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Philippe Grandrieux, terroriste de l'image

Combien de réalisateurs contemporains français peuvent se targuer d'avoir une signature visuelle aussi reconnaissable que Philippe Grandrieux ? F.J. Ossang ? Gaspar Noé ?

Philippe Grandrieux ne sera jamais nommé au César, n'aura jamais de Palme d'Or mais il ne fait aucun doute que chacun de ses trois longs-métrages ont causé des interrogations, des gènes, des troubles, de l'amour et beaucoup d'incompréhension et pour tous cela, ils resteront dans l'histoire du cinéma. C'est pourquoi nous avons le plaisir de proposer à la vente Sombre (1998) et Un Lac (2009) Jusqu'à présent Sombre et un Lac étaient introuvables en dvd. Le premier était bien sorti en dvd en juillet 2000, autant dire aux prémices du support en France, mais n'était plus disponible depuis des années. Quant à Un Lac, sorti en salle en mars 2009, celui-ci ne semble pas trouver d'éditeur assez courageux pour le sortir en dvd... en France. Mais c'était sans compter sur THE END.


Jean tue, il rencontre Claire, elle est vierge. Claire aime Jean. Elle reconnaît à travers les gestes de Jean, sa maladresse, sa brutalité, elle reconnaît ce qui obscurément la retient elle aussi hors du monde. Et jusqu'alors frappée de désespoir, du désespoir d'une vie non vécue, cet homme la redonne à la lumière. C'est un conte. L'amour est ce qui nous sauve, fut-il perdu, d'emblée perdu.

Aucun bonus pour cette édition mais le plaisir de pouvoir décortiquer à foison cette première œuvre fondatrice du style Grandrieux. Pour en savoir plus sur le projet artistique de Grandrieux, nous vous proposons un extrait de l'article d'Antoine de Baecque pour les Cahiers du Cinéma. Pour l'auteur, Grandrieux fait un cinéma Contre. Explications.


"Contre la qualité technique du cinéma français, celle qui le faisait traiter de fou par les laboratoires au vu des rushes assombris, par des fabricants de pellicules, de focales ou de caméras dont toute la pensée technique, normative et formatés, se voit ici remise en cause. Contre les habitudes de la profession et de la critique, qui n'aiment rien moins que l'idée d'un cinéaste, artiste contre vents et marées, qui leur impose ce qui est nouveau et ce qui est absolument original dans le cinéma français. Contre son spectateur enfin, puisque celui-ci est ouvertement mis à l'épreuve, épreuve sensorielle : tous ses sens sont convoqués et comme saturés par les brouillages, sous-expositions, sonorités, étouffements, violences"
Antoine de Baecque, "La Peur du Loup" in Cahiers du Cinéma #532 - février 1999 - p37

Autre critique, Serge Kaganski, pour évoquer ce premier film :


Sombre est un film/cinéma, c'est-à-dire un film qui englobe et résume à lui seul tout le cinéma. Parce que son auteur travaille prioritairement la pellicule et la matière de l'image, la relation entre les plans, les sons et la musique, bien sûr. Aussi parce qu'il intègre (sans jamais les recopier littéralement) une somme de références balayant toute l'histoire de son art, depuis ses origines (le muet, Murnau, mais aussi la peinture, le Greco, Goya, Bacon...) jusqu'à ses visions les plus contemporaines (Lynch, Wong Kar-wai...) en passant par les expériences des avant-gardes passées (Mekas, Brakhage...), sans oublier l'immense Jacques Tourneur (pour le travail sur l'invisible, mais aussi parce que le personnage joué par Marc Barbé pourrait être un descendant des cat people, ces créatures qui se transformaient en félins féroces au moment de l'acte sexuel). Mais Sombre est un film/cinéma parce qu'il renvoie aux caractéristiques les plus matérielles du septième art : l'alternance lumière/obscurité comme une émanation du principe fondamental du cinématographe, les travellings avant sur les routes comme une bobine qui tourne et pendant lesquels on jurerait entendre le son du projecteur en marche, le souffle du défilement. Sombre nous enserre dans ses rets et nous impressionne comme si nous devenions un rouleau de pellicule pris dans les griffes de la machine-cinéma, Grandrieux nous infuse son sang noir en intraveineuse. "Un film, ça ne se dit pas, ça se vit" ­ J.-L. Godard. Alors arrêtons-là le bavardage, oubliez ce qui précède. Courez vivre ce film.
Serge Kaganski in Les Inrockuptibles



Réalisé après Une Vie nouvelle (2002), Un Lac confirme la veine radical du cinéma de Philippe Grandrieux. Scénario ramassé, rongé jusqu'à l'os pour laisser place aux sons et à l'image toujours tremblotante, aux dialogues chuchotés, aux flous, à la noirceur de notre monde.


Le film se déroule dans un pays dont on ne sait rien, un pays de neige et de forêts, quelque part dans le Nord. Une famille vit dans une maison isolée près d’un lac. Alexi, le frère, est un jeune homme au cœur pur. Un bûcheron. Enclin à des crises d’épilepsie, et de nature extatique, il ne fait qu’un avec la nature qui l’entoure. Alexi est très proche de sa jeune sœur, Hege. Leur mère aveugle, leur père et leur plus jeune frère, observent en silence cet amour incontrôlable. Un étranger arrive, un jeune homme à peine plus âgé qu’Alexi…



Comme pour la précédente édition, pas de supplément mais c'est le seul moyen pour découvrir ce film, qui, comme le reste de la filmographie de Grandrieux n'a connu qu'une exploitation limitée. A bien des égards Un Lac partage bon nombre de points communs avec Sombre, son premier effort dans le cinéma "traditionnel", cette même quête sensitive vers l'abîme.

Les deux films sont donc disponibles sur notre boutique en ligne
> Sombre (1998)
> Un lac (2009)

1 commentaire:

Maya D a dit…

Bonjour, concernant l'a jaquette du DVD de Sombre.
Il est inscrit Elena Lowensohn, alors que le nom de l'actrice est Elina Löwensohn.

En tout cas heureuse initiative que cette édition.