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Cinémathèque de Nice : Jean Marais (et Jean Cocteau)

Consacrer une rétrospective à Jean Marais est en soi évoquer l'une des passions artistiques les plus belles et émouvantes du cinéma français, la rencontre entre un acteur et un artiste, Jean Cocteau. Si la cinémathèque de Nice propose bien évidemment les grands films de ce couple de légende, elle y adjoint ses rôles populaires qui sauront l’imposé au grand public.

Voici notre sélection accompagné d'anecdotes issues du livre Jean Marais, Histoire de ma vie.

L’ÉTERNEL RETOUR / Jean Delannoy / 1943


L'éternel Retour commence. J'étais payé, mal, car Paulvé avait repris l'ancien contrat de Juliette ou la clef des songes. Mais j'aimais tant ce film que j'aurais payé pour le faire. En revanche, Moulou, que Jean pour son rôle avait baptisé "Moulouk" (chien de Jean Marais, ndr) était bien payé. [...] Jean (Cocteau, ndr) n'était pas avec nous. Il mettait en scène Renaud et Armide au Français. Il vint nous rejoindre deux semaines plus tard. Delannoy faisait un très bon travail. Nous étions tous ravis des projections. Les photos d'Hubert étaient raffinées et belles. J'avais de plus la joie de tourner avec des personnes que j'aimais : Yvonne de Bray, qui n'avait accepté que par amitié de jouer un rôle pas fait pour elle, Roland Toutain, Madeleine Sologne, Moulouk.[...] Lorsque Jean vint nous rejoindre, après le très grand succès de Renaud et Armide, rien ne changea dans notre travail. Il assistait aux prises de vues sans se mêler de la mise en scène. Il demanda seulement deux choses : d'enlever une reproduction de "La Laitière" de Greuze, ainsi qu'un abat-jour trop froufroutant, trop bourgeois. Rien d'autre, mais ses ondes agissaient et tout prit un autre style. Sans nous en apercevoir, nous jouions autrement; Jean Delannoy dirigeait autrement, la lumière était devenue différente.
[...] L'éternel Retour remporte un triomphe. A l'image finale, toute la salle se lève et acclame. [...] Le succès du film augmente de jour en jour. La queue devant le cinéma s'étend jusqu'au Rond-Point. Une atmosphère de petite émeute : des femmes s'évanouissent. On appelle police-secours. On organise des services d'ordre. Le téléphone n'arrête pas de sonner à la maison. Les critiques : "Malgré Jean Cocteau et Jean Marais le film est admirable".

> mercredi 6 février 2013 à 14h00
> vendredi 8 février 2013 à 17h30

LA BELLE ET LA BÊTE / Jean Cocteau / 1946


Jean voulait tourner La Belle et la Bête. Il obtint du général Leclerc de me dispenser de ce repos dans l'Indre. Je revins à Paris comme affecté spécial. Toutes les semaines,j'allais signer aux Invalides une feuille attestant ma présence à Paris. [...] J'avais imaginé une bête à tête de cerf. Je ne pensais qu'à la beauté des bois. Bérard (décorateur, ndr) expliqua que ce ne pouvait pas être un herbivore; mais un carnassier. Les cornes, mêmes les magnifiques bois d'un cerf, feraient rire les salles populaires. La bête doit effrayer. Il avait raison. De mon côté, j'allais chez Pontet, un grand perruquier. Jean et moi, nous l'avons décidé à confectionner le masque. [...]
Cent obstacles se dressaient devant la réalisation de ce chef-d’œuvre. Le manque d'électricité nous obligeait à tourner la nuit. Les Labédoyère refusaient leur parc pour les extérieurs du château de la Bête. On trouvait avec difficulté de la pellicule. Mila (Parely, ndr) eut un accident de cheval, une fluxion; moi, un anthrax. Le pire fut la maladie de Jean : depuis des mois, il souffrait de plusieurs affections de la peau. Pendant le film, il eut presque en même temps de l'impétigo, de l'urticaire, de l'eczéma, des furoncles, des anthrax et un phlegmon. Les sunlights le blessaient. Il ne pouvait plus se raser. Il travailler avec un chapeau sur lequel il fixait avec des épingles à linge un papier noir percé de deux trous pour les yeux.
> samedi 9 février à 14h00
> mercredi 13 février à 16h00

ORPHEE / Jean Cocteau / 1949


"Jean écrit Orphée et me le lit. Cette œuvre renferme toute la mythologie de Jean. Ce scénario était plus qu'un scénario : une oeuvre poétique importante. Je le lui dis. Et aussi que j'aimais tant ce film que j'accepterais d'y être figurant. D'ailleurs, il y avait deux rôles :Orphée et Heurtebise. Je pouvais jouer Heurtebise. Jean ne demandais pas mieux. Il envoie le scénario à Jean-Pierre (Aumont, ndr) et lui demande s'il accepterait que je joue le second rôle. Jean-Pierre répond que pour son retour en France cela le gênerait que joue à ses côtés. Jean m'en parle. Je me résigne avec tristesse à ne pas faire partie de ce que je considérais comme l'oeuvre cinématographique de Jean la plus importante. Mais mon destin travaille. Jean porte son scénario à M. Decharme qui croit qu'on se moque de lui, que Jean a vite bâclé n'importe quoi pour toucher la seconde partie de la somme. il ne comprend rien à une oeuvre si différente de celles qu'il a l'habitude de lire. Il rompt le contrat et le télégraphie à Jean-Pierre qu'il ne fait pas le film.
Jean se désespère. Il est à tel point possédé par son sujet que c'est un drame pour lui de ne pas pouvoir le réaliser. Nous assistons à un tel désespoir que tous ses amis essayent de l'aider. Surtout mon impresario et amie qui est également le sien. Cette amie, Mme Watier, ne trouve qu'un moyen : que Jean soit son propre producteur, associé aux interprètes avec un producteur délégué qui sera une fois de plus Paulvé.
> jeudi 7 février à 20h00
> vendredi 8 février à 15h45

Orphée est disponible en dvd sur theendstore.com

Retrouvez toute la programmation sur le site internet de la Cinémathèque de Nice.

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