Plusieurs générations ont grandi avec la télévision. Elles ont grandi en même temps avec « Cinéastes » et « Cinéma, de notre temps », parfois sans le savoir. Avec Cassavetes se roulant au sol pour mimer les mouvements de la caméra, Ford sur son lit bougonnant son amour du western, Lang et Godard discutant mise en scène et censure, Scorsese mangeant des pâtes chez ses parents, Kitano comme un écolier face aux doctes questions de l'universitaire Hasumi, Tarkovski tournant Le Sacrifice, Hou Hsiao-hsien entraînant Assayas à travers le Taïwan de son enfance, Kiarostami sillonnant les routes d'Iran à la recherche de ses acteurs, Straub et Huillet remontant Sicilia ! tout en se chamaillant devant la caméra de Pedro Costa...
Parmi la centaine de portraits que compte aujourd'hui la collection qui traverse tout le cinéma, de Buñuel à Cronenberg, de Renoir aux Dardenne, chacun d'entre nous, en France et ailleurs, a croisé au moins l'un de ces films et rencontré avec lui un cinéaste. Debra Granik, réalisatrice américaine de Winter's Bone, déclarait dans Libération en mars dernier à l'occasion de la sortie de son film : « Je me souviens d'un documentaire extraordinaire sur Cassavetes réalisé par une équipe de la télévision française. On y sentait tout l'esprit et le désir d'expérimentation de l'époque. » Au-delà de la liste impressionnante de cinéastes sollicités de part et d'autre de la caméra, au-delà de ses presque 50 ans d'existence, si la collection imaginée par Janine Bazin et André S. Labarthe pour la télévision est aujourd'hui devenue mythique, c'est surtout grâce à son intelligence et à sa liberté d'esprit qui ont permis et offert de véritables rencontres avec les artistes filmés.
Le Centre Pompidou montre exceptionnellement toute la série sur grand écran, en présence de cinéastes, de comédiens et d'autres invités, rassemblés sous le regard d'André S. Labarthe. Une occasion unique de voir la collection dans son ensemble et de découvrir, en avant-première, de nouveaux portraits et des rushes inédits.
Par Alain Seban,
Président du Centre Pompidou.
L’Éclat a l'heureuse initiative de proposer, trois jours durant, une série des plus beaux moments, des instants uniques de l'histoire entre le cinéma et la télévision, lorsqu'un rapprochement pouvait être possible, que l'un compléterait naturellement l'autre avant qu'une hiérarchie s'installe pour de longues années.
L’occasion de rendre hommage à l'un des géniteur de ces programmes, André S. Labarthe.
Présentation du programme :
André S. Labarthe, dans tous ses arts 7-9 juin 2011
André S. Labarthe a fondé et dirigé avec Janine Bazin, les collections Cinéastes de notre temps et Cinéma de notre temps dans la lignée des grands entretiens des Cahiers des jeunes plumes menés par son ami André Bazin. Ainsi, le cinéaste et critique a rencontré les plus grands réalisateurs de cinéma tout en se méfiant de la posture cinéphilique qu’il qualifie de nécrophile. Poète philosophe ayant une connaissance inspirée de l’art, André S. Labarthe ne cesse depuis une cinquantaine d’années, de faire des films sur le cinéma, la littérature, la danse et les arts plastiques.
Mardi 7 juin à 19h - En présence d’Estelle Fredet et d’André S. Labarthe
Il était une fois André S. Labarthe d’Estelle Fredet (France, 2009, 1h34)
Filmé dans l'univers de sa maison de campagne, André S. Labarthe prend le temps de développer une pensée méditative qui aborde les thèmes du temps, de la vitesse, de la mort, du réel, de la maîtrise, du hasard, de la manipulation, du montage, à partir de choses-idées (poire, verre, poupée, escargot, rat), objets d'une singulière collection en relation avec ses films, et où s'affirme sa prédilection pour Bellmer, Bataille, Valéry, avec des ruptures de rythme qui mettent en danger la forme de l'entretien : ainsi ce documentaire prend-il le risque de laisser transparaître les orageuses péripéties qui ont marqué le tournage.
André S. Labarthe, le travail de montage (comment montrer la souffrance) d’Isabelle Rèbre (2002, 6’42)
Cet extrait du documentaire André S. Labarthe, de la tête aux pieds présente le cinéaste travaillant au montage de son film sur Antonin Artaud. La séquence montre comment André S. Labarthe y exprime la souffrance à travers la représentation des pieds. Des extraits de ses films réalisés à partir de tableaux et de son documentaire sur la danseuse Sylvie Guillem illustrent sa recherche sur l'expression de la souffrance.
à 21h – En présence d’André S. Labarthe
Cinéma, Cinémas
La place aux rêves d’André S. Labarthe (1988, 5’)
Hommage au producteur Henry O. Selznick
Hitchcock s’explique d’André S. Labarthe (1965, 1ère partie 4’, 2nde partie 10’)
Alfred Hitchcock commente la fameuse scène du "champ de maïs" de North By Northwest - La Mort aux trousses.
CINEASTE DE NOTRE TEMPS
John Cassavetes d’A. S. Labarthe (1998, remontage de la version de 1969, 50’)
Lorsque nous le rencontrons, John Cassavetes est déjà l’auteur de trois films, Shadows, film indépendant réalisé à New York, puis Too Late Blues et A Child is Waiting, deux expériences hollywoodiennes qu’il juge désastreuses. Il vient de terminer le tournage de Faces dont le montage durera trois ans. C’est le film de la naissance d’un cinéaste que nous proposons. Trois ans plus tard, Faces est terminé et John Cassavetes fait une escale à Paris, en route pour le Festival de Venise. Ce n’est plus le même homme qui s’exprime, mais un homme mûri, qui se retourne sur lui-même et tire les leçons de son expérience. Un homme qui raconte l’Amérique, l’entreprise de Shadows – film de l’adolescence et de l’espoir – et celle de Faces – le film de l’âge mûr et du désenchantement. André S. Labarthe
Mercredi 8 juin
Voyageur en art à 18h - En présence d’André S. Labarthe
Rauschenberg, fragments d’un portrait d’André S. Labarthe (1968-70, 21’)
Personnalité de la peinture américaine contemporaine. Son oeuvre se situe au carrefour de trois tendances majeures : l'expressionisme abstrait, le pop, l'électronique.
à 18h30 - Conférence d’André S. Labarthe
« Un film pour un portrait d’artiste »
Le dispositif est moins une machine à mettre de l’ordre qu’un piège à attraper le hasard, à fixer ces petits détails qu’on pourrait trouver anodins, ou farfelus, ou anecdotiques, ou simplement idiots, mais qui sont, en fait, le tissu même du film qui est en train de se faire. Au fond, l’ennemi, c’est l’intention. Pour moi, la mise en scène est ce qui permet d’exterminer toute trace d’intention. Propos recueillis par Luc Lagier
à 19h30 - En présence d’André S. Labarthe
Blue Lady d’André S. Labarthe (d'après un ballet de Carolyn Carlson, 2008, 1h15)
Après avoir interprété Blue Lady en 1983 à Venise, Carolyn Carlson a décidé de transmettre sa chorégraphie en recréant le ballet pour la Biennale de la Danse à Lyon en 2008. Fascinée par la culture japonaise, l'idée d'inverser le genre pour l'interprétation s'est imposée. Elle a choisi Tero Saarinen dont l'apparence androgyne l'avait frappée. André S Labarthe, qui avait déjà suivi Carolyn Carlson en 1983, filme son travail de recréation et de transmission de sa chorégraphie.
Collectionneur de portraits de « Cinéastes, de notre temps »
Cette collection, inaugurée en 1964 par Janine Bazin et André S. Labarthe pour l’ORTF, repose sur un principe simple, ouvert à un traitement artistique fertile : un cinéaste convie un cinéaste à parler d’un autre cinéaste. L’invitation faite à Rafi Pitts (récemment auteur de The Hunter) de venir présenter, aux côtés d’André S. Labarthe, son portrait d’Abel Ferrara, réalisé en 2003, sera l’occasion de cerner les contours de la collaboration et la richesse de l’expérience.
à 21h
CINEASTES DE NOTRE TEMPS
Abel Ferrara : not Guilty de Rafi Pitts (2003, 1h20)
Déambulation nocturne dans New York à la poursuite d’un cinéaste toujours sur la brèche. « Il ne tient pas en place, interpelle tout le monde, s’enfuit dans un taxi, après avoir fait la causette avec des dealers blacks. New York et sa nuit appartiennent à Abel Ferrara, qui vire Quasimodo à casquette rose, vieille rock star déchue déblatérant, une bière à la main. Le portrait de Rafi Pitts n’est pas un docu avec extraits commentés (seulement deux courts extraits de Bad Lieutenant et New Rose Hotel). Il s’agit plutôt d’un work in progress. Ferrara au travail, à l’école de la vie, de sa propre vie : le studio où il met en place un clip (une vraie leçon de cinéma), et ses virées nocturnes à la recherche de filles, de drogue, de fric et de taxis qui veuillent bien le prendre, lui le mauvais payeur, l’éructeur, le cinéaste génial de The King of New York ou de Bad Lieutenant. » Antoine de Baecque, Libération, septembre 2003
Jeudi 9 juin à 18h30 - En présence d’André S. Labarthe
L’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours d’André S. Labarthe (Portrait d’Orson Welles, 1985, 1h50)
Une œuvre picaresque en forme de polar, dont Hollywood est le décor, le héros un réalisateur hongrois alcoolique, et l’enjeu une enquête sur les traces que Welles a laissées à Hollywood, parmi ceux qui l’ont connu. Pendant quinze ans, Janine Bazin et moi avons couru après un Orson Welles insaisissable que nous ne parvenions à localiser puis à sédentariser autour d’une table de restaurant que pour le voir s’enfuir en nous faisant la promesse que la prochaine fois... En dépit des interventions de Melville et de Truffaut il n’y a pas eu de prochaine fois. Il n’y a donc pas eu de Cinéma, de notre temps consacré à Orson Welles. Lorsqu’il meurt en 1985, j’ai pensé que cette fois il ne pourrait plus m’échapper. Mais je me heurtais à un dernier tour de prestidigitation : il s’était fait incinérer. André S. Labarthe
Expérimentation de la forme courte
Loin de toute volonté de promotion et de pédagogie, l’émission télévisuelle Cinéma, cinémas diffusée sur Antenne 2, donnait à voir, entre autres, de courts films aussi surprenants les uns que les autres, fondés sur un authentique et personnel rapport au cinéma souvent empreint d’émotion, de curiosité, osant la fiction en quelque sorte. Cette aventure à laquelle André S. Labarthe a participé fut interrompue au début des années 90. En initiant Blow-up, un magazine web dédié au cinéma, Luc Lagier, ancien rédacteur en chef de Courts-circuits pour Arte, prolonge-t-il cette aventure avec de nouveaux cinéastes ? Le Web est-il le dernier espace de diffusion pour ce type de création ?
à 21h - Rencontre André S. Labarthe et Luc Lagier
Cinéma, Cinémas
Adieu Rita (1987, 5’) / Le poids des mots (1987, 2’) / Isabelle H (1986, 5’) / Le choc des images (1987, 1’51) / Dépêches retardées /Polar / Deneuve, revue de détails (1984, 8’) / L’après Cannes (1985, 7’)
Courtes productions du blog Blow up (production Luc Lagier pour arte.tv)réalisées par Valérie Mréjen, Jean-Paul Civeyrac, Joseph Morder, Laëtitia Masson, Luc Moullet et Luc Lagier
Plus d’informations sur la manifestation incontournable de la semaine prochaine sur le site de la Villa Arson.
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