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Phill Niblock Six Films

Si certains cinéastes sont pluridisciplinaires, nous pensons à David Lynch en premier lieu ou à Vincent Gallo, leur reconnaissance est avant tout liée à leurs activités principale. D'autres, acquiert notoriété et intérêt grâce à des activités annexes qui viennent aussi bien poursuivre leur réflexion artistique qu'ouvrir un vaste champs d’expérimentation. Dans ce cas précis, nous pensons à Phill Niblock. Méconnu du grand public mais reconnu pour son travail dans la musique expérimentale, son passé de photographe (de jazz) et principalement de réalisateur est remis au gout du jour avec un dvd compilant six courts-métrages entre 1966 et 1969.



Né en 1933 dans l'état de l'Indiana, Phill Niblock découvre la scène new-yorkaise après son installation en 1958. Travaillant dans un premier temps comme photographe, c'est son travail de cinéaste qui lui permit de rencontrer artiste et comédien underground et d'être confronter à la musique.

Morning (1966-69) 17 minutes
Réalisé par Phill Niblock à partir d'une idée de Niblock et de Jean Claude Van Itallie, filmé par Niblock avec un texte de Lee Worley et Michael Corner, avec des membres du Open Theater (Lee Worley, James Barbosa, Cynthia Harris, Sharon Gans, Joseph Chaikin)

The Magic Sun (1966-68) 17 minutes
Filmé par Niblock avec les membres du Sun Ra Arkestra.

Dog Track (1969) 8:30 minutes
Filmé par Niblock avec un texte lu par Barbara Porte

Annie (1968) 8 minutes
Portrait de la danseuse Ann Danoff.

Max (1966-68) 7 minutes
Filmé par Niblock, monté par David Gearey. Portrait de Max Neuhaus (1939-2009)

Raoul (1968-69) 20 minutes
Portrait du peintre Raoul Middleman avec une musique improvisé par ses soins.

Comme nous l'évoquions, les films de Niblock sont une entrée en matière à sa musique, et celle-ci est un prolongement de son art visuel. C'est pourquoi nous avons décidé de vous proposer la présentation de Philippe Robert parue dans son ouvrage consacré au musique expérimentale afin de capter des bribes de l'univers de Phill Niblock

De manière obsessionnelle, et sans que cela en ait fait pour autant un boulimique de la production, Phill Liblock n'a pas cessé d'inventorier le même sillon depuis 3 to 7 - 196, une composition pour violoncelle datant de 1974. Chez lui, cette quête, comme cela a pu être le cas pour certains de ses confrères ( et certaines de ses consœurs, n'a cependant jamais été guidée par quelque préoccupation d'ordre mystique que ce soit, à la différence d'une Eliane Radigue ou d'un La Monte Yoing qu'il découvrit à New-York et en direct, à l'époque du Dream Syndicate, une formation comptant parmi ses membres Marian Zazeda, Tony Conrad, John Cale et Angus McLise. D'ailleurs, Phill Niblock ne s'avouera pas particulièrement intéressé par l'intonation juste, pas plus que par la musique indienne. Alors comment, dans son cas tirer profit d'une formation musicale inexistante (à part quelques leçons de piano et une passion pour Duke Ellington et les 78 tours de jazz) ? La réponse lui parut évidente : en décidant de ne s’intéresser qu'au champs de l'expérience, juste pour la beauté de cette dernière et sans arrière-pensée théorique ou philosophique. Du coup, l'adéquation s'est avérée d'emblée totale entre sa méthode, minimale s'il en est, et son obstination à la sublimer en la remettant constamment sur l'ouvrage. Sa découverte du travail de Morton Feldman, la première, leva toute inhibition, comme si certaines de ses pièces l'avaient autorisé à faire fi, lui aussi, des progressions harmoniques habituelles. C'est ce qu'il mettra effectivement en œuvre à partir de 1968, après avoir compris que de longues notes tenues permettaient de sonder en profondeur la dimension contemplative de l'écoute, comme d'appréhender la fluidité temporelle inhérente au phénomène musicale

Avec Alvin Lucier, Phill Niblock représente certainement l'une des figures majeures du minimalisme. Seules les architectures sonores massives le passionnent - et donc tout ce qui leur est associé, des projections d'ondes aux microtonalités en passant par le volume sonore et l'espace. Simple, sa méthode n'a finalement évolué qu"en raison des avancées technologiques, en passant de deux magnétophones à bandes à huit puis vingt-quatre pistes, couplées avec un ordinateur et un logiciel performant. Ce dernier, indispensable à la composition, permet d'obtenir des épaisseurs de sons presque illimitées, dans lesquelles les sources instrumentales acoustiques sont préférées à l'électronique. Les flûtes de Susan Stenger, Eberhard Blum, comme les guitares de Rafael Toral, Kevin Drumm, Lee Ranaldo, Thurston Moore ou Alan Licht ont ainsi nourri, comme les appelle Phill Niblock, des "partitions de mixage" correspondant à des assemblages de blocs d'informations précis, avec des hauteurs prédéterminées et vérifiées de façon - pour ainsi dire - scientifique.

En résultent des pièces devant être jouées, chez soi ou en public, à un volume sonore conséquent proche de ceui du rock. C'est seulement ainsi, par immersion, que l'on pourra percevoir au mieux l'effet littéralement physique que générent ces masses sonores se superposant jusqu'à créer un bourdon envahissant et hypnotique.

Philippe Robert in Musiques expérimentales - une anthologie transversale d'enregistrements emblématiques, Formes, Éditions Le mot et le reste / Grim, Marseille, septembre 2007 p 220

Depuis 1985, Phill Niblock est le directeur la fondation Experimental Intermedia à New-York. Pour finir, voici deux courts-métrages représentatifs de son travail visuel.





Le dvd Phill Niblock Six Films 1966-1969 est en vente dans notre boutique

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