Pour accompagner les présentations de l'éditeur, nous avons (à titre informatif) recopié quelques passages du livre "Égéries Sixties" (Éditions J'ai Lu, mai 2008 [merci à Jean Sylvain Cabot pour nous avoir fait découvrir cet ouvrage]) pour étayer la brève et étrange carrière de Serge Bard.
DÉTRUISEZ-VOUS
Détruisez-vous 1968 35mm 55’
Bonus Détruisez-vous 2005 video 17’
+ Livret de 44 pages (textes d'Alain Jouffroy et Philippe Azoury)
Détruisez-vous (et son sous titre implacable : le Fusil silencieux) a été tourné entre mars et avril 68. Un carton, en lieu et place de générique annonce même, avec un brin de fierté (il peut se le permettre car après tout il ne sont pas nombreux dans son cas, à avoir fait preuve de clairvoyance) : « film tourné en avril 68. » (…) C’est un film tourné de façon sauvage sauvage, fait en dehors de toutes règles. C’est le premier film Zanzibar (il précède même le nom du mouvement). Une tentative de faire un cinéma hors des règles de production bravant la chaîne commerciale.
La collection Zanzibar regroupe les films de Serge Bard, Philippe Garrel, Jackie Raynal, Patrick Deval, Olivier Mosset, Daniel Pommereul, et d'autres.
FUN AND GAMES FOR EVERYONE
1968 * 35mm * 1.66 Noir & Blanc * Sonore 53 minutes
Réalisation : Serge Bard
Financement : Sylvina Boissonnas
Directeur de la photographie : Henri Alekan
Musique : Barney Wilen & Sunny Murray
Casting : le public de la galerie Rive Droite, Michel Auder, Patrick Bauchau, Caroline de Bendern, Pierre-Richard Bré, César, Salvador Dalí, Alain Jouffroy, Jean Larcade, Amanda Lear, Jean Mascolo, Olivier Mosset, Sunny Murray, Jean-Pierre Raynaud, Barbet Schroeder
Contient un livret de 16 pages avec un texte de Serge Bard et un texte de Jackie Raynal.
> BONUS
Un Film Porno
de Olivier Mosset * 1968 * Super 8 mm * Couleur * Muet * 3 minutes 30 Avec / With Caroline de Bendern, Pierre Clémenti
« Fun and Games (for Everyone), film d'un noir d'encre et d'un blanc lactal enregistré live durant le vernissage d'une exposition d'Olivier Mosset. Sous une improvisa- tion psychédélique, se croisent, dans une image sola- risée, épaisse comme un trait de pinceau, les Zanzibar, Salvador Dalí, Barbet Schroeder, Jean Mascolo... » -- PHILIPPE AZOURY
« Bard, dans ce 2ème film, laisse à nouveau le champ libre à un va-et-vient incessant de parisiens qui assis- tent au vernissage du peintre minimaliste Olivier Mosset et dont l'expo consiste en 10 toiles, toutes similiaires, blanches avec des cercles noirs peints en leur centre. C'est la révolution qui critique l'art et la peinture... Et Serge qui critique le Cinéma ! » -- JACKIE RAYNAL
« (A propos de Fun and Games) La lumière peut devenir expression graphique sans modelé et dépersonnaliser les comédiens au point de leur "manger" le visage en supprimant tout détail et créer un environnement attractif. » -- HENRI ALEKAN
« Je n'avais rien à voir avec le film, il était juste tourné pendant mon exposition. » -- OLIVIER MOSSET
[...] dans Détruisez-vous de Serge Bard, Caroline jouait l'élève du poète Alain Jouffroy et repétait sa leçon assez simple à retenir. Le rebelle lui expliquait qu'il fallait détruire les banques et faire la révolution. Caroline répétait après lui d'une façon un peu maladroite. Un rôle ambigu. Elle se foutait de Jouffroy lorsqu'il expliquait, citant Breton, que l'acte surréaliste suprême consiste à descendre dans la rue et à tirer au hasard dans la foule. Caroline n'était pas favorable à une révolution sanglante. Elle pensait juste qu'il fallait changer le monde, qu'il fallait s'éclater comme beaucoup de gens à l'époque. Bard, le réalisateur, était étudiant en sociologie à Nanterre. Il fréquentait Cohn-Bendit et, juste avant 68, il avait décidé de faire un film financé par Sylvina Boissonnas, une héritière Schlumberger, mécène de l’extrême gauche et des féministes.Elle avait décidé de financer des films dans l'esprit de 68. Détruisez-vous, sorti en avril 68, était assez prémonitoire puisque la révolution allait éclater quelques semaines plus tard. Le film aurait dû s'appeler les fusils silencieux. Serge préféra reprendre un slogan qui fleurissait sur les murs de Paris.[...]
Dans le film de Bard, Caroline effectuait le geste qu'elle reproduira le 13 mai sur les barricades avec le drapeau. Le réalisateur pensait que son physique de mannequin était un atout : il pousserait les gens à faire la révolution... L'original de Détruisez-vous a brûlé. Il n'en reste plus qu'une copie comme pour ses autres films, Ici, maintenant et Fun and Games for everyone, tourné lors du vernissage d'une exposition d'Olivier Mosset.
Fabrice Gaignault in Égéries Sixties, Éditions J'ai lu, mai 2008. page 151
[...] je suis partie en Afrique avec Bard, Pommereulle et tout une équipe de tournage. C'était une idée de Serge. Le but : aller de Paris à Zanzibar. Il m'avait prise pour le rôle féminin principal. Le tournage devait durer six mois. Une folie financière ! Isabelle Pons nous apportait de la part de Sylvina des liasses de billet cachées dans ses bottes. On ne se rendait absolument pas compte des réalités africaines. Lorsque nous sommes arrivés, exsangues, à Tamanrasset, Serge a décrété qu'il avait besoin de davantage de matériel. Il n'avait pourtant rien filmé ! Il est reparti en nous plantant dans le désert. On est restés à végéter là pendant quelques mois, puis on est partis un beau jour pour le nord du Niger. Serge a débarqué en nous annonçant sa conversion à l'Islam, une religion qui proscrit les images. Il était désormais hors de question pour lui de faire le film. Les techniciens se sont cassés. Notre mécène, Sylvina, a trouvé que la plaisanterie avait assez duré. Elle nous a coupé les vivres. On s'est retrouvés sans un sou et on a dû rentrer en Europe rapidement, via le mali. La situation était devenu comique : Bard avait affirmé qu'en tant que femme, donc impure, je ne devais plus partager les repas avec des hommes.
Caroline de Berdern in Égéries Sixties de Fabrice Gaignault, Éditions J'ai lu, mai 2008. page 154
Serge Bard est devenu un fou d'Allah. Il nous affirmait qu'il avait eu une illumination au Mali. Après avoir changé son prénom pour celui d'Abdullah, il s'est installé à La mecque, où il réside et travaille toujours. Serge est convaincu que le bon vieux temps de notre jeunesse furieuse est une époque diabolique qu'il faut expier. Pour lui, pas de doute, nous sommes tous dans l'erreur. Un jour, Garrel lui a avoué qu'il ne croyait pas en Dieu, et, à ces paroles sacrilèges, Abdullah (Siradj) m'a semblé proche de l'infarctus. Quand je pense que je l'ai connu, tout jeune étudiant venant d'une bonne famille protestante, comptant même quelques Juifs dans sa famille ! Je l'avais rencontré au cours de l'un des fameux happenings de Lebel, organisés dans le cadre du festival de la Libre Expression, auxquels je participais avec Pommereulle.
Mosset est un type insensé. Il peint des ronds et des monochromes depuis quarante ans. Il est devenu biker et vit dans un trou de l'Arizona. Il porte des cheveux longs, une barbe à la ZZ Top, et est couvert de tatouages.
Frédéric Pardo in Égéries Sixties de Fabrice Gaignault, Éditions J'ai lu, mai 2008
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