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Imamura, inédits en dvd

L'éditeur Choses Vues, via son blog, vient d'annoncer la sortie du film documentaire L'évaporation d'un homme en dvd (1967) ainsi que Les Pirates de Bubuan (1972) en bonus pour le 8 novembre 2011. Mais avant d'acquérir le dvd, vous pouvez découvrir le film en salle car il ressort le 3 août prochain.


M. Oshima, un agent commercial de trente ans, a disparu. Sa fiancée lance un avis de recherche et part avec une équipe de tournage pour enquêter sur cette disparition. Au fil des recherches se dessine le portrait d'un homme rustre, timide, peu efficace dans son travail, qui aimait boire et séduire. Celui-ci n'a plus donné signe de vie après avoir empoché une somme d'argent qui devait revenir à son entreprise.

Période méconnu du réalisateur japonais doublement palmé à Cannes pour La Ballade de Narayama (1983) et de l'Anguille (1997), L'évaporation d'un homme témoigne de toute l'inventivité du cinéaste. Mêlant allégrement des techniques cinématographiques pour réduire la barrière entre la réalité et la fiction, on peut dire qu'il faisait bien avant l'heure du docu fiction. Cette sortie salle et dvd nous permet d'évoquer la publication voilà déjà quelque temps d'un livre passionnant sur la carrière du réalisateur Japonnais : Shohei imamura : Évaporation d'une réalité au édition de L'Harmattan* par Bastian Meiresonne.


Imamura est un corrupteur - à la fois séducteur et homme déplaisant. Poil à gratter du cinéma nippon, il a cherché à représenter la quintessence de son pays. Quitte à bousculer les codes de la bonne conduite et les apparences trompeuses. Imanura s'intéresse au tréfonds de l'âme humaine. Tout au long de sa filmographie, il s'est évertué à voir au-delà du masque forgé par la société pour révéler les instincts bassement humains. Cette volonté transparaît clairement dans sa manière de réaliser.

Voilà ce que l'on peut lire dans l'ouvrage à propos du documentaire :

Pour les besoins de son Ningen johatsu (L'évaporation d'un homme), il va mener sa propre enquête en interviewant toutes les personnes en relation avec le disparu, accompagné par la fiancée de ce dernier. N'ayant pas réussi à trouver d'autres personnes prêtes à s'investir dans un tel projet, il va faire appel à l'acteur Shigeru Tsuyuchi, qu'il présente comme étant un vrai détective privé. Coup de génie, car contre toute attente, les frontières entre la réalité et la fiction vont rapidement s’entremêle. Imamura va tirer profit de la situation en tentant de "manipuler" sa protagoniste principale pour "provoquer" d'autres rebondissement. Il va notamment semer le doute quant à une probable implication de la sœur l’héroïne. La dernière scène du film sera le terrible affrontement entre les deux femmes. Au plus fort de leur dispute, le cinéaste fait tomber les pans d'un décor de studio, en affirmant que le film n'était que pure fiction. Imamura dit avoir eu cette idée en cours de tournage pour remettre en question la mince frontière séparant la réalité de la fiction ; certains témoins affirment, qu'il s'agissait avant tout d'un subterfuge pour mieux pouvoir se défendre devant le tribunal. Effectivement traine en justice par l'actrice principale pour propos diffamatoires, le réalisateur s'en tire, du coup, sans aucune peine.
Réalisé à peu de frais en coproduction avec la société indépendante ATG, le film est racheté à la dernière minute par la Nikkatsu pour le buzz entourant la sortie du film. Judicieuse décision, car le long métrage sera un nouveau succès retentissant
[...]

p.39-40

Il nous parait important de prendre en compte sa période "documentaire" tant ces quelques années semblent être la période charnière qu'il lui permettront d'envisager et de conduire son métier vers une autre voix.

A la question sur la fascination de Shoeihei Imamura pour le documentaire, son fils répond :

"Il faut savoir que mon père a été un vrai fils à papa. Ce n'est pas qu'une rumeur, mais un fait avéré. De descendance relativement aisée, il a réussi à échapper à l’enrôlement dans l'armée durant la seconde guerre mondiale en se faisant muter sans un lycée technique. Quand il est revenu à Tokyo à la fin de la guerre, il n'y avait que le marché noir. C'était la dure loi de la survie et il ne fallait surtout pas se poser de questions quant à savoir si on allait se faire tuer ou pas. Mon père a dû observer les gens pour ne pas se faire "repérer" ; il fallait qu'il reproduise exactement leurs gestes, savoir comment lever un verre pour boire ou comment se rincer le visage le matin. s'il s'est mis à imiter les gens autour de lui, ce n’était pas pour le travail, mais pour vivre et survivre.
Ensuite mon père est devenu réalisateur. un métier dans lequel il faut savoir refléter le quotidien des gens. [...] il appelait ses acteurs des "faux vivants". Je pense que cette expression lui était venue à l'époque du marché noir et de ses premiers pas comme réalisateur.
L'évaporation de l'homme a été une véritable expérience pour lui. Quand il a tourné ce film, je pense qu'il a dû se dire, qu'il avait enfin trouvé des "vrais vivants", qui n'avaient rien à voir avec les "faux vivants". C'est pour cela qu'il s'est tourné vers le documentaire. Le fait généralement répandu comme quoi il en avait marre des acteurs n'est donc pas l'unique raison de sa reconversion.
Hirosuke Imamura

Le film bonus Les pirates de Bubuan (1972) qui accompagnera L'évaporation d'un homme, raconte la vie d'une petite communauté dans l'archipel philippin racketté par des pirates de l'île voisine. Immamura filmera avec son équipe chaque camps. Dès que nous avons le visuel, nous le partagerons sur notre page Facebook et sur le blog.

Source : Choses Vues

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* Deux autres titres dans la même collection sont disponibles auprès de THE END : Kinji Fukasaku : un cinéaste critique dans le chaos du XXième siècle et Gozilla, une métaphore du Japon d'après guerre.

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