---------------------------------------------------------------------------------------------------

Max Pécas, pionnier de l'érotisme

Lorsque le réalisateur français Max Pécas nous a quitté en 2003, le journaliste et auteur Antoine De Baecque signa une nécrologie dans le journal Libération sous le titre "Max Pécas, As du Naze". Un brin provocateur, ce titre ne reflète pas véritablement l'ambiance du papier dans lequel le journaliste lui accorde tout de même la notion d'auteur,"Quoi qu'on pense de son esthétique disparaît un indéniable «auteur», au sens cinéphile : Max Pécas écrivait ses histoires, les tournait, produisait souvent, homme à tout faire de la série Z française."

Il y a dans son article la volonté de raconter une carrière et de cerner un homme qui avait disparu des écrans de cinéma depuis 1987, date de son dernier long-métrage, On se calme et on boit frais à Saint Tropez. Si une palanquée de titre de films sont énumérées, de Baecque ne propose que peu d'analyse du cinéma de Max Pécas. Et pourtant deux périodes retiennent particulièrement notre attention et qui mériteraient que l'on s'y attarde. Les polars sexy des années 60, "Certains, alors, font la nouvelle vague ; Pécas fera du polar coquin". En ce qui nous concerne, Max Pécas réalisa des polars saupoudré d'érotisme permettant aux classes populaires de découvrir les plaisirs d'une sensualité inédite, une manière de s'inscrire tout autant dans la révolution des jeunes turcs du cinéma français par diverses transgressions, en brutalisant les bonnes mœurs à l'instar de José Bénazéraf.
"Pécas défrusque des donzelles piquantes dans des polars solaires immédiatement accessibles"
Frédéric Thibaut in Cinérotica #3, p.9
L'autre période passionnante à redécouvrir sont les films érotiques signés entre 1970 et 1974 et cela tombe bien puisque LCJ éditions a décidé de proposer une collection consacrée à Max Pécas. Si nous ne savons pas à l'heure actuelle combien de titres seront présentés en dvd, nous pouvons dès à présent annoncés les deux premiers films : Je suis une nymphomane (1971) et Claude et Greta (1970).


Carole est malheureuse...Suite à un accident, elle découvre qu'elle a un corps.... Le sexe qui jusque-là ne la préoccupait pas devient sa seule obsession. Ses parents la mettent dehors et elle se rend à Paris, la ville de tous les vices... Un classique de l'érotisme français. 

Annoncé pour le 7 mars prochain, Je suis une nymphomane était déjà disponible en import japonais ou au sein d'un coffret espagnol aujourd'hui introuvable. Mais les plus patients seront récompensés puisque avec ce titre et le suivant, Claude et Greta se sont deux des quatre films du coffret qui seront édités.

On ne vous cache pas que pour les raisons suivantes, l’esthétique de la collection L'érotisme à la Française  et pour avoir des suppléments digne de ce nom, nous aurions préférés voir ces deux films chez Bach Films. Malgré tout réjouissons-nous de ces sorties.



Le second titre prévu pour le 12 avril est Claude et Greta, sous-titré les leçons particulières.


Fraîchement arrivée en France pour ses études, Greta, une jeune Suédoise à bout de ressources, tombe sous la coupe d'une lesbienne, Claude. En tentant, une dernière fois, de gagner sa vie comme modèle nu d'un peintre célèbre, Mathias Deca, Greta s'éprend de l'assistant de ce dernier, Jean. Mais ce dernier, après des déboires sentimentaux, s'est lié avec Mathias d'une amitié particulière. L'amour vainc cependant cette situation fausse. Les deux jeunes gens décident de fonder un foyer. Mais leurs « amants particuliers » veulent les en empêcher...

Réalisé un an avant Je suis une nymphomane, "Claude et Greta est le chef-d'oeuvre du genre, avec son couple de lesbiennes strip-teaseuses franco-allemand (c'est une coprod...) pris en otage par un pervers sexuel, à la manière dont Glenn or Glenda fut celui de l'Américain Ed Wood, autre cinéaste méprisé". (Antoine de Baecque).

Les deux films sont sensiblement construit de la même manière, une jeune fille de bonne famille à "la bonne moralité" découvre les plaisirs de Sade. Si on peut aujourd'hui trouver cet argument bien fragile et peu intéressant, reste que Pécas décrit les déchirements et les tiraillements de jeunes filles naïves, bien souvent inexpérimentées confrontées de manière trop frontale aux désirs. Dans ses interrogations sur la nymphomanie ou sur le lesbianisme, Max Pécas décrit une génération post 1968, où la liberté sexuelle s'exprimait dans tous les cercles de la société au risque de déranger les moins habitués de la chose. Si les films se terminent bien souvent comme des contes de fées en retombant dans un schéma d'une vie de couple classique, les films de Max Pécas peuvent se lire comme des invitations à découvrir les plaisirs du corps, à expérimenter ses limites sexuelles.
A commander par mail à theendstore(AT)gmail(POINT)com

--------------------------
Les images sont extraites des dvd espagnols.

Skolimowski, signes particuliers

Comme toujours avec l'éditeur Yellow Now, il faut être extrêmement attentif afin de ne pas louper une de leurs (excellentes) publications qui pourraient venir agrémenter notre savoir sur un cinéaste et surtout redonner un coup de fouet à notre intérêt pour son travail. Et cette fois-ci il s'agit du réalisateur polonais, Jerzy Skolimowski.

Jusqu'à ce jour, et sans compter la monographie de la revue Éclipse parue en juin 2012 (Jerzy Skolimowski : Dissidence poétique), il s'agit du premier ouvrage consacré à l'auteur du film culte Deep End.


Après avoir publié des poèmes remarqués et été scénariste pour Andzej Wajda et Roman Polanski (Les Innocents charmeurs, Le Couteau dans l'eau), Jerzy Skolimoski fut le représentant le plus talentueux du jeune cinéma polonais des années 60 avec des films comme Rysopis, Walkover et Le Départ, salués à l'époque avec admiration par Jean-Luc Godard. En 1967, Haut les mains ! lui vaut de graves problèmes avec la censure qui le forcent à s'exiler et à entamer une seconde partie de carrière plus chaotique mais néanmoins marquée par d'autres grands films (Deep End, Le Cri du sorcier, Travail au noir, Le Bateau-phare, Ferdydurke). Il tournera alors en Italie, aux États-Unis et surtout en Angleterre, en s'adaptant admirablement à des contraintes économiques inconfortables. En 1991, après quelques expériences qu'il juge malheureuses, il se retire pendant 17 ans pour s'adonner totalement à la peinture, art qu'il a toujours pratiqué parallèlement au cinéma. En 2008, il fait enfin un très attendu retour avec Quatre Nuits avec Anna, qui sera suivit deux ans plus tard d'Essential Killing, deux films qui prouvent qu'il n'a rien perdu de son talent et qui le placent à nouveau parmi les cinéastes contemporains les plus importants. Ce livre réunissant des admirateurs de longue date de l'oeuvre de Skolimowski célèbre cette survivance d'un cinéaste qui aura traversé de façon aventureuse cinquante ans de l'histoire du cinéma en sachant toujours retomber sur ses pieds malgré divers échecs et désillusions.

Sous la direction de Jacques Déniel, Alain Keit & Marcos Uzal.

Divers films de Jerzy Skolimowski sont disponibles sur theendstore.com

Le livre Jerzy Skolimowski signes particuliers est à commander par mail à contact(AT)theendstore(POINT)com ou theendstore(AT)gmail(POINT)com

Prix : 30 euro | 256 pages

Raretés asiatiques

Jadis le cinéma asiatique était le nouvel eldorado pour tout cinéphile en manque de découverte. A l'aube des années 2000 et avec le développement grandissant du dvd, il était possible de découvrir bon nombre de grand film ou de réalisateur important, passé ou contemporain.
Aujourd'hui ce temps semble révolu et les films de qualité en provenance d’extrême orient arrivent au compte goutte. Et les éditeurs vidéo hexagonaux semblent très mesurés face à des oeuvres qui comptenteront qu'une minorité d'aficionados.

Sur l'implusion d'un Jean-Pierre Dionnet, les films Gemini de Shinya Tsukamoto et L’île de Kim Ki-Duk ont été distribué aussi bien en salle qu'en dvd. Disponible chacun avec deux autres films les éditions françaises de L'île et de Gemini sont devenus rares, voire introuvables à un prix décent.

Et comme à chaque fois que nous trouvons des raretés, nous sommes heureux de pouvoir en faire profiter tous ceux qui souhaiteraient découvrir des films plastiquement réussis et thématiquement prenants.

L'ÎLE / SEOM / KIM-KI DUK / 2000

La belle et fantomatique Hee-jin (Suh Jung) s'occupe d'îlots de pêche au beau milieu d'un site naturel idyllique. Silencieuse, elle accueille les clients et survit en vendant de la nourriture et des boissons. Elle se prostitue occasionnellement.
Un jour, Hyun-shik (Kim Yoo-seok), un homme plus désespéré que les autres, débarque sur cet ilôt. A la ville, il a tué sa femme et cherche dorénavant un endroit pour disparaître et oublier sa peine. La souffrance de cet homme intrigue Hee-jin.
  critique :
L’île et son personnage de femme-piège, prédatrice et animale, évoque bien sûr quelques grands films, japonais, sur le même sujet, Onibaba ou La Femme des sables, œuvres avec lesquelles il partage en outre un sens hypertrophié de l’esthétisme et du cadre. Chaque plan de LÎle est magnifiquement composé, regorge de métaphores psychanalytiques. On a affaire à un film de plasticien et de théoricien, sans que ni le discours du film, ni ses recherches visuelles en fasse un objet poseur et lénifiant.
Olivier Père // Les Inrockuptibles
Disponible en version originale (Coréen) sous-titré français, ce premier film de Kim Ki-Duk a être distribué en France permettra au cinéaste de jouir d'un indéfectible soutien de la part des distributeur français. Et c'est donc d'autant plus étonnant qu'aucun éditeur dvd est ressortie ce film sur un support numérique voire en haute définition.



Treize ans après la sortie de Seom (titre originale), Kim Ki-Duk, dont le parcours cinématographique en a dérouté plus d'un, revient sur le devant de la scène médiatique avec son dernier film, Pieta, récompensé en septembre dernier du Lion d'Or au Festival de Venise.



Abandonné à sa naissance, Kang-do est un homme seul qui n’a ni famille, ni ami. Recouvreur de dettes sans pitié et sans compassion, il menace ou mutile les personnes endettées dans un quartier destiné à être rasé. Un jour, Kang-do reçoit la visite d’une femme qu’il ne connaît pas et qui lui dit être sa mère. Pour la première fois de sa vie, le doute s’installe en lui….


Sortie en salle le 10  avril 2013

Si L'île marquait le point de départ du renouveau du cinéma Coréen et de son explosion mondiale, Gemini de Shinya Tsukamoto marque lui un coup d'arrêt dans la distribution française des films du réalisateur japonais.
En effet à l'exception de Nightmare Detective qui a connu une exploitation en dvd, tous les autres films de l'auteur de Tetsuo sont restés inédits. Pire, Kotoko, son plus récent film et multi récompensé en 2011 au Festival de Venise et à Stiges, n'a su trouver preneur en France. Une incompréhension qui laisse pantois.

GEMINI / SÔSEIJI / SHINYA TSUKAMOTO / 1999

Japon, années 20. Médecin, Yukio vit entouré de ses parents et de sa femme, amnésique depuis un mystérieux incendie. Alors qu'une présence mystérieuse hante la maison, son père puis sa mère meurent dans des circonstances inexpliquées. Puis, Yukio est précipité au fond du puits du jardin par une "apparition" qui prend ensuite sa place... 

Si le film est sans aucun doute le plus "calme" de son auteur, Gemini est un exercice de style pour celui qui était arrivé comme un météorite post punk sur l'échiquier cinématographique. Une parenthèse pour témoigner de sa maitrise formelle, surement un signe à l'égard des producteurs pour des projets plus ambitieux ? Les films qui ont suivi sont restés dans la veine indépendante mais plus "ouvert". Espérons que le public français puisse enfin découvrir cette seconde partie de carrière sans avoir à se tourner une nouvelle fois vers l'import.

critique :

"Parmi les cinéastes nippons, Shinya Tsukamoto est le branque, le punk, le mal-aimé. C’est ce qui rend intéressant cet artiste louvoyant entre trash, manga, clip et série B. Avec Gemini, il change son fusil d’épaule en dépeignant l’univers feutré bien qu’insane d’une famille bourgeoise des années 20 qui va se déliter à partir du moment où une présence étrange se fait sentir dans la maison. Au départ, un œil distrait pourrait confondre ce tableau domestique avec du Ozu. Mais un examen plus attentif confirme que nous sommes bien chez Tsukamoto, à la frontière du fantastique de série B"
Vincent Ostria // Les Inrockuptibles

Disponible en japonais sous-titré français.

Retrouvez toutes les informations sur theendstore.com, rubrique Raretés.

Rétro-viseur : Camille 2000 (1969)

Après avoir évoqué ses films pornographiques et ses films érotiques, THE END clôture son focus Radley Metzger avec un petit coup de rétro-viseur grâce à la plume du Professeur Thibaut qui avait "Quartier Libre" dans la défunte revue Brazil. 

D'origine américaine, Radley Metzger crée, au début des années soixante, sa propre société de distribution, Audubon Films, et se spécialise dès le départ dans l'achat et la distribution de films coquins en provenance d'Europe ou du Japon. Malheur aux œuvres qui tombent entre les pattes du Radley car au nom de la rentabilité, Metzger remonte, redouble et tourne des séquences additionnelles sous le prétexte fallacieux d'adapter celles-ci aux public américain. De plus, il s'occupe personnellement de la conception de la bande-annonce et de la campagne de presse. Ainsi, Les Collégiennes (1957) devient aux États-Unis The Twilight Girls (1961), un "adult only" truffé de scène érotiques avec entre autres Giorgina Spelvin, future star du porno. Si, si, souvenez-vous de The Devil in Miss Jones. De bidouillage en bidouillage, le Metzger s'assied enfin au poste de metteur en scène et développe des amitiés européennes qui lui permettront de co-produire la plupart de ses films à moindre coût. Voilà pour le côté commerçant du bonhomme. Mais en 1968, pris de velléités auteurisantes, il décide de porter à l'écran les mémoires jugées scabreuses de Violette Leduc. Très joli film sur le souvenir et la solitude, Thérèse et Isabelle dévoile une nouvelle facette de l'acheteur de pellicule qui restera, toute sa carrière, tiraillé entre exploitation et art. Son film suivant Camille 2000, illustre à merveille cette inconfortable position à l'intérieur d'un système refusant de voir ses barrières enfoncées.

Metzger a osé
En jetant son dévolu sur La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils, non seulement Radlouille la Fripouille érotise le roman de junior, mais en plus, propulse Marguerite Gauthier, Armand Duval et le Duc De Varville en l'an 2000 dans une Rome tout droit sortie d'un délire warhholien. Sachez qu'en 1969, il n'en fallait pas plus pour heurter puristes et autres âmes sensibles. Si 2001, L'Odyssée de l'espace représente une date historique pour la science-fiction, Camille 2000 marque d'une pierre le petit monde de la sexploitation. [...]


Quarante ans après sa distribution initiales, il est difficile de mesurer l'impact de Camille 2000 et d'en apprécier la fronderie et la franchise sexuelle. Laminé par une critique sclérosée qui n'y voit qu'un objet de luxe tout en rondeur, amputé de trente minutes et affublé d'inserts pornographiques lors de sa distribution française en 1978, Camille 2000 est avant tout le fruit du travail d'un esthète, mais aussi celui d'un théoricien du cul qui a choisi d'élever le débat, de sortir de l'ornière un genre arbitrairement écarté d'une histoire du cinéma dite sérieuse. D'où le choix du romand de Dumas fils réactualisé par Michael de Forrest, proche collaborateur de Metzger. Ce dernier fait de Marguerite Gauthier une prostituée de luxe accroc à la dope, fière de son statut et qui reçoit la jet-set romaine venue s'encanailler dans sa somptueuse demeure " à la Marienbad". Sexe, drogue et psychédélisme sur fond de mélodrame. Mais que les fans de Dumas fils se rassurent, la frontière de la pilosité pelvienne reste inviolée.
Une dose  de culpabilité
Succédant à Sarah Bernhardt, qui incarne le personnage au théâtre en 1912, et surtout à la divine Greta Garbo, dans la version de George Cukor en 1936, la plantureuse Danièle Gaubert prodigue une performance plus physique que littéraire. Mais après tout, personne ne lui demandait de décrocher un prix d'interprétation. A ses côtés, le toujours étonnant Nino Castelnuevo accepte la pastille de LSD et le verre de champagne offert par Metzger et campe un fragile et transparent Armand Duval. Un simple exercice pour celui qui déclamait quelques années plus tôt les parole de Michel Legrand dans le psychotronique Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy. Quant au rival d'Armand, le méchant Duc de Varville, il hérite des traits du gringalet Philippe Forquet, une tête à claques qui transporte la dose de sarcasme necessaire au personnage. Ce que font ces nantis de la société n'est bien entendu, jamais expliqué et Metzger égratigne les moeurs légère de ces beautiful people", une micro société où le sexe se présente toujours sous une forme illicite, entouré d'une bonne dose de culpabilité.
Une idée que Metzgouille la fripouille pousse au bout lors de la séquence mémorable de la soirée "prison". Dans un décor de maison d'arrêt, les participants sont invités à trainer en laisse leurs compagnes et expient leurs péchés "pour de faux" à l’intérieur de cellules de carton-pâte. une scène rythmé par l'excellente musique de Piero Piccioni*. Pas une seule parole n'est prononcée et grâce à un savant jeu d'échanges de regards, Metzger met en scène de façon impeccablement perverse les jeux dangereux de l'amour sans être dupe d'une symbolique simpliste.
L'art de faire du cul
Quand on sait que le cinéma de Radley Metzger cultive une ambiguïté qui relève à la fois de l'expérimentation et du simple produit de série, on imagine le réalisateur constamment sur la corde raide oscillant d'un côté et de l'autre. Cette combinaison de style entraîne d'ailleurs de brusques changements de tons. Le metteur en scène sacrifiant la linéarité de l'intrigue au profit de séquences très arty. Notamment un broutage de pelouse filmé au travers d'un jeu complexe de glaces avec changement de mise au point sur un bouquet de camélias à chaque soupirs de la donzelle. 
Pour filmer ces joyeuses parties oisives, il fallait un format à la mesure des ambitions du maître, Et contre toute attente, Metzger tourne son odyssée du sexe en Cinémascope, dans un procédé abandonné depuis le début des années quarante : le Technicolor trois bandes. Dès lors, la tâche du directeur photo, Ennio Guarnieri**, est simple : exploser le quota minimum de couleurs des intérieurs conçus par Enrico Sabbatini***, en prenant soin de capturer les tonalités plus neutres de la ville. Metzger est un homme d’intérieur. Sa vision de la sexualité repose sur l'interdit et s'oppose radicalement à celle débridée d'un Russ Meyer. Aux plaines désertiques chères au père Meyer, Metzger préfère les intérieurs plus design de luxueuses villégiatures plus propices à la tragédie pop art. Mais c'est dans un décor à la sobriété monacale que Marguerite Gauthier rend l'âme, ivre de drogue, d'alcool et d'amour contrarié.  La tuberculose d'origine se substitue ici à une mystérieuse maladie, que certains ne manqueront pas d'assimiler au sida.
Dix-neuvième adaptation de Marguerite Gauthier, Camille 2000 prouve que faire du cul peut enfin être considéré comme un art. Sur sa lancée, Metzger réalise un an plus  tard un de ses films les plus aboutis, The Lickerish Quartet, qui s'appréhende comme un remake coquin de Théorème. Aujourd'hui sa collection de films repose en paix au Museum of Modern Art de New-York.
Professeur Thibaut in Brazil 2 #25, janvier 2010, p.120 -121
--------------------------------------------------------------------
Note - THE END :
* Piero Piccioni (1924-2004), compositeur des films La Dixième Victime, Salvatore Giuliano, Lucky Luciano.
** directeur photo les années suivantes de Médée, Le Jardin des Finzi-Contini
*** chef costumier de Femina Ridens, La Baie Sanglante, La victime désignée
--------------------------------------------------------------------

Camille 2000 est en vente sur theendstore.com
Combo dvd / blu-ray
Version originale - Sous-titres : anglais
Commentaire audio du réalisateur et de l'historien Michael Bowen
Making of, Bande-annonce originale, jaquette réversible, livret de Robin Bougie,...

Metzger, érotisme psychédélique

THE END continue l'exploration de la carrière de Radley Metzger, réalisateur de films pornographiques et érotiques avec trois classiques du genre nimbés de psychédélisme, Camille 2000 (1969), The Lickerish Quartet (1970) et Score (1974) en vente sur theendstore.com.

Musique, style et mise en scène font de ces trois films les meilleurs de son auteur mais également du genre. N'hésitant pas à revisiter très librement des pièces de théâtre ou de la littérature (de Luigi Pirandello à Alexandre Dumas Fils en passant par Mérimée) Metzger rythme sa réalisation par des effets inattendus créant ainsi étonnement et intérêt auprès du spectateur.

CAMILLE 2000 / 1969
-----------------------------------------

High Definition Blu-ray and Standard Definition DVD Presentation 
Brand new high definition restoration of the extended cut
Optional English SDH subtitles 
Audio commentary with director Radley Metzger and film historian Michael Bowen 
On the set of Camille 2000 featuring stars Daniele Gaubert, Nino Castelnuovo and Radley Metzger 
Sylviana’s Bare Striptease
Cube Love Scene – A newly discovered alternate take 
Restoration Comparison 
Original trailers 
Reversible sleeve featuring original and newly illustrated artwork by The Red Dress 
Collector’s booklet featuring writing on the film by Robin Bougie
 THE LICKERISH QUARTET / 1970
-----------------------------------------
High Definition Blu-ray and Standard Definition DVD Presentation
Brand new high definition restoration of the original feature – uncut and available for the first time in the UK
Optional English SDH subtitles
Audio commentary with director Radley Metzger and film historian Michael Bowen
The Making of The Lickerish Quartet – A behind-the-scenes look featuring rare footage of Silvana Venturelli, Paolo Turco and Radley Metzger
Cool Version Love Scenes – originally produced scenes where the original version too hot!
Giving Voice to the Quartet – a look at the different audio tracks between the original location and dubbed soundtracks
Original trailers
Reversible sleeve featuring original and newly illustrated artwork by The Red Dress
Collector’s booklet featuring writing on the film by Robin Bougie

SCORE / 1974
-----------------------------------------
High Definition Blu-ray and Standard Definition DVD Presentation
Brand new high definition restoration of the film – available for the first time in the UK
Optional English SDH subtitles
Audio commentary with director Radley Metzger and film historian Michael Bowen
On the set of Score – a behind the scenes look at the making of Score containing rare footage of Claire Wilber, Lynn Lowry, Cal Culver, Gerald Grant and Radley Metzger
Keeping Score with Lynn Lowry (The Crazies, Shivers) – a brand new interview with Score’s star
Original trailers
Reversible sleeve featuring original and newly illustrated artwork by The Red Dress
Collector’s booklet featuring writing on the film by Robin Bougie

Pas de version française, ni de sous-titres pour ces trois combo blu-ray / dvd mais pour les anglophiles, tous les films comportent des sous-titres anglais pour sourds et malentendants qui permettent de comprendre l'essentielle de la trame scénaristique.
Foisonnant de suppléments et d'un livret de Robin Bougie, journaliste et créateur de l'excellent (fan ?) zine Cinema Sewer, ces éditions britanniques rendent un bel hommage à ce pionnier de l'érotisme haute de gamme, pour ne pas dire d'avant-garde.
Ne passez pas à côté, de ce cinéaste d'exception ayant offert à l'érotisme et à la pornographie toute sa sensibilité cinématographique.

En vente sur theendstore.com


Trash Humpers


"J'ai toujours voulu faire des films qui vont au-delà de l'évidence formelle des mots. Je n'ai jamais voulu être du côté du sens, plutôt du non-sens, faire des films qui ne s'expriment pas dans la clarté, la fluidité du propos ou du langage. Mes films restent dans l'abstrait. Ils relèvent plus d'une émotion ou d'un sentiment. Je me fous de ce qu'on appelle le "cinéma vérité", de la véracité des éléments. Je vois plus le cinéma comme une transcendance. C'est important que les films restent quelque chose d'indéfini, ou plutôt à la marge de l'indéfini, avec des éléments manquants ôtés volontairement, des erreurs assumées, des échecs, du moment qu'on est dans une forme de beauté.[...] Un film, il faut que ce soit quelque chose qui te nique le cerveau, te défonce, te bousille. On est pas loin d'une expérience narcotique."
Harmony Korine in So Film #7 - propos recueillis par Joachim Barbier
Nashville, Tennessee. Une série de saynètes mettant en scène des dégénérés masqués qui évoquent un croisement entre des vieux et de l’herpès. Ils tournent autour de la caméra, maltraitent tout ce qui leur passe sous la main, hurlent et tuent sans raison apparente leurs voisins « normaux » après avoir récité des vers de poésie foireuse. 

Trash Humpers est en vente sur theendstore.com

The Ecstasy of Films : La Lame Infernale

A côté des maitres incontestés du giallo Mario Bava et Dario Argento, une ribambelle de réalisateurs ont signé des œuvres sans doute moins (re)connues du publique cinéphile mais qui sont de véritables perles pour tous les tifosi de ce genre si évocateur des années 70, savant mélange de perversité et d'érotisme malsain. Un cocktail assurément culte aujourd'hui.
"Être exposé au giallo, surtout pour un jeune cinéphile, c'est découvrir un cinéma dont le langage visuel et sonore est distillé à son essence la plus pure et la plus ardente. C'est voir l'émotion triompher sur la logique. [...] Poétique. Cruel. Érotique. Rebelle. Une direction photo presque toujours exquise et originale; des mises e scène dignes d'opéras; et une sensibilité à l'éclairage et la musique qui rend unique et puisant même le pire exemple du genre. Le propre du giallo est d'être un équilibre parfait entre art et commerce - c'étaient, il faut se le rappeler, des productions commerciales, aussi excentriques et poétiquement sombres qu'elles eussent été. Il s'agit d'un des genres révolus les plus pervers et les plus importants qu'offre le cinéma du passé, et son rayonnement culturel s'est avéré énorme.
Mitch Davis, Directeur général et directeur de la programmation internationale du Festival Fantasia, Préface de Vies et morts du Giallo.

L'un de ces diamants noirs est La Lame Infernale (La polizia chiede aiuto, 1974) de Massimo Dallamano (1917-1976, réalisateur de Mais qu'avez-vous fait à Solange), rencontre entre le giallo et le poliziesco (film policier italien à base de personnage très souvent moustachu et de violence froide). Ce premier titre de l'éditeur The Ecstasy of Films dans leur collection Profondo Giallo reprend les choses là où le défunt label Néo Publishing les avait laissées.

Si la comparaison était inévitable avec l'ancien chef de file du Bis transalpin en France, The Ecstasy of Films n'est pas dans le même registre économique... et c'est peut-être la raison qui permettra à ce nouvel éditeur de survivre.

En proposant en quantité limitée une version collector (1000 exemplaires) et une version simple à un prix très accessible (12,99 euro), l'éditeur décide de privilégier une communication fondée sur les réseaux sociaux et sur les acteurs indépendants. Pour autant, ils ne négligent pas certains sites de vente bien connus de tous afin d'asseoir leur visibilité. Entre prudence commerciale et innovation éditoriale (visuel de la jaquette crée par l'artiste Nathan Thomas Milliner et ouverture des suppléments à de jeune réalisateurs proposant leurs court-métrages influencés par les films), The Ecstasy of Film avance à pas de loup dans le business culturel, et c'est tout à leur honneur.

Longue vie à cet éditeur dont les prochaines sorties (La guerre des gangs, Torso et peut-être les inédits Enigma Rosso et Dans les replis de la chair) raviront les amoureux de "curiosità".

Édition Limitée à 1000 ex en vente sur theendstore.com

 

Suppléments :
  • Bandes annonces des films à venir (Torso et La Guerre des gangs)
  • Bande annonce originale
  • Livret de 8 pages par Jérôme Pottier (créateur et animateur de l'émission radio "Culture Prohibée" sur l'antenne de Graf'hit et auteur d'un futur livre sur le "Giallo" )
  • Entretien avec François Guérif, historien du cinéma, spécialiste de la série noire et directeur de la collection Rivages/Noir
  • Court métrage "Le Destin de Torelli" de David Marchand
  • Entretien avec David Marchand, réalisateur de "Le Destin de Torelli" et "Lust Murders"
  • Galeries photos, Lobby card et jaquettes étrangères
  • Affiche Exclusive (30x42) de Nathan Thomas Milliner réversible avec l'affiche du court métrage de David Marchand "Le Destin de Torelli" présent sur l'édition limitée à 1000 exemplaires

Phill Niblock, Working title

Artiste majeur mais peu connu, le passionnant Phill Niblock se voit dédier une première monographie renfermant toute l'ampleur de son travail sonore, visuel et cinématographique. Un livre fondamental.

Présentation de l'éditeur :

Cette édition présente, à travers une vingtaine d'essais de musicologues, critiques et historiens de l'art, et d'entretiens avec Phill Niblock, un panorama des activités, depuis les années 1960, de l'artiste-musicien new-yorkais, compositeur majeur du courant minimaliste américain et artiste multimédia avant la lettre. Accompagné d'illustrations, de partitions et de 2 DVD double face contenant plus de 8 heures de vidéos, cet ouvrage est la première monographie bilingue consacrée au travail de Phill Niblock.

Extrait :
Phill Niblock nous ouvre les horizons d'un art qui met à mal toute entreprise de définition. Un art qui ne se limite pas à une approche invariable ou à un médium unique. Un art qui nous investit de sa totalité. Depuis la fin des années 1960, son œuvre s'active à transformer notre perception et notre expérience de la musique et du temps. Ses compositions doivent s'écouter très fort, car c'est au sein d'une telle masse sonore que l'on peut véritablement explorer les harmoniques — c'est d'ailleurs là un équivalent direct à l'échelle imposante des images projetées, dont la densité et la matérialité viennent nous submerger. Dès l'initiation en 1968 de son travail sur les Environments, une série de performances-installations intermédia, l'art de Phill Niblock s'est toujours attaché à associer les multiples formes que sont la musique, le film, la photographie, la projection d'images et la danse, en une forme globale qui serait plus tard qualifiée d'« Art Intermédia ». Elaine Summers, avec qui il travaillait depuis 1965, fonda l'Experimental Intermedia Foundation en 1968, et Niblock en devint le directeur en 1985. [...]
Au milieu des années 1960, Niblock commence à réaliser des films pour les danseurs de la Judson Church — Elaine Summers, Yvonne Rainer, Meredith Monk, Tine Croll, Carolee Schneeman ou encore Lucinda Childs, une pratique qui le mènera à réaliser, entre 1966 et 1969, la célèbre série qu'on connaît sous le nom de Six Films, qui compte les classiques que sont Max, avec Max Neuhaus, et The Magic Sun avec Sun Ra et son Arkestra. Entre 1968 et 1971, Niblock, rompant avec les traditions du cinéma, réalise sa série d'Environments, puis entreprend, en 1973, un projet auquel il se consacrera pendant vingt ans et qui deviendra son œuvre majeure : The Movement of People Working. Les Environments sont une série d'installations, présentées dans des musées ou dans le cadre de théâtre non verbal, qui, comme l'écrit Jonas Mekas, « présentent des mouvements et des images dotés d'une énergie vitale presque inaltérée. En sortant d'une telle performance, on se sent plus fort, plus vivant. » Ces quatres Environments produits autour de 1970 — Environment (1968), Cross Country/Environment II (1970), 100 Miles Radius/Environment III (1971) et enfin Ten Hundred Inch Radii/Environment IV (1971) — sont présentés, à l'origine, dans des lieux aussi diversifiés que la Judson Church, l'Everson Museum of Art de Syracuse, le Herbert F. Johnson Museum de l'Université Cornell ou le Whitney Museum à New York. Leur forme évoluera : en 1968, les différents éléments sont encore fractionnés ; avec 100 Miles Radius, l'environnement se compose déjà d'un grand écran large d'une douzaine de mètres, où sont projetés côte à côte trois films ou deux séries de diapositives, interrompus par trois fois par des danseurs interprétant, comme s'en souvient Mekas, « des pièces simples, uni-thématiques, qui se fondaient parfaitement dans la sérénité des images. » Avec celles-ci, Niblock donne, comme l'écrit Abigail Nelson, « une vision de la nature plus abstraite, plus simple […] à travers des plans très rapprochés, dépourvus de fond. » À travers des images fixes et des films, les deux derniers Environments dévoilent la géographie des monts Adirondacks, dans l'état de New York, dans des rayons respectivement de cent miles (env. 160 km) et de cent pouces (env. 2,50 m). Extrayant ainsi la réalité de plusieurs environnements, tout en aménageant un environnement temporaire constitué d'images projetées, de musique et de mouvements dans l'espace du musée, la série de ces œuvres nous permet de comprendre vraiment ce que c'est qu'un environnement. La série de films The Movement of People Working dépeint le travail humain dans sa forme la plus élémentaire. Filmé en 16 mm couleur, puis plus tard en vidéo, dans des lieux comme le Pérou, le Mexique, la Hongrie, Hong-Kong, l'Arctique, le Brésil, le Lesotho, le Portugal, Sumatra, la Chine et le Japon — avec plus de vingt-cinq heures de film en tout, The Movement of People Working se concentre sur le travail pris comme une chorégraphie de mouvements et de gestes, sublimant la répétition mécanique et pourtant naturelle des actions des travailleurs. Phill Niblock explique avoir commencé The Movement of People Working « par nécessité, car ma musique s'accompagnait de danse simultanée, et c'était trop laborieux et trop onéreux de tourner avec tout ce monde. Alors j'ai fait ces films, que je pouvais projeter pendant que je jouais. » Lorsque les films sont diffusés, ils sont accompagnés par la collection de lentes compositions musicales évolutives de Niblock, à l'harmonie si minimaliste, composées entre 1968 et 2011. Le volume sonore utilisé lors de la diffusion de ces longs bourdons en offre une expérience viscérale, et vient animer les harmoniques toutes scintillantes, palpitantes. La superposition des tons vient faire écho à la répétitivité de l'activité des ouvriers ; sur chaque écran, la succession des films (qui changent tout au long de la journée), combinée avec un programme aléatoire qui choisit au hasard différentes compositions musicales, résultent en un renouveau permanent des formes, proposant sans cesse de nouvelles juxtapositions de son et d'images. The Movement of People Working tient un propos fort, politique et social, que le titre met bien en évidence et qui se manifeste par la proximité avec les travailleurs.
En cela, cette série de films peut faire écho au travail de certains cinéastes comme Jean-Luc Godard et Chris Marker qui, dès 1967, donnèrent la caméra aux ouvriers en leur expliquant les rudiments techniques du cinéma afin qu'ils puissent réaliser leurs propres films. Dans un fascinant retournement de la situation, plutôt que de faire de la fiction ou du pur documentaire, certains ouvriers formèrent les groupes Medvedkine et décidèrent de se filmer en train de travailler. À l'intersection de tant de domaines — musique minimaliste, art conceptuel, cinéma structurel, art systémique ou même engagé, pour n'en citer que quelques-uns, et à travers tant de collaborations avec des artistes, des danseurs, des chorégraphes ou encore des musiciens, l'art de Phill Niblock nous donne tout simplement l'opportunité si rare de faire l'expérience d'un art réalisé à partir du temps, un art qui nous fait éprouver le temps.
 Nothin to advertise, just a text on the art of Phill Niblock, Mathieu Copeland (p. 45-48)
En bonus le livre est accompagné de deux dvd  incluant les films suivants :
Remo Osaka, le prolongement de la série The Movement of People Working, avec une bande son singulière, les Anecdotes from Childhood, répartis sur les 2 DVD afin de pouvoir être visualisés dans le cadre d'une installation, ainsi que 70 for 70 (+1), Seventy (one) Sides of Phill Niblock, le film réalisé par Katherine Liberovskaya en 2003/2004 qui dresse le portrait du compositeur, à l'occasion de son 70e anniversaire, à travers les évocations de ses amis et de sa famille.

Prix : 32 euro | 520 pages

Cinémathèque de Nice : Jean Marais (et Jean Cocteau)

Consacrer une rétrospective à Jean Marais est en soi évoquer l'une des passions artistiques les plus belles et émouvantes du cinéma français, la rencontre entre un acteur et un artiste, Jean Cocteau. Si la cinémathèque de Nice propose bien évidemment les grands films de ce couple de légende, elle y adjoint ses rôles populaires qui sauront l’imposé au grand public.

Voici notre sélection accompagné d'anecdotes issues du livre Jean Marais, Histoire de ma vie.

L’ÉTERNEL RETOUR / Jean Delannoy / 1943


L'éternel Retour commence. J'étais payé, mal, car Paulvé avait repris l'ancien contrat de Juliette ou la clef des songes. Mais j'aimais tant ce film que j'aurais payé pour le faire. En revanche, Moulou, que Jean pour son rôle avait baptisé "Moulouk" (chien de Jean Marais, ndr) était bien payé. [...] Jean (Cocteau, ndr) n'était pas avec nous. Il mettait en scène Renaud et Armide au Français. Il vint nous rejoindre deux semaines plus tard. Delannoy faisait un très bon travail. Nous étions tous ravis des projections. Les photos d'Hubert étaient raffinées et belles. J'avais de plus la joie de tourner avec des personnes que j'aimais : Yvonne de Bray, qui n'avait accepté que par amitié de jouer un rôle pas fait pour elle, Roland Toutain, Madeleine Sologne, Moulouk.[...] Lorsque Jean vint nous rejoindre, après le très grand succès de Renaud et Armide, rien ne changea dans notre travail. Il assistait aux prises de vues sans se mêler de la mise en scène. Il demanda seulement deux choses : d'enlever une reproduction de "La Laitière" de Greuze, ainsi qu'un abat-jour trop froufroutant, trop bourgeois. Rien d'autre, mais ses ondes agissaient et tout prit un autre style. Sans nous en apercevoir, nous jouions autrement; Jean Delannoy dirigeait autrement, la lumière était devenue différente.
[...] L'éternel Retour remporte un triomphe. A l'image finale, toute la salle se lève et acclame. [...] Le succès du film augmente de jour en jour. La queue devant le cinéma s'étend jusqu'au Rond-Point. Une atmosphère de petite émeute : des femmes s'évanouissent. On appelle police-secours. On organise des services d'ordre. Le téléphone n'arrête pas de sonner à la maison. Les critiques : "Malgré Jean Cocteau et Jean Marais le film est admirable".

> mercredi 6 février 2013 à 14h00
> vendredi 8 février 2013 à 17h30

LA BELLE ET LA BÊTE / Jean Cocteau / 1946


Jean voulait tourner La Belle et la Bête. Il obtint du général Leclerc de me dispenser de ce repos dans l'Indre. Je revins à Paris comme affecté spécial. Toutes les semaines,j'allais signer aux Invalides une feuille attestant ma présence à Paris. [...] J'avais imaginé une bête à tête de cerf. Je ne pensais qu'à la beauté des bois. Bérard (décorateur, ndr) expliqua que ce ne pouvait pas être un herbivore; mais un carnassier. Les cornes, mêmes les magnifiques bois d'un cerf, feraient rire les salles populaires. La bête doit effrayer. Il avait raison. De mon côté, j'allais chez Pontet, un grand perruquier. Jean et moi, nous l'avons décidé à confectionner le masque. [...]
Cent obstacles se dressaient devant la réalisation de ce chef-d’œuvre. Le manque d'électricité nous obligeait à tourner la nuit. Les Labédoyère refusaient leur parc pour les extérieurs du château de la Bête. On trouvait avec difficulté de la pellicule. Mila (Parely, ndr) eut un accident de cheval, une fluxion; moi, un anthrax. Le pire fut la maladie de Jean : depuis des mois, il souffrait de plusieurs affections de la peau. Pendant le film, il eut presque en même temps de l'impétigo, de l'urticaire, de l'eczéma, des furoncles, des anthrax et un phlegmon. Les sunlights le blessaient. Il ne pouvait plus se raser. Il travailler avec un chapeau sur lequel il fixait avec des épingles à linge un papier noir percé de deux trous pour les yeux.
> samedi 9 février à 14h00
> mercredi 13 février à 16h00

ORPHEE / Jean Cocteau / 1949


"Jean écrit Orphée et me le lit. Cette œuvre renferme toute la mythologie de Jean. Ce scénario était plus qu'un scénario : une oeuvre poétique importante. Je le lui dis. Et aussi que j'aimais tant ce film que j'accepterais d'y être figurant. D'ailleurs, il y avait deux rôles :Orphée et Heurtebise. Je pouvais jouer Heurtebise. Jean ne demandais pas mieux. Il envoie le scénario à Jean-Pierre (Aumont, ndr) et lui demande s'il accepterait que je joue le second rôle. Jean-Pierre répond que pour son retour en France cela le gênerait que joue à ses côtés. Jean m'en parle. Je me résigne avec tristesse à ne pas faire partie de ce que je considérais comme l'oeuvre cinématographique de Jean la plus importante. Mais mon destin travaille. Jean porte son scénario à M. Decharme qui croit qu'on se moque de lui, que Jean a vite bâclé n'importe quoi pour toucher la seconde partie de la somme. il ne comprend rien à une oeuvre si différente de celles qu'il a l'habitude de lire. Il rompt le contrat et le télégraphie à Jean-Pierre qu'il ne fait pas le film.
Jean se désespère. Il est à tel point possédé par son sujet que c'est un drame pour lui de ne pas pouvoir le réaliser. Nous assistons à un tel désespoir que tous ses amis essayent de l'aider. Surtout mon impresario et amie qui est également le sien. Cette amie, Mme Watier, ne trouve qu'un moyen : que Jean soit son propre producteur, associé aux interprètes avec un producteur délégué qui sera une fois de plus Paulvé.
> jeudi 7 février à 20h00
> vendredi 8 février à 15h45

Orphée est disponible en dvd sur theendstore.com

Retrouvez toute la programmation sur le site internet de la Cinémathèque de Nice.