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Soirée Cinéma X

Tout est dit ou presque sur l'image mais en résumé ce soir (mardi 30 octobre 2012) à 19h, la librairie érotique La Musardine accueille les auteurs de trois publications de référence sur le cinéma pornographique, Christophe Bier (Dictionnaire des films français pornographiques et érotiques), David Courbet (Féminismes et pornographie) et Jacques Zimmer (Le Cinéma X).

La Musardine
122 rue du Chemin- vert
75011 PARIS

Adolpho Arrietta, Underground Paris-Madrid 1966-1995

Bien souvent ce que l'on demande à un éditeur, c'est premièrement, de respecter l’œuvre et le créateur. Ce qui apparait comme une évidence n'est pas obligatoire aux yeux de certains  labels (on pense à ceux qui diffusent des films en dvd sans la version originale). La deuxième chose est l'étonnement. Il n' y a rien de comparable à ce sentiment de découvrir l'inattendu. C'est pourquoi nous aimons particulièrement l'éditeur Capricci qui n'a jamais peur de prendre des risques (calculés ? nous serions tentés de dire oui vu que la société prospère). Le prochain ouvrage de Philippe Azoury (plume passionnante et importante de Libération, de diverses publications et de bonus dvd) en est l'exemple,  permettant de lever le voile sur un cinéaste oublié, Adolpho (ou Adolfo) Arrietta.

"Tous mes films racontent l'histoire d'une perversion" (Arrietta)


Moins connu que Jean Eustache, Philippe Garrel ou Marguerite Duras, dont il fut l’ami, Adolpho Arrietta est pourtant l’un des grands cinéastes underground des années 1970-1980. L’univers de ce magicien du cinéma, digne héritier de Jean Cocteau, va de Madrid à Paris, mais aussi de Jean Marais à Enrique Vila-Matas, des Cahiers du cinéma aux Gasolines : toute une histoire légendaire, à la fois glamour et fauchée, qui revit ici avec brio. Le livre est constitué d’un long entretien réalisé en juillet 2009 à Madrid par Philippe Azoury. Durant trois jours, leur dialogue a creusé la fabrication de Flammes (1978). Ensemble, Azoury et Arrietta évoquent les autres films du cinéaste mais surtout tout un monde, une conception poétique, libre, frondeuse de faire du cinéma comme on vit. De la théorie à la pratique, d’une époque à une autre, cet ouvrage permet au lecteur de se plonger dans le cinéma et la culture de la fin des années 1970.

Adolpho Arrietta est né à Madrid en 1942. Il s’installe en France en 1967, où il réalise ses premiers longs métrages. Considéré en Europe comme un pionnier du cinéma indépendant, il puise son inspiration dans un langage poétique proche de celui de Jean Cocteau. Le cinéaste a marqué les années 1970 par des films tels que Le Jouet criminel avec Jean Marais, Les Intrigues de Sylvia Couski (1974) - qui obtient à Toulon le grand prix du « Cinéma Différent » - Flammes (1978) ou encore Grenouilles (1983). Toujours actif, il a depuis réalisé plusieurs courts et moyens métrages, des oeuvres pour la télévision espagnole et a joué un rôle dans le dernier film d’Albert Serra L’Histoire de ma mort (en production). 
"Aux années 50, la série B (Tourneur, Ulmer Dwan). A ma génération, le cinéma d'Arrieta (de Biette, de Zucca). C'est la même chose, c'est la même question posée à l'apprenti cinéaste : comment atteindre cette vibration nocturne qui hante les films comme un secret ? Réponse : par la mise en scène, ou plutôt par la mise en rumeur, cette capacité à obtenir une attention maximale du spectateur, comme Hitchcock, mais sans installer aucun suspense, à la différence d'Hitchcock, en privilégiant au contraire une attente imprécise un récit de brume.
Serge Bozon in Cahiers du Cinéma #682 - p.92
Seul et unique dvd a être disponible en France (dans le monde ?) grâce à l'éditeur Re:voir, La trilogie des anges renferme trois court-métrage du début de carrière d'Adolpho Arrietta.

Le Crime de la toupie (EL CRIMEN DE LA PIRINDOLA / 1965 / 18 minutes)  
Un enfant, inlassablement, surveille la danse d’une toupie…
« La figure de l’ange, la première fois, est apparue dans le noir et blanc que j’ai utilisé dans Le Crime de la toupie. Je filmais Xavier [Grandes] en train de jouer avec une toupie et j’ai senti qu’il fallait la figure d’un ange qui regarde son jeu. Une amie qui était là a mis un drap et j’ai coupé des ailes en papier qu’elle a collé sur son dos... Après, l’ange apparaît dans mes films en noir et blanc, toujours avec un drap et des ailes en papier. »
L'imitation de l'ange (LA IMITACION DEL ANGEL / 1966 / 21 minutes)
« Dans Imitation de l’ange, le garçon, German Portillo, essaie d’imiter un ange… C’est une méditation sur l’angélisme que je ne peux pas raconter. »
Le Jouet Criminel / 1969 / 36 minutes
« En 1969 je rêvais de faire un film avec Jean Marais. Finalement je l’ai rencontré à Paris. Il était ami avec un ami à moi qui lui avait parlé de mon projet. Il aimait beaucoup l’idée de faire un film underground. Je n’avais pas la moindre idée de ce qu’on allait faire. (…) Un jour on se promenait dans Malakoff. Ce quartier ressemblait un peu aux ruines dans Orphée de Cocteau. (…) Soudain jean s’est arrêté, il a regardé au sol une flaque qui brillait comme un miroir et qui contenait deux gants en caoutchouc blanc, comme les gants de la Mort d’Orphée. Jean n’a rien dit, et moi non plus, mais il me semble qu’on a eu le même sentiment. J’ai senti qu’on était en train de faire un remake d’Orphée. »
Toutes les citations sont d'Adolfo Arrietta, conversations avec Philippe Azoury (2009).
Le dvd et le livre sont à commander par mail à theendstore[at]gmail.com ou contact[at]theendstore.com

> Adolpho Arrietta, Un morceau de ton rêve / Paris-Madrid 1966-1995 par Philippe Azoury / 136 pages / 14,50 euro
> La trilogia del angel / Français - English - Spanish subtitles / livret 16 pages signé Erik Bullot / 24 euro

Rétro-viseur : Les Petites Marguerites (1966)

Le Lausanne Underground Film Festival (LUFF) a débuté mercredi 17 octobre avec comme chaque année une programmation mettant l'accent sur des films oubliés ou méconnus. Entre une carte blanche à John Waters, des rétrospectives consacrées à Richard Stanley, Christoph Schlingensief, sans oublier des films actuels, le LUFF, malgré un programme conséquent, a décidé de revenir en quatre films sur une période "dorée" du cinéma d’Europe de l'Est.
Sous l’appellation "Anarchy in Marxland", vous pourrez donc (re)voir L’incinérateur de cadavre, Haut les mains, Sweet Movie et Les petites marguerites. Des œuvres qui témoignent de la vitalité (d'alors) des artistes en provenance de l'ex bloc soviétique. Une belle occasion pour THE END d'évoquer l'emblématique film de Vera Chytilova, Sedmikrasky aka Daisies aka Les petites marguerites dans notre rubrique le Rétro-viseur.

 
Du côté de chez Marx
Si un film mérite d'être qualifié de "bombe", c'est bien le second long métrage de Vera Chytilova, auprès duquel son Quelque chose d'autre fait figure d’œuvre étonnamment sage et rationnelle. C'est, en une heure et quart d'un choc visuel ininterrompu, les aventures délirantes de deux jouvencelles, Marie Un et Marie Deux. mais écoutons l'auteur : " Ce film présente un tableau de la vie d'une certaine conception de la vie qui, dans une démonstration amplifiée, montre les péripéties de la vue de deux jeunes filles. Il n'est pas ici question de critique de jeunes filles particulières qui, bien qu"extravagantes, ne sont pas typiques mais de la critique de leur style de vie dont les éléments, dans une mesure plus ou moins large, sont tirés de la vie de chacun de nous. Il s'agit de la peinture d'une vie dépravée, dans son cercle ensorcelant, de pseudo-rapports et de pseudo-valeurs menant au néant, à l'affectation ; peu importe si nous feignons le vice ou le bonheur (...). Ce grave problème a été traité sur un rythme très léger, à la façon d'une quelconque comédie bouffonne, accompagnée d'ombres sarcastique et d'une satire à l'égard des deux héroïnes. Je crois de cette manière provoquer une réaction critique de la part du spectateur. De même qu'en accentuant et en ridiculisant le grotesque des répliques et des événements, le spectateur, se sentant troublé, pourra prendre conscience de la réalité et du véritable propos du film."


On l'a compris : le film est une parabole. Mais comme toutes les paraboles, il peut d'abord se lire au premier degré. Ces deux ravageuses donzelles sèment le désordre et la panique partout où elles se trouvent : elles cassent, saccagent, piétinent, renversement, déchirent, incendient ; elles raillent, ridiculisent, blasphèment, chapardent ; enfin elles ne cessent pas de manger, que dis-je, elles bouffent, goinfrent, ingurgitent. Voilà, n'est-il pas vrai, un tableau fidèle de l'adolescence d'aujourd'hui : c'est presque un documentaire, en tout cas pour ce qui est de la permanente fringale, laquelle n'est naturellement, vous diront les psychiatres, qu'une transposition alimentaire d'un inextinguible besoin d'idéal. Donc cette rage de destruction, des objets matériels comme des valeurs morales est pour nos deux Marie une façon de s'affirmer, une façon aussi de résister, de "tenir le coup" : 
"Puisque tout le monde est pourri, disent-elles en substance, nous aussi nous serons pourries ! " Cette petite phrase, qui n'a l'air de rien, contient pourtant assez d'explosif pour branler les bases de toute société. Et Chytilova, sans le savoir, cite le Marquis de Sade qui écrivit en substance il y a deux siècle : " Dans un monde où tout le monde triche, la seule façon de survivre est de tricher aussi ". Mais pourquoi nos "petites marguerites" se révoltent-elles : "Parce qu'on ne nous comprend pas" se lamentent-elles et leur désespoir ne semblent pas entièrement feint puisque l'une d'elles va jusqu'à une tentative de suicide, faux suicide car si elle a bien ouvert le gaz elle a négligé de fermer la fenêtre, mais hantise de la mort, indiscutablement. C'est cette inquiétude profonde qui donne à leur rage de vivre toute sa gravité : il faut vivre sa vie, vivre à tout prix (ces formules évoquent irrésistiblement d'autres films dont l'inspiration est voisine), "tout essayer" tant que c'est possible, avant la noyade finale (Nous nous noyons parce que nous sommes pourries !") ou l'apocalypse atomique. 

Car enfin, il s'agit bien d'une parabole. Ces demoiselles sont pourries parce qu'elles sont victime d'une société et d'un monde organisés (désorganisés) par les adultes. "Pourquoi cherchez-vous à nous pervertir ?" lancent-elles aux vieux messieurs qui les invitent à déjeuner, en quête d'une bonne fortune. Encore cette "perversion" n'est-elle pas grand chose au regard du danger de guerre qui plane sur le monde et dont les images qui accompagnent le générique et terminent le film évoquent la terrifiante menace. Et la morale de l’œuvre est explicitement donnée à la dernière image par une formule qui s'inscrit avec un crépitement de mitrailleuse : "Ce film est dédié à ceux qui ne s'indignent  que pour des salades piétinées ". En d'autres termes à ceux qui s'emportent contre les timides débordements d'une jeunesse assoiffée de vie et de bonheur mais qui dorment sur leurs deux oreilles tandis qu'un génocide s'accomplit au Vietnam. Ainsi, alors que l'injustice et le crime sont tolérées, la vie quotidienne se remplit d'interdits et de tabous et certain ballet visuel de portes soigneusement cadenassées ne laisse pas de doute sur les intentions de la réalisatrice. 
C'est du moins une lecture possible de son film, puisqu'elle laisse délibérément la voie libre à de multiples interprétations. Interrogée sur le point de savoir si sa critique visait la société capitaliste ou la société socialiste, elle a répondu savoureusement : "c'est une protestation contre l'idiotie : mais peut-on choisir entre les diverses formes d'idioties ?" Dont acte. il reste que Chytilova est Tchécoslovaque et que ce n'est pas solliciter son film que d'y voir (et le film a été très mal vu par les dirigeants politiques du pays) une satire sournoise tendance à l'embourgeoisement d'une société de consommation : le saccage des pompes alimentaires du diner officiel est significatif à cet égard. Nos deux "marguerites" allient des grâces botticelliennes à une fureur dignes des affreuses gamines de Ronald Searle : leur déchaînement, c'est quelque chose comme les exploits des sœurs Marx vus par un cinéaste marxiste. Car sous des dehors de gratuité provocante et décorative le film a de singuliers prolongements. 

Quant au traitement plastique, impossible d'en donner une idée précise par les morts. C'est le triomphe du "pop", un époustouflant collage visuel rehaussé de toutes les gloires de la couleur, un tourbillon burlesque et grotesque superbement mis en images par une artiste qui sait rendre la beauté agressive et fascinante l'invite à la réflexion. Chytilova s'exprime de façon moderne sur un thème de la plus brûlante actualité : je crois que son film est une date.

Marcel Martin in Cinéma 67, p90-91 

Les petites marguerites sont disponibles en dvd sur theendstore.com
Edition digipack cartonné contenant un livret : Les métamorphoses de l’impertinence, critique de Paul-Louis Martin et un entretien avec la réalisatrice par Michel Delahaye et Jacques Rivette (extraits des Cahiers du cinéma).
Note de l'éditeur :
 Incarnation éclatante de l’inventivité et du talent de la nouvelle vague tchèque. Ce film, censuré très rapidement après sa sortie, est devenu culte dans le monde entier. Vera Chytilova avait alors scandalisé la Nomenklatura à l’Est et époustouflé l’Ouest par sa liberté de ton et son insolence.


La Bouche de Jean-Pierre

Rares sont les films français a créer le trouble. Rares sont les cinéastes français a créer l'événement à chaque sortie cinématographique. Gaspar Noé fait parti de ces réalisateurs qui ont su réveiller un cinéma français en pleine léthargie et ce dès son premier film Carne. C'était l'époque des Kounen, Kassovitz, Jeunet & Caro, qui trustait les premières places dans les "charts" des amoureux de cinéma (national). C'était l'époque où le renouveau était possible. Depuis, seul Gaspar Noé semble avoir gardé son "intégrité" artistique... enfin sans compter sur Lucile Hadzihalilovic, partenaire privilégiée de Noé, réalisatrice singulière dans le paysage français avec un premier long, Innocence, malheureusement passé inaperçu.

Dans quelques semaines, son premier essai filmique sera enfin visible grâce aux éditions Badlands / 1kult, webzine du cinéma alternatif, qui se lance dans le grand bain de l'édition et frappe fort avec ce moyen métrage (52mn) qui reste encore dans de très nombreuses mémoires pour le choc et le malaise provoqué.


Après la tentative de suicide de sa mère a laquelle Mimi a assisté impuissante, la tante Solange emmène la fillette vivre quelque temps chez elle. Or Solange est un peu maniaque, chez elle, chaque chose a sa place, celle de Mimi est dans un recoin près de la porte, mais dès le premier soir, le sommeil de la fillette est troublé par l'arrive de Jean-Pierre, le nouveau fiancé de Solange.

Reflet de Carne et de Seul contre tous de Gaspar Noé, La Bouche de Jean-Pierre confirmera à tous ceux qui avait apprécié Innocence du talent incontestable de son auteur pour les univers intemporelles et l'attrait pour le charme noir de l'adolescence.

En supplément, Badlands a décidé de montrer toute son ambition question bonus avec
> Les souvenirs de Jean-Pierre (35mn)
> Les amis de Jean-Pierre (52mn)
> Le court-métrage Good boys use condoms (6mn)
> Un livret de 40 pages avec le scénario original
> Bande-annonce

Pas encore de date, ni de prix mais il nous tarde de découvrir cette première sortie qui on l'espère sera en vente sur theendstore.com


source : Badlands

Koji Wakamatsu (1936-2012)



Quand l'embryon part braconner (1966)
La Saison de la terreur (1969)
 Naked Bullet (1969)
Va Va Vierge pour la deuxième fois (1969)
Running in madness, dying in love (1969)
Sex Jack (1970)

Double Take | Arte



Les plus fidèles d'entre vous auront sans aucun doute reconnu (Hitchcock cela va s'en dire) mais surtout le visuel d'un film que nous proposons à la vente depuis plusieurs mois sur theendstore.com  (et nous sommes quasiment les seuls !).
Double Take, sorti dans les salles en France en septembre 2010 par E.D Distribution, va bénéficier d'une "exposition" exceptionnelle via Arte. Les guillemets sont de rigueur car les deux diffusions télévisuelles du film de Johan Grimonprez auront lieu ce soir (lundi 15 octobre) à 00h15 et le 31 octobre à 03h15, autant dire que seuls les avertis ou les insomniaques pourront profiter de ce film rare et étrange.

Présentation du film par Arte
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Quand Hitchcock rencontre... Hitchcock, sur fond de guerre froide. Un documentaire haletant qui mêle fiction et réalité pour explorer l'illusion et la confusion des identités sur les montagnes russes de l'Histoire.
"On dit que si l'on rencontre son double, il vaut mieux le tuer. Sinon, c'est lui qui vous tuera. Je ne me souviens plus lequel, mais... il faut savoir que parmi vous deux, il y en a un de trop. D'ici la fin du script, l'un de vous deux doit mourir." Ainsi commence Double Take et ainsi se déroule-t-il. Alfred Hitchcock rencontre son double, plus âgé de vingt ans - et le cinéma rencontre la télévision. Lequel est le bon, lequel saura se débarrasser de l'autre ? En toile de fond, s'intercalent des images du Kitchen Debate qui réunit Nixon et Khrouchtchev, à l'exposition américaine de Moscou en 1959. L'adversaire politique se fait sosie et la guerre froide thriller, tandis que le maître du suspense et son Mister Hitch rêvent de crime parfait.
Faux-semblants
Mêlant images d'archives, extraits de films et séquences narratives, ce documentaire d'une grande maîtrise esthétique met en scène des couples étranges et des négociations bilatérales, et montre comment la politique a fait de la peur un bien culturel de masse dans l'Amérique des années 50. Aussi captivant qu'un film d'Hitchcock, Double Take joue avec brio et humour de l'authenticité et des faux-semblants. Un essai et un coup de maître signé Johan Grimonprez, Black Pearl du Meilleur nouveau réalisateur de film documentaire, à la troisième édition du Festival international du film du Moyen-Orient (MEIFF) d'Abu-Dhabi en 2009.

Pour ceux qui souhaiteraient découvrir le film, l'édition que nous proposons comporte des sous-titres français ainsi que des suppléments (The Hitchcock Casting,Trailer et teasers, Folger's coffee shop). Plus d'infos ici
Un film difficilement classifiable à l'instar de son réalisateur.
On peut être tenté de vous qualifier de cinéaste expérimental. Quelle différence faites-vous entre le cinéma « classique » et celui que vous pratiquez ?
Hier soir, Double Take a été projeté au centre Pompidou à Paris dans le cadre du festival Cinéma du réel. C’était dans une vraie salle de cinéma, mais qui fait partie d’un musée d’art contemporain. Mes films se rapprochent d’une forme usuelle, avec un début, un milieu, une fin. Même si comme Godard l’a dit, il n’est pas nécessaire qu’ils soient dans cet ordre-là. En tous cas, j’y raconte quelque chose de manière structurée, où je laisse du temps aux éléments pour qu’ils puissent être compris. Ca reste du cinéma, et pas par exemple de la pub, où ce rapport au temps a été totalement oublié. Double Take a visiblement été conçu par sa forme ou sa durée qui est celle moyenne d’un film, pour le cinéma. Est-ce que cela modifie votre démarche ? Non. J’adore l’idée qu’un film puisse être diffusé sur plusieurs supports : Double Take va passer en télé en Allemagne, parce qu’il a été co-produit par la ZDF et Arte. Il est actuellement montré dans une exposition à New York. Je serai même ravi qu’il passe sur des chaînes américaines où il serait entrecoupés de spots publicitaires. Parce que chaque moyen de le diffuser permet une recontextualisation en soi.

La figure centrale de Double Take est Alfred Hitchcock, cinéaste ô combien symbolique. Pourquoi ce choix ?
Double Take est en fait né d’un autre film, que je n’ai pas encore fait. Pour celui-ci, j’avais besoin d’un sosie d’Hitchcock.J’ai donc monté un casting au cours duquel j’ai rencontré Ron Burrage, son sosie officiel, qui le joue depuis vingt-cinq ans. En fait il a quasiment démarré sa carrière quand le vrai Hitchcock est mort. Cette rencontre a enclenché l’idée de Double Take. La vie de cet homme est tellement bizarre, tellement pleine de coïncidences : il a travaillé comme liftier à l’hôtel Claridge à Londres, là où Hitchcock était logé quand il travaillait sur un projet de film sur les camps de concentration. Il a ensuite travaillé au Savoy, où se trouvait le restaurant favori du réalisateur. J’ai trouvé amusant que la vie de Ron soit tellement liée par le cinéma sans que ça l’empêche d’en avoir fait sa propre vie. C’était une parfaite métaphore pour décrire la condition d’artiste, qui doit définir son propre espace tout en devant intégrer le fait qu’aujourd’hui ce sont les médias qui définissent son statut d’artiste.
Interview de Johan Grimonprez par Alex Masson in  L’Autre Cinéma belge, 2009, Édition Flandrimage.

> lundi 15 octobre 2012 à 00h15
> mercredi 31 octobre 2012 0 03h15

> dvd : Double Take | 22 euro
source : Arte, ED Distribution

Harris Savides (1957-2012)





"j'ai beaucoup de mal à voir un film sur lequel j'ai travaillé lorsqu'il sort en salle. Mon travail déconstruit tellement le film qu'il n'en reste plus rien - ce n'est même plus un film que je peux regarder. Il me faut beaucoup de temps pour être capable de me poser, le voir et l'apprécier".

 Harris Savides - directeur de la photographie in Conversations avec James Gray, Jordan Mintzer - p.116 (Synecdoche)

Expo Kenneth Anger

Plus que quelques jours pour découvrir l'exposition de Kenneth Anger à la Galerie du jour d'Agnès B. Entre documents de l'artiste (collection d'autographes), archives (articles issus de la Cinémathèque de Paris dont ses premiers écrits en français parus dans les Cahiers du Cinéma) et installations audiovisuelles, on ne pourra regretter que le caractère succinct de l'ensemble. Pour autant cela reste un événement à découvrir pour quiconque s’intéresse aux figures du cinéma underground.


Voir le monde à travers une boule de cristal. 
Kenneth Anger est né en 1930 à Santa Monica et a grandi à Hollywood. Il est aujourd'hui considéré comme le maître du cinéma expérimental, grand inspirateur de la subculture, et l'influence majeure d'une génération de réalisateurs, musiciens et autres artistes. En 1947, il réalise Fireworks, sélectionné dans de nombreux festivals en Europe, dont le festival de Cannes où Cocteau le découvre. C'est un choc : il trouve là son corolaire américain, comme un Genet sous acide. « Fireworks, vient du plus profond de la nuit d’où émergent toutes les oeuvres vraies. Il touche le vif de l’âme et c’est là chose rare. » 

CINEMAGIC 
Dans les films de Kenneth Anger, on retrouve l'occultisme, la mythologie, la culture gay, Hollywood. Des couleurs criardes, des écritures techno. Chacun de ses films, grâce à diverses techniques de travail de la pellicule, prend une forme onirique, une oeuvre habitée par la magie, la poésie. C'est un cinéma de montage, proche d’un procédé hallucinatoire. 
Pour Kenneth Anger, un film terminé n'est pas un film emballé, ses pellicules sont perpétuellement retravaillées, réutilisées pour un autre film ou pour des photogrammes qui donnent, aujourd'hui, souvent lieu à des installations. En 1997 lors de sa première exposition à la galerie du jour agnès b. ICONS, Kenneth Anger explique ainsi son processus de production : « J'essaye de travailler sur la matérialité de la pellicule, sur les cascades d'images que je vois en la déroulant. Très souvent, je n'utilise pas les images seules et je les garde dans une espèce de tiroir, pour les combiner avec d'autres au montage et, dans certains cas, pour accumuler les prises les unes sur les autres. Jusqu'au point où, dans Inauguration of the pleasure dome, j'ai superposé six prises de vue différentes. » 


Cette année la galerie du jour agnès b. présente pour la deuxième fois une nouvelle exposition personnelle de Kenneth Anger, centrée sur deux oeuvres majeures de l'artiste : Hollywood Babylon et le cycle de films Magic lantern. Hollywood Babylon fait de Kenneth Anger la mémoire vive de l'histoire des studios américains. Depuis son enfance, Kenneth Anger collectionne coupures de presse, photos, épingle les histoires, les légendes, les rumeurs. Dans les deux tomes d'Hollywood Babylon édités en 1959 et 1984, tous les coups sont permis, scandales et calomnies, il ne laisse rien sous silence, il exhume les dessous de l’usine à rêves. On y croise des stars devenues des mythes telles Rudolph Valentino et Greta Garbo, ainsi que des icônes du cinéma muet comme l’actrice Billie Dove. 


« Pour les tabloïds, il n'existait pas de plus vil endroit qu’Hollywood, la nouvelle Babylone, et ses banlieues Sodome (Santa Monica) et Gomorrhe (Glendale). Les scribouillards décrivaient les stars comme d'éblouissantes femmes perdues voguant d'une orgie à l'autre, au bras de poseurs à la beauté venimeuse, dans un monde fastueux et parfumé, hanté par les spectres de la boisson, de la drogue, de la débauche, de la folie, du suicide et du meurtre. » Hollywood Babylon, c’est aussi l'histoire du cinéma muet et sa mémoire oubliée. 


D'ailleurs la plupart des films d’Anger sont sans paroles. Puce moment, présenté dans l'exposition, renoue avec une certaine douceur, certainement liée à l'enfance du réalisateur, à l'époque où sa grand-mère était costumière à Hollywood. Un film nostalgique sur la matière et la couleur, qui met en scène les rites de l'embellissement, la glorification de l'être humain. S'habiller, se parfumer, se coiffer, se maquiller. Ce qui est suggéré, c'est le rituel des soins personnels, la préparation de l'individu qui va se présenter sous son meilleur jour à la société. L'exposition Kenneth Anger 2012 montrera des documents provenant de la collection personnelle de l’artiste, des projections des films Inauguration of the pleasure of dome (1954) et Puce moment (1949) ainsi que le fameux néon Hollywood Babylon.

Le cycle Magick Lantern Cycle est en vente sur theendstore.com

Tout l'art du cinéma

Les Mardis du Cinéma de Monaco change de nom pour cette saison 2012-2013 mais le plus important reste cette programmation toujours aussi éclectique et voyageant aux quatre coins du monde entre classiques (beaucoup) et films récents (peu mais tout à fait recommandable). Présentation des soirées à venir.

Les Mauvaises rencontres / 1955 / Alexandre Astruc
Une jeune femme avide de célébrité se retrouve au Quai des Orfèvres pour un interrogatoire. Elle revit les différents moments qui ont précédé une gloire à laquelle elle n'avait pas songé.
> mardi 9 octobre 2012 à 20h30

Le garçu / 1995) Maurice Pialat
Gérardvoit grandir Antoine, son petit garçon. Il a le sentiment de n'avoir jamais aime autant et de n'avoir jamais été autant aime.
> mardi 23 octobre

Divorce à l'Italienne / 1961 / Pietro Germi
Comment détourner la loi qui interdit le divorce quand on est amoureux d'une attrayante personne ? Apres avoir poussé l'encombrante épouse à l'adultère, il ne reste plus qu'à venger son honneur.
> mardi 6 novembre à 20h30


Yi Yi / 1999 / Edward Yang
A quarante ans, NJ se demande si sa vie n'aurait pas pu être différente. La rencontre fortuite avec un amour de jeunesse, Sherry, lui donne envie de tout laisser tomber et de repartir de zero. Mais avec une famille a charge, il ne peut réaliser ce séduisant projet. Le jour du mariage de son beau-frère, sa belle-mere tombe dans le coma. Pour les enfants de NJ, Ting-Ting et Yang-Yang, parler a leur grand-mère inanimée est une épreuve. NJ décide de partir au Japon, officiellement pour des raisons professionnelles. Il a en fait décidé de renouer avec son passe amoureux.
> mardi 20 novembre à 20h30



Morse / 2008 / Tomas Alfredson
Oskar est un adolescent fragile et marginal, totalement livré à lui-même et martyrisé par les garçons de sa classe. Pour tromper son ennui, il se réfugie au fond de la cour enneigée de son immeuble, et imagine des scènes de vengeance. Quand Eli s'installe avec son père sur le même pallier que lui, Oskar trouve enfin quelqu'un avec qui se lier d'amitié. Ne sortant que la nuit, et en t-shirt malgré le froid glacial, la jeune fille ne manque pas de l'intriguer... et son arrivée dans cette banlieue de Stockolm coïncide avec une série de morts sanglantes et de disparitions mystérieuses. 
> mardi 4 décembre à 20h30

Pina 3D / 2011 / Wim Wenders
C'est un film dansé en 3D, porté par l’Ensemble du Tanztheater Wuppertal et l’art singulier de sa chorégraphe disparue à l’été 2009.  
> samedi 15 décembre 2012 à 16h00
> dimanche 16 décembre à 11h00


Le Grand Amour / 1969 / Pierre Etaix
Pierre est marié avec Florence. Tout va bien dans son couple et son travail. Directeur dans l'usine de son beau-père il passe ses journées à signer des chèques et ses soirées à regarder la télé ou chez ses beaux-parents. Les années passent, monotones, et quand arrive une nouvelle et jeune secrétaire, il en tombe amoureux, et se met a rêver... 
> mardi 8 janvier 2013 à 20h30

La splendeur des Amberson / 1941 / Orson Welles
Eugène Morgan aime Isabel Amberson mais celle-ci lui préfère Wilbur Minafer et un fils, George, naît de cette union. Wilbur meurt et Isabel se consacre alors entièrement à George qui devient un être tyrannique. De son côté, Eugène s'est marié et a eu une fille Lucy mais sa femme est morte. Au cours d'un bal donné par les Amberson, George rencontre Lucy et Isabel retrouve Eugene qui n'a jamais cessé de l'aimer. Mais George s'oppose de toute ses forces à une union entre sa mère et Eugène Morgan. Malade et minée par le chagrin, Isabel meurt sans avoir pu revoir Eugene. 
> mardi 22 janvier 2013 à 20h30


Théorème / 1968 / Pier Paolo Pasolin
Un jeune homme d'une étrange beauté s'introduit dans une famille bourgeoise. Le père, la mère, le fils et la fille succombent à son charme. Son départ impromptu ébranle tous les membres de la famille...
>  mardi 5 février 2013 à 20h30

Quelques jours de la vie d'Oblomov /1979 / Nikita Mikhalkov
Ilya Ilytch Oblomov, proprietaire terrien oisif, souffre de neurasthenie. Refusant le monde exterieur, son seul plaisir reside dans les plats rustiques que lui cuisine son vieux serviteur.
> mardi 26 février 2013 à 20h30

Le Goût du Saké / 1962 / Yasujiro Ozu
Shuhei Hirayama vit avec sa fille Michiko. L'exemple d'un de ses professeurs, qu'il retrouve lors d'une soirée où l'on boit du saké et qui s'accuse d'avoir provoqué le malheur de sa fille, pousse Hirayama à marier sa propre fille.
> mardi 12 mars à 20h30

La Baie des anges / 1962 / Jacques Demy
Jean Fournier, modeste employé de banque, est initié au jeu par son collègue Caron. Favorisé par la chance, il part pour Nice contre l'avis de son père. Il rencontre dans ce sanctuaire sa reine, une certaine Jackie dont il tombe immédiatement amoureux. Jackie n'est pas insensible au charme de Jean mais les ailes de leurs amours vont se brûler à la passion du jeu.
> mercredi 20 mars 2013 à 20h30 (Grimaldi Forum)

Place aux jeunes / 1937 / Léo McCarey
Un vieux couple, Lucy et Barkley Cooper, réunissent leurs enfants pour leur annoncer qu'ils risquent de perdre leur maison s'ils ne trouvent pas rapidement une somme relativement importante. Chacun des enfants a une bonne raison d'échapper à cette facture. Il est finalement décide que Lucy ira habiter chez Georges, et Barkley chez Cora jusqu'a ce que Nellie ait un appartement assez grand pour les héberger ensemble. La cohabitation s'avère vite difficile.
> mardi 26 mars 2013 à 20h30

La Complainte du sentier / 1955 / Satyjit Ray
Fresque dramatique sur la vie d'une famille indienne composee de trois parties: "la Complainte du sentier", "Aparajito" (l'Invaincu), "Apu Sansar" (le Monde d'Apu) ayant pour pivot la jeunesse, l'adolescence et la maturite d'Apu qui commence sa vie dans un petit village du Bengale et la poursuit a Calcutta. Ce film presente au festival de Cannes fut boude par le public et la presse. Seul A. Bazin et quelques rares chroniqueurs en remarquerent les grandes qualites. Satyajit Ray fut pique par le 7e Art apres avoir decouvert "le Voleur de bicyclette" et "le Fleuve".
> mardi 9 avril 2013 à 20h30 à 20h30

Les Neiges du Kilimandjaro / 2011 / Robert Guédiguian
Bien qu’ayant perdu son travail, Michel vit heureux avec Marie-Claire. Ces deux-là s’aiment depuis trente ans. Leurs enfants et leurs petits-enfants les comblent. Ils ont des amis très proches. Ils sont fiers de leurs combats syndicaux et politiques. Leurs consciences sont aussi transparentes que leurs regards. Ce bonheur va voler en éclats avec leur porte-fenêtre devant deux jeunes hommes armés et masqués qui les frappent, les attachent, leur arrachent leurs alliances, et s’enfuient avec leurs cartes de crédit… Leur désarroi sera d’autant plus violent lorsqu’ils apprennent que cette brutale agression a été organisée par l’un des jeunes ouvriers licenciés avec Michel.
> mardi 23 avril 2013 à 20h30


L'âme sœur / 1985 / Fredi M. Murer
Un adolescent que l'on nomme "le Bouebe" et sa soeur Belli vivent avec leurs parents dans une ferme isolée quelque part dans les Alpes. Le Bouebe, le sourd-muet, ne va pas en classe. Belli a quitté l'école pour aider ses parents aux durs travaux de la ferme mais elle voudrait devenir institutrice. Entre les deux enfants s'installe une grande tendresse. Belli apprend à son frère à lire, à écrire et à compter. Tous deux, isolés du monde, vivent dans leurs rêves. Dans un moment de révolte, le Bouebe décide d'aller vivre dans la montagne aride.
> mardi 7 mai 2013 à 20h30

Fanny et Alexandre / 1982 / Ingmar Bergman
Chronique d'une famille de comédiens dans la Suède du début de siècle. Mais aussi la révolte d'un jeune enfant confronté à la tyrannie d'un beau-père. Une œuvre quasi autobiographique d'Ingmar Bergman.
> mardi 28 mai 2013 à 20h30

La Main au collet / 1954 / Alfred Hitchcock
John Robie, cambrioleur assagi, goûte une retraite dorée sur la côte d'Azur. Le paysage s'assombrit lorsqu'un voleur, utilisant ses méthodes, le désigne tout naturellement comme le suspect n°1.
> mardi 11 juin 2013à 20h30

Le Mécano de la "Général" / 1926 / Buster Keaton
Le cheminot Johnnie Gray partage sa vie entre sa fiancée Annabelle Lee et sa locomotive, la General. En pleine Guerre de Sécession, il souhaite s'engager dans l'armée sudiste, mais celle-ci estime qu'il se montrera plus utile en restant mécanicien. Pour prouver à Annabelle qu'il n'est pas lâche, il se lance seul à la poursuite d'espions nordistes qui se sont emparés d'elle et de sa locomotive.
> samedi 15 juin 2013 à 20h30
> dimanche16 juin 2013 à 18h00 (Opéra Garnier - ciné concert)

Sauf mention contraire les projections auront lieu au Théâtre des Variétés.

Guy Debord, l'irrécupérable

Mercredi 10 et jeudi 11 octobre, l’Éclat propose de se pencher sur une partie de l’œuvre du cinéaste Guy Debord, personnage emblématique d'un contre cinéma. Avant d'être un penseur décisif de notre civilisation, Debord fut un réalisateur atypique car ne produisant que peu d'image mais créant des juxtapositions et des collages. A l'heure du flux continu d'informations et de la quête de la médiatisation, Debord a su poser très tôt le débat de notre rapport grandissant à l’esthétique du social.



Présentation du cycle :
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A travers deux de ses films majeurs, La Société du spectacle (1973) et In girum imus nocte et consumimur igni (1978), ainsi qu’un documentaire en forme de portrait réalisé pour Canal+ en 1994, et qu’il a contrôlé de part en part, c’est une découverte de Guy Debord qui est ici proposée ; c’est-à-dire d’une aventure intellectuelle, artistique et politique rigoureusement hors des normes, en guerre incessante contre l’ordre établi. 

Guy Debord ne s’est jamais voulu cinéaste : le cinéma, pour lui, participait de ce règne du spectacle qu’il n’a cessé de combattre. L’intuition première : nous n’avons plus guère de relations avec la réalité qu’à travers les représentations manipulées, falsifiées, que la société nous en donne ; de plus en plus, l’expérience directe du monde nous est refusée. 
Le « spectateur », dès lors, n’est plus que l’autre nom du sujet aliéné : « Qui regarde toujours, pour savoir la suite, n’agira jamais ; et tel doit être le spectateur. » 

D’où, dans un premier temps, le rejet violent de l’art, quel qu’il soit, et la nécessité de faire passer la poésie directement dans la vie. La culture de masse qui nous est imposée par le marché ? Rien d’autre à faire, en poursuivant la grande leçon de Lautréamont, que la détourner, en dérobant au spectacle ses armes pour les retourner contre lui. 
Le cinéma, dès lors, laisse entrevoir ce qu’il aurait pu devenir s’il n’avait pas été soumis à la tyrannie du spectaculaire : essai, traité, manifeste politique, pensée en acte. D’où, aussi, la politisation accentuée du propos : rejet violent d’une situation où les maîtres du monde sont aussi les maîtres de sa représentation. L’action situationniste sera le véritable foyer souterrain de Mai 68, son incandescence secrète. 
Puis, face à l’immense régression (dans tous les domaines) que nous subissons depuis une trentaine d’années, ce sera l’époque de livres brefs, implacables (dont les éblouissants Commentaires sur la Société du Spectacle, 1988), qui constituent sans doute le meilleur outil intellectuel dont nous disposions encore aujourd’hui pour comprendre notre époque. Absorption de l’état par le marché, renouvellement technologique incessant comme principe d’asservissement, modèle mafieux généralisé, destruction délibérée de toute conscience historique, règne du « faux sans partage » et du « présent perpétuel » : nous y sommes. 
Ceci, pourtant : « Toutes les révolutions entrent dans l’histoire, et l’histoire n’en regorge point ; les fleuves des révolutions retournent d’où ils étaient sortis, pour couler encore. » 

Guy Scarpetta

Nous pourrons découvrir pendant ces deux jours les films suivants :

La Société du spectacle / 1973
A partir de documents d’actualité et de films publicitaires, Guy Debord démonte la mécanique de la société de consommation, appliquant en cela les principes situationnistes, dans toute leur portée subversive.
“Les spécialistes du cinéma ont dit qu’il y avait là une mauvaise politique révolutionnaire ; et les politiques de toutes les gauches illusionnistes ont dit que c’était du mauvais cinéma. Mais quand on est à la fois révolutionnaire et cinéaste, on démontre aisément que leur aigreur générale découle de cette évidence que le film en question est la critique exacte de la société qu’ils ne savent pas combattre ; et en premier exemple du cinéma qu’ils ne savent pas faire.”

Guy Debord
 > Mercredi 10 octobre à 20h00

Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps / 1959
Film “expérimental” réalisé comme un “documentaire à l’envers”, la caméra alterne les plans vagues et des vues en extérieurs où l’évitement systématique de tout élément “digne d’intérêt” (fuite du cadrage dès qu’il rencontre de l’action ou un monument) crée une sensation de malaise renforcée par des commentaires volontairement “ineptes” phrases détournées, citations classiques mélangées à des dialogues puisés dans un film de science fiction…

> Jeudi 11 ocotbre à 18h00

Guy Debord, son art et son temps / 1994
Guy Debord accepte le projet de film de Brigitte Cornand qui répond à une commande de Canal+, tout en posant des conditions très précises. C’est lui qui fournira toute la matière du film, en se posant comme le seul apte à juger de lui-même :

« Je ne veux entendre, ni ne veux que vous entendiez vous-même, de quiconque, aucune sorte de remarque, même élogieuse. Il serait en effet impensable que je reconnaisse implicitement à qui que ce puisse être, la plus minime compétence, ni la moindre qualité pour rien juger de mon œuvre ou de ma conduite ».
Guy Debord se suicidera avant la diffusion du documentaire.

> Jeudi 11 octobre à 18h00

In girum imus nocte et consumimur igni / 1978
« Je ne ferai, dans ce film, aucune concession au public. » Dès la première phrase, prononcée par Debord dans son film, nous sommes interpellés dans notre position de spectateur. Les extraits de films de fiction, fragments d’actualité, documents personnels, sont dominées par la voix de Guy Debord qui nous parle de lui, de Paris, de notre société dont il n’a cessé de critiquer l’évolution. Le texte nous met en lien avec les images, créant un rapport trouble sur le mode de l’analyse et de la représentation critique.
Le théoricien de l’activité situationniste ne nous convie pas à un simple spectacle cinématographique, mais à une expérience de spectateur de cinéma actif, incarné dans la société dont il est responsable.

> Jeudi 11 octobre à 20h00

Pour compléter ces deux magnifiques soirées à vivre à la Villa Arson (Nice), nous vous recommandons la lecture de l'ouvre Le Cinéma de Guy Debord (Paris Expérimental). Disponible auprès de THE END sur simple demande (contact@theendstore(POINT)com).


Entre 1952 et 1978, Guy Debord réalisa six œuvres cinématographiques. En 1994, peu avant sa mort, il y ajoute un film de télévision. Dans sa critique de la société du spectacle, qui réduit la vie à une représentation, Guy Debord fait pleinement usage de l'image. Avec la pratique du détournement, le cinéaste révolutionnaire remet en cause le conditionnement social propre au capitalisme et évoque son itinéraire sur un mode à la fois héroïque et intime. En prenant pour fil d'Ariane le cinéma de Guy Debord, ce livre retrace le combat de Debord dans le labyrinthe de l’Histoire de la seconde moitié du XXe siècle. Il étudie sa poétique, indissociable d'un refus politique de tout compromis. Son œuvre s'appuie sur le principe de la négativité, qui s'inscrit au cœur d'une contradiction dialectique : produire un art tout en insistant sur son impossibilité. Au fur et à mesure de l'abandon de l'horizon révolutionnaire, Debord transforme cette négativité en "mal", seul moyen d'échapper à l'idéologie bourgeoise du bonheur. Cet ouvrage retrace le parcours singulier d'un créateur, dans et contre la culture contemporaine. 

L'auteur :
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Docteur en histoire de l’art, Fabien Danesi est actuellement maître de conférences en théorie et pratique de la photographie à l’Université de Picardie Jules Verne. Ancien pensionnaire de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, il est l’auteur d’un précédent ouvrage intitulé Le Mythe brisé de l’Internationale situationniste. L’Aventure d’une avant-garde au cœur de la culture de masse (1945-2008) paru aux Presses du réel.

240 pages | 25,40 euro

Can you dig it ?

Indissociable du cinéma noir américain des années 70, la musique de la Blaxploitation est devenue instantanément culte. Avec des artistes prestigieux (James Brown, Roy Ayers), le son des seventies est resté d'actualité décennie après décennie par les admirateurs comme par les modes (le hip hop et le sampling ou Tarantino et son Jackie Brown).

Après les musiques d'Etienne O'leary, les bandes-originales de Jean Rollin et récemment le projet Black Mass Rissing, THE END a décidé d'investir le champs des soundtracks de la Blaxploitation avec une première salve de neuf vinyles.










> Black Belt Jones
> Blacula
> Cotton comes to Harlem
> Bucktown
> Shaft in Africa
> Black Shampoo
> Coffy
> Dolemite
> Savage !

Cinémathèque de Nice | Octobre 2012


Quoi de plus excitant que de découvrir un programme. Plus jeune déjà le programme tv était une source de réjouissance, cocher, entourer, souligner, toutes les techniques étaient bonnes pour ne pas oublier une rareté cinématographique. Si aujourd'hui, internet oblige, on arrête d'acheter des hebdo commençant par le mot télé, il y a toujours cette excitation qu'il s'agisse d'un programme en provenance d'un festival ou de la cinémathèque.

Après trois mois de repos, la Cinémathèque de Nice se décide enfin à réouvrir les portes et l'enthousiasme est de mise car avec un hommage à Romy Schneider, Tony Scott et des films contemporains de qualité (Take Shelter, L'apollonide, Road to nowhere), on peut dire que cette rentrée est de qualité.

Voici notre sélection


LA PISCINE / 1968 / Jacques Deray
Dans leur villa de Saint-Tropez, Marianne et Jean-Paul mènent une vie heureuse au bord de leur piscine. Jusqu'à l'arrivée de Harry et de sa fille Pénélope…

> mardi 2 octobre à 20h00
> samedi 6 octobre à 14h00



THE HUNGER (Les Prédateurs) / 1986 / Tony Scott
Le Docteur Sarah Roberts expose à la télévision l'état de ses recherches. Sa prestation fascine Miriam qui possède depuis l'Antiquité le pouvoir de garder une jeunesse éternelle grâce au sang frais. Miriam vit depuis 300 ans avec Blaylock à qui elle communique son pouvoir par amour. Mais Miriam tombe amoureuse du Docteur…

> jeudi 4 octobre à 14h00
> vendredi 5 octobre à 18h00


TRUE ROMANCE / 1993 / Tony Scott
 Detroit - Le jeune Clarence Worley travaille dans une petite boutique de disques et de bandes dessinées. Timide et solitaire, il a l'habitude de fêter son anniversaire en allant voir des films de karaté. Ce jour-là, il fait la connaissance de la pulpeuse Alabama...
> jeudi 11 octobre à 16h00
> vendredi 12 octobre à 21h30





TAKE SHELTER / 2011 / Jeff Nichols
Curtis, paisible père de famille, souffre de cauchemars récurrents et d'hallucinations. Envahi de plus en plus par la peur d'une tornade, il décide de construire un abris dans son jardin. Son comportement fragilise la quiétude du foyer…

> mercredi 3 octobre à 16h00
> samedi 6 octobre à 20h45




L'APOLLONIDE / 2011 / Bertrand Bonello
Vers 1899 à Paris, la vie quotidienne d'une maison close : la camaraderie des filles, les violences des clients, les jours qui se suivent et se ressemblent dans cette prison dorée qui protège les pensionnaires et les enferme…

> vendredi 26 octobre 21h30
> dimanche 28 octobre à 17h00




DOMINO / 2007 / Tony Scott
La fille de l'acteur Laurence Harvey, mannequin à succès, décide de changer de vie pour devenir chasseuse de primes…

> mardi 23 octobre à 18h00
> vendredi 26 octobre à 16h00

Aussi étonnant que cela puisse paraitre pour certain, l'hommage rendu à Tony Scott est tout à fait légitime. Si on regrette la non exhaustivité de la programmation des long-métrages du frère de Ridley Scott (notamment le méconnu Revenge avec Kevin Costner), on espère juste que cette rétrospective viennent du cœur et non pas souci de facilité.


De notre côté, nous pensons (et espérons) que le temps jouera en la faveur de Tony Scott et que l'Histoire jugera ce créateur d'image hors normes (parfois à la limite de l’expérimental comme pour certaines séquences de Man on Fire ou Domino), questionnant la modernité des images dans notre civilisation. Si Ridley Scott a signé des chef d’œuvres du septième art (Alien, Blade Runner), Tony Scott aura marqué de son emprunte l’esthétique de notre monde.


Tous les films et toutes les séances sont sur le site de la Cinémathèque de Nice.