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Coming soon : Jonas Mekas / Walden


Poète et héros de la contre-culture américaine, Jonas Mekas, né en 1922 en Lituanie, est avec Walden l'inventeur du Journal filmé. Immense fresque du milieu artistique new-yorkais des années 60, Walden reste aujourd'hui un film essentiel.

«Depuis 1950, je tiens un journal filmé. Je me promène avec ma Bolex en réagissant à la réalité immédiate : situations, amis, New York, saisons. Certains jours je filme dix images, d'autres jours dix secondes, d'autres encore dix minutes, ou bien je ne filme rien. Walden contient le matériel tourné de 1964 à 1968 monté dans l'ordre chronologique. »Jonas Mekas

«Les films de Jonas Mekas célèbrent la vie, ils font oeuvre de résistance contre le monde envahissant de la marchandise et tentent de renouer avec les plaisirs que sont l'amitié, l'apparition de la première neige ou le retour du printemps. La génie de Jonas Mekas tient à cette générosité qu'il a de nous inclure dans sa vision du monde nous faisant ainsi (re)découvrir au détour d'une image, l'incroyable force et nécessité de la poésie.
»

Yann Beauvais



Dans les années 60, le cinéaste underground US organisait déjà la rencontre de Proust et de You Tube. Une ode à la mémoire.

Il existe encore quelques films majeurs de l’histoire du cinéma que personne ou presque n’a vus. Walden fait partie de ceux-là. Tourné entre 1964 et 1968, sorti en VHS en France en 1997, ce chef-d’œuvre de la contre-culture US, du cinéma dit “expérimental” et des images du XXe siècle en général est longtemps resté bloqué dans son écrin de bande magnétique. Son éditeur considérait qu’un DVD affaiblirait le grain si particulier d’un film de Jonas Mekas. Le débat semble clos et on ne regrettera pas d’avoir attendu une éternité. (Re)voir Walden aujourd’hui permet l’expérience d’un double mouvement, pas si contradictoire : retour aux sources et visite dans un futur dont on rêve.

Comme presque toute l’œuvre de ce pilier de l’underground new-yorkais, Walden est composé d’une copieuse agglomération (trois heures) de “haïkus visuels” tournés avec une caméra Bolex 16 millimètres, qui permettait arrêts sur image, ralentis, accélérés, surimpressions, le tout sans passer par l’étape du montage. Ce cinéma primitif, aux coutures naturelles, s’enfouit sous la peau du réel pour en tirer la lumière. Matrice du home-movie, Walden ne propose “ni tragédie, ni drame, ni suspense”, comme le clame la voix off quasi chantée. Saison après saison, Mekas filme son quotidien et le sublime grâce à son art stupéfiant du détail. Entre la Factory de Warhol, un concert du Velvet Underground featuring la fameuse danse du fouet de Gerard Malanga, un goûter d’anniversaire, une manif à Manhattan, une fleur tout juste éclose, un oiseau posé sur un banc, tout est filmé à égalité, ramené à sa condition essentielle : juste une image, que l’on pourrait presque toucher, que l’on voudrait habiter.

Une fois le tremblé épileptique assimilé (à l’heure de la caméra-téléphone portable, ce n’est pas difficile), Walden apparaît comme une ode déchirante à la mémoire, le mausolée d’une vie hantée par la perte. Le tout dans la plus grande atmosphère de joie possible. Allez comprendre.

Emigré de Lituanie avec sa famille dans les années 1940, Mekas a trouvé avec le cinéma un nouveau pays, comme il ne cesse de le clamer aujourd’hui encore à 86 ans. C’est pourquoi la moitié de son activité depuis les sixties, en plus de faire des films, a consisté à archiver ceux des autres dans le cadre de l’Anthology Film Archive, cinémathèque new-yorkaise de l’underground qu’il a créée. Pour tout cela, Jonas Mekas devrait aussi s’appeler Mister Memory.

On espère qu’il dépassera avec ce DVD le cercle habituel de ses fans, tant sa conception du cinéma épouse en toute simplicité l’ère YouTube. Mekas avait lui aussi eu l’idée, il y a plus de cinquante ans, de filmer le quotidien sur le vif. Mais avec un désir de beauté né chez Henry David Thoreau et Marcel Proust. Proust + YouTube ? Le futur, on vous dit.

Un livret de 150 pages contenant la traduction française des dialogues du film et des textes inédits de soixante auteurs, dont des protagonistes du film.


Olivier Joyard pour Les Inrockuptibles

prochainement disponible à la boutique

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