Le Dr Markway qui effectue des recherches dans le domaine de la parapsychologie tente une expérience de perception extrasensorielle avec un groupe de personnes réunies dans un vieux manoir réputé hanté. Dès le départ, des bruits insolites terrorisent les habitants de la demeure...
Critique de Frédéric Bonnaud pour les Inrockuptibles
Avec La Maison du diable, Robert Wise posait de main de maître les fondations d'une nouvelle vague du film d'horreur.
Ce film rare jouit d'une certaine réputation auprès des cinéphiles. Réputation méritée tant la montée de l'angoisse y est subtile et originale. En le tournant, Robert Wise semble s'être souvenu de la grande leçon de Val Lewton, son premier employeur : "En montrer le moins possible et laisser l'ambiguïté s'installer." Et effectivement, Wise ne montre rien. Lors de l'entretien qu'il nous avait accordé (n° 54), il avait fini sur ces mots : " La Maison du diable était fondé sur la peur de l'inconnu, on ne voyait que des ombres." Le reste est affaire d'imagination.
Les quatre personnages n'en manquent pas. Entre l'honorable spécialiste des phénomènes paranormaux qui a des petits soucis conjugaux, la médium lesbienne qui a bien du mal à s'assumer comme telle, la vieille fille frustrée et l'héritier désabusé, c'est un véritable concours de névroses que va abriter la maison hantée. Hantée ? Oui, si on veut, hantée par toutes les peurs qui se sont succédé dans ces murs. En s'emparant du thème rebattu de la demeure maléfique, Wise opte pour un efficace transfert dramaturgique : la peur passe de l'extérieur à l'intérieur, ce sont les personnages qui l'amènent avec eux, bien décidés à la faire fructifier pour tenter de la vaincre. Les habitants arrivent avec leurs problèmes, la maison les changera en fantômes. Et Wise ordonne quatre mises en scène concurrentes pour un lieu unique. La Maison du diable prend vite des allures de psychanalyse de groupe. C'est un traitement de choc.
Filmé en contre-jour (ou en contre-nuit, avec gros nuages noirs obligatoires) et en contre-plongée, l'inoffensif vieux tas de poussière paraît de plus en plus menaçant à mesure que Wise multiplie les effets "gothiques" : un simple courant d'air devient un claquement de porte effrayant, un grincement de boiseries ne peut plus être qu'un avertissement, un bruit sourd semble lourd de menaces, un décor surchargé passe du statut de cabinet des curiosités à celui de musée du crime, les statues ont un regard peu amène. Dès le début, la voix off à la fois fiévreuse et discrètement ironique nous avait promis un "schéma classique". Promesse tenue. Et tout le catalogue "d'effets qui font peur" y passe, rien n'est oublié, tout est recyclé de main de maître. On voit, on entend (la bande-son est prodigieuse d'inventivité) l'horreur s'installer. Et pourtant il ne se passe rien, les personnages jouent avec leurs ombres sans jamais se lasser. C'est leur santé mentale qui est en jeu, la nôtre finit par en souffrir. Tout ça finira mal.
Parmi les successeurs patentés, seul Stanley Kubrick tirera les leçons de La Maison du diable. Ce sera Shining. En reprenant le même point de départ que Wise (l'esprit anime un lieu qu'il a reconnu comme sien), il le poussera bien plus loin, vers des contrées où Wise n'avait pas osé s'aventurer. Mais celui-ci avait grandement contribué à poser les fondations d'une horreur nouvelle.
Un mot sur Robert Wise (1914-2005), réalisateur de West Side Story, de la Mélodie du Bonheur, du Mystère Andromède et d'une trentaine d'autres films. Peut-être trop justement pour une critique française plus à même de glorifier les véritables auteurs cherchant cohérence et unité là où un artisan de la trempe de Wise réussissait à faire gagner de l'argent à ses producteurs. Et pourtant il faut reconnaitre que les films signés Robert Wise ont tout autant marqué des générations qu'un Hitchcock ou qu'un Kubrick.
> vendredi 17 juin à 21h30
le film est disponible en dvd auprès de THE END (theendstore(at)gmail.com)
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