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Cabeza De Vaca | Mercury



L’explorateur espagnol Alvar Nuñez a marché pendant huit ans à travers l'Amérique jusqu’à la côte Pacifique du Mexique après avoir fait naufrage au large des côtes de la Floride en 1528. Il fut le premier européen à découvrir ces terres. Au cours de sa quête pour assurer sa survie, il vécut avec des tribus indiennes aujourd'hui disparues, fit l’apprentissage des secrets de leur vie mystique et accomplit des guérisons miraculeuses.

Grâce à ED distribution (éditeur des Bill Plympton, Guy Maddin et des frères Quay en dvd), nous avons la chance de découvrir au Mercury et ce pour 2 séances exceptionnelles, le film Cabeza De Vaca. Datant de 1991, l'oeuvre de Nicolas Echevarria découvre enfin les écrans français après avoir eu du succès dans divers festivals alors ne passez pas à côté de cette pépite !

Retrouvez tooute la revue de presse du film sur le site d'ED distribution.

> Vendredi 21 janvier 2011 à 20h30
> Dimanche 23 janvier 2011 à 21h00

Quelles critiques :

Les aléas de la distribution ont retardé de presque vingt ans la sortie française de ce film, dont la première vertu est de nous enseigner un pan méconnu de l’histoire coloniale.
Nous sommes au milieu du XVIe siècle, à l’époque des conquistadors. Voulant gagner la Floride, une expédition espagnole se fait massacrer par les Indiens, six cents hommes y laissant leur vie, transpercés par les flèches. Une poignée de survivants échoue finalement en Louisiane, avec à leur tête Alvar Núñez, trésorier de l’expédition, dit “Cabeza de Vaca” (tête de vache). Depuis la Louisiane, ils vont errer vers l’ouest, de part et d’autre de ce qui sera la frontière américano-mexicaine, au gré de leurs rencontres avec les tribus indiennes.
Plutôt que s’entêter dans la confrontation, Núñez va petit à petit apprendre la culture indigène, puis l’adopter, devenant guérisseur, et le seul conquistador de l’histoire passé côté indigène. C’est cette équipée initiatique soustendue par un éloge de l’altérité et une critique des conquêtes impériales que raconte Nicolás Echevarría.
Si les premières scènes du film laissent entrevoir un film d’aventures à grand spectacle, c’est une fausse piste. Cabeza de Vaca est dominé par des scènes intimistes avec peu de personnages, des décors naturels, un montage long, charriant une force d’incarnation et une vérité de nature quasi documentaire, ce qui est logique puisque Echevarría venait du documentaire avant de tournercette première fiction.
On est plus proche de la vision d’un Werner Herzog ou du cinéma ethnographique que d’une fresque hollywoodienne avec sa dimension plus ou moins prononcée de kitsch et d’artificialité, même si la thématique fait penser à Danse avec les loups de Kevin Costner. Les scènes de guérison et de chamanisme sont particulièrement saisissantes. Le paradoxe de ce rendu vériste est que Cabeza de Vaca est une fiction à budget important.
Au poste maquillage, on retrouve d’ailleurs Guillermo del Toro, future star du cinéma hispanique. Echevarría et son équipe ont trouvé le juste équilibre entre le spectacle et sa mise au service du sujet et des personnages. Dans la dernière partie, Núñez et ses compagnons sont retrouvés par une autre expédition espagnole. Le personnage s’est complètement attaché à sa nouvelle famille indienne tout en prenant pleinement conscience de la sauvagerie de son pays d’origine, tel un hippie bien foncedé qui refuserait de retourner bosser à la banque.
Le vrai Núñez a fini par rentrer en Espagne, publiant ses rapports ethnographiques, puis s’éteignant à Séville en 1559. Quand à Nicolás Echevarría, on n’en a plus entendu parler, du moins de ce côté des Pyrénées. Raison de plus pour découvrir cet objet filmique non indentifié bienvenu : malgré ses 20 ans, sa beauté singulière et son propos sont sans âge..


Serge Kaganski pour Les Inrocks

Stupéfiante aventure que celle d'Alvar Nunez Cabeza d'Espagne, qui après avoir fait naufrage en 1528 au large de la Floride avec une armada d'explorateurs, ne retrouva des conquistadorres compatriotes qu'au bout de huit ans, après avoir traversé l'Amérique jusqu'à proximité de la côte Pacifique. Le parallèle s'impose avec la destinée française du film de Nicolas Echevarria, documentariste et ethnologue mexicain qui décida, pour sa première fiction, d'adapter la Relation de voyage de l'explorateur à l'aube des années 90. Montré et applaudi en festival, loué aux Etats-Unis, le film ne connut pas de distribution chez nous, et nous devons aujourd'hui le plaisir de sa découverte qu'à la capacité sagacité des distributeurs de ED, en quête depuis lors de la disponibilité des droits.
si la comparaison s'impose avec le cinéma d'Herzog, il n'en reste pas moins que le Cabeza du cinéaste mexicain est le reflet inversé du personnage d'Aguirre. A l'ange exterminateur se substitue l'errance hallucinée d'un naufragé qui, d'abord esclave, se fondit, à son corps défendant, à la vie des autochtones au point de devenir une figure mystique et chamanique respectée par toutes les tribus rencontrées en chemin. La force du film, formidablement cadré et presque toujours tourné à hauteur d'homme, est de mise sur la lenteur et l'empathie, sans aucun artifice de post-production. Au point que le le colonialisme destructeur qui finit évidemment par ressurgir sera vécu comme un arrachement par le personnage et par le spectateur. Et que le sidérant plan final d'un croix gigantesque porté par une foule à travers un désert fera définitivement coïncidé fantasme et réalité historique.


Thierry Méranger pour les Cahiers du cinéma #662, page 45 (décembre 2010)

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