00
> jeudi 10 octobre à 18h00

Les autres longs métrages du cycle Jane Fonda :
LA CURÉE / KLUTE / LE SOUFFLE DE LA TEMPÊTE / LE CAVALIER ÉLECTRIQUE / STEELYARD BLUES / LE RETOUR / ON ACHÈVE BIEN LES CHEVAUX / HISTOIRES EXTRAORDINAIRES...

Tous les horaires et informations sont sur le site internet de la Cinémathèque de Nice

Shirley Clarke, l'expérience américaine

Depuis lundi (16 septembre 2013) le Centre Pompidou - dans le cadre du festival d'Automne - rend hommage à la réalisatrice américaine Shirley Clarke (1919-1997), grande oubliée du cinéma indépendant US. Ces trois principaux longs métrages sont inédits en dvd.

Présentation du Centre Pompidou :
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Figure majeure du cinéma indépendant Américain, Shirley Clarke laisse derrière elle une filmographie riche de ses engagements dans une société américaine en plein bouleversement. Signataire du manifeste pour le New American Cinema et co-fondatrice de la Film-Makers’ Cooperative à New-York avec Jonas Mekas, Shirley Clarke compte parmi les acteurs les plus actifs dans la défense d'un cinéma libéré du modèle de production Hollywoodien. Danseuse de formation, c'est en 1953 que la cinéaste réalise ses premières expérimentations avec une série de films courts inspirés des chorégraphies pour caméra de Maya Deren. Bien que la danse constitue un élément central dans son oeuvre, c'est en travaillant à la croisée du documentaire et de la fiction qu'elle obtient une reconnaissance internationale. Avec The Connection (1961), The Cool World (1963) et Portrait of Jason (1967), Shirley Clarke développe un cinéma en prise directe avec la réalité sociale de son pays pour dresser le portrait de ses marges : musiciens de Jazz, drogués, afro-américains ou encore prostitués. Après une longue période d'expérimentations vidéo, la cinéaste signe avec Ornette: Made in America (1985) son retour au long-métrage et renoue avec son intérêt toujours avéré pour le Jazz. Après Jonas Mekas et à l’occasion de la ressortie en salle de The Connection et Portrait of Jason en version restaurée, le Centre Pompidou consacre, du 16 au 29 septembre, une rétrospective à Shirley Clarke. Son œuvre, qui reste à ce jour un témoignage poignant sur la culture américaine, y est mise en perspective avec les films de quelques contemporains, amis et compagnons de route qui, comme elle, ont montré une autre Amérique et contribué à créer un cinéma indépendant.
Née en 1919, Shirley Clarke s’est éteinte le 23 septembre 1997 à New York, la ville qui l’aura vu naître et travailler. Fille d’un riche entrepreneur d’origine juive-polonaise et d’une mère issue de la grande bourgeoisie newyorkaise, Shirley Brimberg Clarke se passionne très tôt pour la danse moderne et envisage durant de nombreuses années une carrière de danseuse professionnelle. Contre l’avis de son père, elle suit, tout au long de sa scolarité en cachette divers cours de danses au cours desquels elle se familiarise avec les styles avant-gardistes dominants de l’époque, particulièrement celui de Martha Graham. Elle s’émancipe du cadre familial en épousant Bert Clarke, un lithographe, en 1944 avec lequel elle aura deux ans plus tard sa fille Wendy. Encouragée par son mari, Shirley Clarke intègre divers groupes de danseurs et se produit à de nombreuses reprises. Elle abandonne ses espoirs de devenir un jour danseuse au tournant des années cinquante, moment où elle commence à réaliser ses premiers films à l’aide d’une caméra Bolex 16mm reçue en cadeau de mariage. Elle s’impose très rapidement dans le genre du film de danse en entretenant un lien avoué avec les travaux pionniers de Maya Deren. Elle obtient son premier succès avec Bridges-Go-Round en 1958, film avec lequel elle s’affirme comme une figure montante du cinéma d’avant-garde américain. Contactée par le célèbre documentariste Willard Van Dyke, avec lequel elle co-réalise Skyscraper en 1959, Shirley Clarke s’expérimente à la pratique du film documentaire et multiplie les collaborations avec les auteurs les plus représentatifs de la nouvelle génération : D.A. Pennebaker, Albert Maysles ou encore Richard Leacock (Brussels Loops , 1957 ; Opening in Moscow, 1959). Elle intègre la scène du cinéma indépendant newyorkais sous l’égide de Jonas Mekas et co-signe en 1960 le manifeste pour le New American Cinema. Très engagée dans la promotion d’un cinéma libéré des contraintes de l’industrie hollywoodienne, elle crée avec Mekas la New York Film-makers’ Coop, première coopérative de distribution dédiée à cette production. C’est en adaptant une pièce de théâtre à succès de Broadway qu’elle signe en 1961 son premier long-métrage, The Connection. Ce film, qui constitue à ce jour un des plus grand succès du cinéma indépendant américain, fit l’ouverture de la semaine de la critique à Cannes et permit à Shirley Clarke d’obtenir une visibilité internationale. Censuré à New York, The Connection posait un regard inédit pour l’époque sur les marginaux en réunissant, le temps d’un huis-clos brechtien, musiciens de jazz, afro-américains et toxicomanes. Son attention à l’égard des minorités trouve une nouvelle configuration, dans The Cool World , premier film réalisé intégralement dans le ghetto noir d’Harlem en 1964 avec des acteurs non-professionnels et l’indispensable apport de son nouveau mari, Carl Lee, acteur afro-américain déjà présent dans The Connection. Avec ce film la cinéaste brouille encore plus le rapport entre fiction et documentaire, une méthode qui aboutira pleinement avec Portrait of Jason tourné une nuit de décembre 1966 dans une chambre du mythique Chelsea Hotel à New York. Le protagoniste du film, Jason Holliday, un prostitué noir et gay, acteur génial mais sans carrière s’engage, seul face à la camera, dans un long monologue autobiographique. Portrait of Jason demeure à ce jour le film le plus personnel et le plus radical de Shirley Clarke. Avec l’arrivée de la vidéo dans les années soixante-dix et la frénésie créative qui entoure ce nouveau médium, Shirley Clarke abandonne sa camera 16mm pour se consacrer à l’expérimentation vidéo au sein du collectif Teepee Videospace Troupe. Influencée par le travail de Nam Jun Paik, elle produit des installations - Video Totem - axées essentiellement sur un caractère de simultanéité. Son dernier long-métrage, Ornette: Made in America , réalisé en 1985, puise sa singularité dans l’hybridation de la vidéo et du cinéma. Shirley Clarke reprend à travers ce portrait du musicien de jazz Ornette Coleman la majorité des thèmes de son œuvre et témoigne de son inépuisable volonté d’échapper aux formes figées. The Connection Adapté d’une pièce de théatre du living theater écrite par Jack Gelber, le The Connection, premier long-métrage de Shirley Clarke, reste à ce jour un des plus grand succès du New American Cinema. Film d’ouverture de la semaine de la critique à Cannes The Connection permit à la cinéaste d’obtenir une visibilité internationale... Censuré à New York pour obscénité, le film pose un regard inédit pour l’époque sur la marginalité en réunissant, le temps d’un huis-clos brechtien, un cinéaste blanc, des musiciens de jazz et des toxicomanes. 

Chorégraphies pour Caméra (1)
Au début des années cinquante, Shirley Clarke - danseuse de formation - réalise une série d’essais de danse filmée en privilégiant, dès son premier film Dance in the Sun (1953), l’effacement de la scène de représentation. Influencée par le cinéma de Maya Deren, la cinéaste obtient avec Bridge-Go-Round (1958), un film de danse sans danseurs, la reconnaissance de la scène expérimentale.
Dance in the Sun – 1953 – Shirley Clarke – 16mm – coul – son – 9min
Bullfight – 1955 – Shirley Clarke – 16mm – coul – son – 11min
A Moment in Love – 1956 – Shirley Clarke – 16mm – coul – son – 11min
A Study in Choreography for Camera – 1945 – Maya Deren – 16mm – nb – sil – 2min
The Very Eye of Night – 1958-1959 – Maya Deren – 16mm – nb – son – 15min
In Paris Parks – 1954 – Shirley Clarke – 13min – 16mm – coul – son
> mercredi 18 septembre 2013 à 19h00

Chorégraphies pour Caméra (2)
Après s’être retirée d’une scène où elle était omniprésente dans les années soixante, Shirley Clarke s’essaie à l’expérimentation vidéo. En complète rupture avec ses premiers essais de danse filmée, Four journeys into mystic time (1978-79) rassemble quatre films de danse au style épuré, quasi minimaliste. 
Four Journeys into Mystic Time – Initiation – 1978 – Shirley Clarke – 16mm – coul – son – 28min
Four Journeys into Mystic Time – Mysterium – 1979 – Shirley Clarke – 16mm – coul – son – 12min
Four Journeys into Mystic Time – Trans– 1979 – Shirley Clarke – 16mm/video – coul – son – 9min
Four Journeys into Mystic Time – One-2-3 – 1979 – Shirley Clarke – 16mm/video – coul – son – 6min Bridges-Go-Round – 1958 – Shirley Clarke – 16mm – coul – son – 7min
> jeudi 19 septembre 2013 à 20h00

The Connection (1961)

Adapté d’une pièce de théatre du living theater écrite par Jack Gelber, le The Connection, premier long-métrage de Shirley Clarke, reste à ce jour un des plus grand succès du New American Cinema. Film d’ouverture de la semaine de la critique à Cannes The Connection permit à la cinéaste d’obtenir une visibilité internationale... Censuré à New York pour obscénité, le film pose un regard inédit pour l’époque sur la marginalité en réunissant, le temps d’un huis-clos brechtien, un cinéaste blanc, des musiciens de jazz et des toxicomanes.
> 23 septembre 2013 à 20h00

The Connection ressort en salle le 18 septembre 2013.

The Cool World (1963)

Adapté du roman de Warren Miller et tourné à Harlem en 1962, The Cool World dresse un portrait singulier, entre fiction et réalisme documentaire, du ghetto noir et de ses habitants. Entourée d’acteurs non-professionnels repérés dans la rue, Shirley Clarke privilégie l'improvisation et radicalise une méthode amorcée avec The Connection. Dans The Cool World la liberté formelle s'accompagne d’un regard sur le réel inédit, au point que Miles Davis a pu affirmer que le sous-titre du film aurait dû être simplement The Truth, la Vérité. 
> 20 septembre 2013 à 20h00  

Portrait of Jason (1967)

Portrait of Jason a été tourné une nuit de décembre 1966 dans une chambre du mythique Chelsea Hotel à New York. Durant de longues heures, la réalisatrice enregistre l’histoire de Jason Holliday, un prostitué noir et gay, acteur génial mais sans carrière, engagé dans un monologue autobiographique, pathétique et histrionique. Seul face à la caméra, Jason se remémore une vie qu’il s’est inventé depuis son enfance. Tout autant que le portrait d’un homme, Portrait of Jason dresse en filigrane et depuis ses marges, un tableau sombre de la société américaine des années soixante, homophobe et raciste, hantée par le maccarthysme et la guerre du Vietnam. 

Portrait of Jason ressort en salles le 16 octobre prochain.

source : Centre Pompidou

L'Étrange Festival 2013 : bilan et palmarès

Alors que notre présence pour cette dix-neuvième édition n'était pas prévue, nous avons finalement pu assister aux derniers jours de la manifestation. Quatre jours qui ont permis de vivre d'incroyables moments comme le nouveau Sono Sion ou découvrir le cinéma érotique et pornographique de Stephen Sayadian.

Des éclairs fantastiques, des visions morbides, des ombres et des lumières, des lèvres immenses, une langue géante procurant une petite mort, des sexes turgescents et de la jouissance “a-go-go”. Non, vous ne rêvez pas, vous êtes bien chez Stephen Sayadian, connu sous plusieurs pseudonymes (Rinse Dream, F.X. Pope, Ladi von Jansky…) dont les productions libres ont fasciné- émoustillé-plus-si-affinités l’inconscient cinéphile. Sayadian a commencé sa carrière en tant que directeur artistique pour LFP (Larry FLint PubLications) avant de mettre en boîte au début des années 80 des films qui ne ressemblent à rien de connu, représentatifs d’une époque où la pornographie avait – encore – des ambitions artistiques. Au sexe libre et hédoniste des années 70 succède le sexe solitaire. Pile au moment où les premières cassettes porno sont commercialisées, Sayadian nous plonge dans un monde de surréalisme pulp amer, d’humour bizarre, de tableaux kitsch, de virus et de performance, à l’esthétique alliant mauvais goût et visées poétiques, résistant au sexe boucher. En résultent Nightdreams, rêverie déclinée en trois volets ; Café Flesh, dystopie mettant en abyme le désir dans un univers postapocalyptique ; ou encore Dr. Caligari, (fausse) suite illuminée du classique de Robert Wiene. Dans les années 90, après deux exquis Party Doll a-Go-Go, Sayadian s’aventure chez MTV et dans la série télé, laissant la place à d’autres artistes pour représenter le sexe au cinéma. Pas sûr qu’ils aient fait preuve d’autant d’imagination.
Catalogue de l’Étrange Festival.

Les spécialistes en cinéma pornographique résume bien souvent l'âge d'or du genre à la période ou celui-ci était encore réalisé en pellicule et dont les chef d'oeuvre sont la plus part issus des années 70. Avec la découverte de Nightdreams (1981) et du Dr Caligari (1989, film érotique),on peut enfin citer un réalisateur des années 80 digne d'être connu pour ces films X, qui plus est, tourné en 35 millimètre.
Ce qui surprend le plus à la vision de Nightdreams et du Dr Caligari est le ton, très sombre, l'humour (noir) omniprésent et les idées visuelles incroyables à foison (dans le Dr Caligari pour économiser du temps et de l'argent, tous les décors ont été placé sur roues afin de les bouger pour créer l'effet d'un traveling), quelque part entre un Tim Burton sous acide et un Richard Elfman dévergondé, tout cela entremêlée de scène de sexe qui passeraient presque au second plan si le talent de Sayadian aka Rinse Dreams ne venait pas démontrer qu'un film porno peut-être un territoire d'expérimentation.
Nous passerons sur Party Doll a Go Go dont l'auteur de ces lignes n'a pu supporter ni les recadrages supprimant toutes les scènes pornographiques, ni le grain vidéo rendant particulièrement indigeste les nineties. Un triste souvenir. Quant à Café Flesh, le long-métrage le plus célèbre de son auteur, nous avons malheureusement fait l'impasse pour redonner une chance à The Rambler de Calvin Lee Reeder.




Un homme qui sort de prison doit composer avec le monde réel. Au gré de ses pérégrinations, il perd progressivement le sens de la réalité et bascule dans un univers cauchemardesque où tout peut arriver. Absolument tout...

Après The Oregonian (2011), œuvre récompensée au Lausanne Underground Film Festival (LUFF), Calvin Lee Reeder remet le couvert du bizarre avec un film ou le voyage semble labyrinthique et les rencontres plus étranges les unes que les autres. Si la première vision nous avait particulièrement charmé (beaux cadres et belle direction d'acteurs), la seconde vision, les effets de surprises évacués, a rendu le spectacle long, voire ennuyeux. Si notre avis n'est pas tout à fait arrêté à l'heure actuelle, nul doute que l'auteur est à suivre de très près car il est le seul auteur américain de la scène indépendante à être digne d'intérêt pour son cinéma évoquant David Lynch.

Autre jeune réalisateur qui risque de faire parler de lui dans les prochaines semaines (et on espère dans les prochaines années) Andrew Bowser signe avec Worm, le film de petit malin de cette quinzaine.

Accusé d’un double homicide, Jason accumule les mauvaises rencontres alors qu’il tente de sauver sa petite fille d’une bande de vicieux criminels.

Entièrement tourné avec une Go-pro, petite caméra arnachée à son acteur/réalisateur, Worm est un long plan séquence de 90 minutes. Un néo noir pas innovant scénaristiquement (on retrouve toutes les figures et les renversements de situation) mais terriblement divertissant grâce à l'empathie qui nait de la proximité avec le périple du personnage.

La véritable sensation de cette édition aura été pour nous la vision du nouveau Sono Sion, Why don't you play in Hell marquant le retour du cinéaste japonais à l’Étrange Festival après les découvertes de Guilty of Romance et Cold Fish (toujours inédit en France) en 2011.



Muto et Ikegami sont deux gangsters qui se détestent : l’un tente de réaliser le rêve de sa femme en cherchant un rôle de cinéma pour sa fille, l’autre est amoureux de cette dernière. Un réalisateur indépendant décide de la prendre comme actrice principale de son film. Évidemment, rien ne se passe comme prévu…

Film de yakuza, film d'amour sur le cinéma, Why don't you play in Hell ? est une aventure dont la folie du propos ne peut venir que d'un seul homme, Sono Sion. Le cinéaste est le plus enthousiasmant en provenance de l'archipel pour sa faculté à marier projet réflexif et démonstration stylistique hors normes. Alternant aussi bien des visions poétiques, réalistes ou fantasmagoriques, Sono Sion ne lâche jamais son scénario, aussi barré qu’imprévisible affichant pourtant une cohérence irréprochable. Cette mise en abyme d'un groupe de cinéaste indépendant servant de prétexte à un déferlement de violence pour un vrai faux film de yakuza est époustouflant. Il aurait été facile de dérapé dans l'indigeste et le chaos mais Sono Sion réalise son film le plus maîtrisé.
Le second degrés se greffe admirablement aux aspects les plus mélancoliques du film (disparition du cinéma de quartier, de la pellicule pour la vidéo) renforçant les personnages dans leur quête respective. Why don't you play in Hell ? est un film qui ressasse divers éléments du cinéma nippon (film en costume, film de flic, film de yakuza, film de jeune, film de génération). Tout est concassé, tout s'entrechoque sur plus de deux heures pour finir dans un final démentiel.

Le film a été récompensé par le prix du public tandis que le long-métrage russe The Major a lui obtenu le Prix nouveau Genre. Quant au court-métrage, c'est The Voice Chef d'Adan Jodorowsky qui a obtenu le Prix du public et le Grand Prix Canal+.

Diourka / Bernadette Lafont

Depuis le 5 septembre dernier, l'étrange festival, dix-neuvième édition, rythme les journées des parisiens avec son lot de raretés et de nouveautés. L'occasion pour THE END de revenir sur le cinéaste Diourka Medveczky, dont le seul et unique long-métrage Paul fut diffusé en 2010 pendant la manifestation lors d'un hommage à l'acteur français Jean-Pierre Kalfon. Un coffret dvd de son oeuvre est sortie en fin d'année 2012 sous l'impulsion de la regrettée Bernadette Lafont qui fut la compagne de Diourka Medveczky.


Artiste d’origine hongroise, Diourka Medveczky fuit le régime communiste et s’installe en France dès 1948. Il a alors 18 ans. Sculpteur, céramiste, il rencontre Picasso qui deviendra son mécène. En 1959, il expose une vingtaine d’œuvres à Paris. Il est immédiatement repéré par la critique et les collectionneurs. C’est à cette époque qu’il rencontre Bernadette Lafont, dont il aura 3 enfants. Dès 1967, Diourka s’intéresse au cinéma. Il réalise deux courts-métrages, « Jeanne et la moto » (1968) et « Marie et le curé » (1969), et un long métrage, « Paul » (1969). Malgré un énorme succès critique, Diourka renonce au cinéma, et se retire à la campagne. Il vit aujourd’hui dans les Cévennes. 

Réunissant Marie et le Curé (1968 - 35 minutes), Jeanne et la moto (1969 - 17 minutes) et Paul (1969 - 90 minutes), ce coffret propose également deux documentaires de 69 et 59 minutes signés Estelle Fredet et André S. Labarthe intitulés respectivement Diourka, à prendre ou à laisser (2012) et  Bernadette Lafont, exactement (2007). Adjoint à l'ensemble, un livret de 16 pages rédigé par Bernard Bastide (Docteur en études cinématographiques et audiovisuelles et auteur de monographies sur Louis Feuillade, Jacques de Baroncelli et avec Agnès Varda pour Varda par Agnès aux éditions Cahiers du Cinéma) vient témoigner du choc des films sur la critique de l'époque. Pourtant, la non distribution en salle de Paul et la quasi invisibilité de l'oeuvre du cinéaste entraina l'oubli d'un artiste unique, sorte de trait d'union entre le cinéma de l'est et la nouvelle vague française.

Dans le numéro de septembre des Cahiers du Cinéma, Stéphane Delorme rend au hommage à Bernadette Lafont à travers le film Marie et le Curé (1967) ainsi qu'au film de Garrel, Le Révélateur. Voici un extrait :
"La voix de Bernadette Lafont est inoubliable. En 1967-1968, elle vit pourtant une courte période muette, le temps de deux chefs-d’œuvre. C'est son physique de muse charbonneuse, de Musidora tardive, de Theda Bara coquine qui l'apparente aux stars du cinéma muet. Avant ses coiffures peroxydées des années 80, elle est une actrice du noir et du blanc [...]. Elle tourne en 1967, Marie et le Curé, son premier film sous la direction de son compagnon Diourka Medveczky, un moyen métrage complètement bunuelien dans lequel, en servante aguicheuse, elle tente et fait chuter un prêtre fébrile. Quelques brises de phrases postsynchronisées, pour le reste un air espiègle, des bottes en cuir et l'insolence innocente du péché. L'an passé, l'édition dvd chez Filmedia de ce sommet surréaliste aux côtés de Paul, son second film film avec Medveczky, était un événement. "
Stéphane Delorme in Cahiers du Cinéma #692 - p.85
Toujours dans la mythique revue, on apprend qu'un ouvrage écrit par Bernard Bastide en étroite collaboration avec Bernadette Lafont va voir le jour en octobre prochain.
Bernadette Lafont mène sa vie tambour battant, libre, passionnée et attachante ; plus particulièrement sa vie d’actrice, exigeante, professionnelle et toujours émerveillée d’être devant les caméras. Dans ce livre, elle retrace avec Bernard Bastide, fan depuis longtemps et devenu son assistant, sa carrière impressionnante. Elle évoque aussi son parcours, son enfance, les maisons où elle a vécu…

352 pages | 49 euro

Proposant plus de 500 documents, ce livre risque d'être l'ouvrage définitif sur la muse de la Nouvelle Vague et de rendre obsolète les précédents comme Le Roman de ma vie et La Fiancée du cinéma dont on a extrait divers passages pour connaitre le versant intime de Diourka par l'actrice qui a partagé durant dix-huit ans la vie de l'artiste.

Sur Diourka :
"J'ai connu Diourka, à un moment de ma vie où ma disponibilité n'avait d'égal que mon ambition. Diourka ne parlait que de lui et pour lui, ne vivait que par rapport à son égo dont il accomplissait les quatre volontés avec enthousiasme.
Il était issue d'une famille de la grande bourgeoisie hongroise. Tous ses frères, comme son père, étaient devenus médecins. Diourka avait refusé cette alternative si peu seyante à un tempérament de vague à l'âme solitaire. A dix-huit ans, il passait la frontière de son pays à plat ventre pour échapper aux rafales des armes automatiques. Sans papiers, il avait erré dans Paris et dait de la taule avant de se retrouver dans l'atelier de céramique de Picasso, un an plus tard. [...] Diourka menait une vie non planifiée ; nous vivions à l'unisson du jaillissement de ses idées, d'impulsion en impulsion."
Sur Paul :
"Papa Diourka tourne Paul.
- J'ai un rôle pour toi.
Le ton a changé. Il est celui de l'employeur. J'avais déserté la campagne. Notre campagne. Rien à dire : nous entrions dans l'ère des représailles. [...] je file dans les Cévennes. Diourka m'attend. Pas l'homme, le metteur en scène.
Avant de prendre le train, une ultime précaution : changer de gueule. N'avait-il pas grésillé dans le téléphone :
- Je ne veux pas de la Bernadette Lafont, l'actrice qui a des tics d'artiste.[...] Les Cévennes ! Celles de la maison magique d'une enfance où l'état de petite fille hésitait devant celui de mec. J'arrive dans la ligne de mire de Diourka une petite ceste de lapin rouge sur le dos.
Une nouvelle fois, j'investis la maison maternelle. Dans la grande pièce, les enfants sont là. Ils me regardent, les yeux écarquillés. L'équipe du film loge à l'hôtel, au village, bien à l'écart de notre microcosme.
D'habitude les tournages sont pour moi des trouées dans le ciel gris ; protégée par la machinerie du cinéma, je me dévergonde dans les sentiers de la liberté. Le tournage de Paul fut une épreuve dans tous les sens du terme. Les premiers jours, je ne fus d'aucun plan.
- Il faut te désintoxiquer de tout ce cinéma... après, on verra.
Diourka son harem, moi et nos scènes de ménage tonitruantes faisions vibrer les murs de pierre de la maison [...]
Un matin, Claude Makovsky (producteur de Nelly Kaplan, Ndr) arrive, un journal à la main :
- Formidable ! Paul a obtenu les deux prix au festival d'Hyères.
Coup de téléphone de Bulle (Ogier, Ndr) :
- Formidable ! (ça je le savais déjà ; la suite, par contre, est nettement plus marrante) Diourka a fait un vrai tabac en recevant le prix. Après la proclamation, il est monté sur scène. Là devant la presse, la radio, la télévision, il a sorti son sexe et l'a pointé avec une extrême dignité. Une poignée de gardien de la paix, à moitié endormis, l'emmenèrent au poste.
Bernadette Lafont in La fiancée du cinéma - Ramsay Poche cinéma (1978)
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Marie et le curé : 3 décembre 1956 : Guy Desnoyers, curé d'Uruffe, assassine sa jeune bonne enceinte de lui
Jeanne et la moto : les amours et séparations de Jeanne et Paul, un couple de motards.
Paul  : Paul fuit sa famille bourgeoise et parcourt la France. Il se lie avec le "pèlerin" et son groupe de sages, qui fuient eux aussi la société.

En vente sur theendstore.com 
Prix : 25 euro