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Rétro-viseur : Lilith (1964)

L'un des plaisirs de ce blog et de la boutique (jadis physique mais aujourd'hui virtuelle) a toujours été de partager des films oubliés, d'échanger "nos" petits secrets de cinéphiles, ces films qui laissent en nous des traces indélébiles faisant résonances à notre moi profond. Voici l'ambition de ce blog comme de notre rubrique le "Rétro-viseur".

Aujourd'hui, penchons-nous sur le dernier film de Robert Rossen (1908-1966), Lilith, adaptation de l'ouvrage éponyme signé J.R. Salamanca avec une critique d'Olivier Père. Journaliste aux Inrocks et jadis programmateur à la Cinémathèque de Paris, Olivier Père, à l'instar d'un Jean-Baptiste Thoret, témoigne d'un attachement aussi bien pour les grands classiques que pour les films de genre. Bien souvent c'était lui qui se chargeait dans les pages de l' hebdomadaire culturel des critique de giallo, des films nippons et autres cinéma des marges. Depuis, Olivier Père, après un passage à la Quinzaine des réalisateurs, est devenu le directeur du festival de Locarno en Suisse.


Chef-d’œuvre secret du cinéma américain, Lilith est le testament poétique et bouleversant de Robert Rossen.

Aux antipodes de la folie baroque de Shock corridor, de la folie décorative de La Toile d’araignée ou de la folie allégorique de Vol au-dessus d’un nid de coucou, il faut redécouvrir la folie de Lilith, un des chefs-d’œuvre les plus secrets du cinéma américain, dont la ressortie providentielle devrait élargir les rangs de ses trop rares admirateurs. Avec ce film, maudit aux États-Unis, encensé par la critique en France, Robert Rossen terminait prématurément sa carrière. Cet ancien scénariste avait signé plusieurs bons films (Sang et or, Les Fous du roi, L’Arnaqueur) qui ne laissaient en aucun cas présager un aussi bouleversant testament cinématographique (Rossen, gravement malade, devait mourir deux ans après la sortie de Lilith, à l’âge de 57 ans).


Lilith raconte l’histoire de Vincent, un jeune homme indécis et perturbé (il revient de la guerre et vit dans le souvenir de sa mère morte alors qu’il était encore enfant) qui se fait embaucher comme aide-soignant dans une clinique psychiatrique. Vincent ne tarde pas à tomber amoureux d’une jeune patiente schizophrène, Lilith, et découvre que cette dernière entretient des relations sexuelles indifférenciées avec d’autres malades et aime séduire les petits garçons. La fréquentation intime de l’univers de la folie et cette tragique déception amoureuse achèveront de déstabiliser Vincent, jusqu’au dénouement du film, unhappy end assez traumatisante dans sa logique abrupte. Chronique provinciale, description d’une institution psychiatrique, délicate histoire d’amour, Lilith est surtout une tentative de cinéma poétique à contre-courant de la production américaine. Si, à la même époque, le “cinéma de poésie” de Bergman, Pasolini, Resnais s’épanouit en Europe, le film de Rossen, qui ne doit rien à personne, demeure profondément marginal et unique trente-quatre ans après sa réalisation. Car malgré son approche de thèmes sexuels scabreux, Lilith délaisse les sentiers battus de la vulgarisation psychanalytique ou du film à thèse pour s’engager sur les chemins rarement explorés au cinéma de la peinture de l’inconscient.


Lilith n’est jamais théorique ou abstrait mais au contraire sensuel, porté par des acteurs en état de grâce. Les rares étreintes heureuses du couple se déroulent dans des paysages lumineux de forêts et de rivières, et leurs corps mêlés se fondent dans la nature, grâce à de magnifiques surimpressions et fondus enchaînés. Le film baigne ainsi dans un climat envoûtant et trouble, mélange de réalisme et d’onirisme, à mille lieues des clichés hollywoodiens sur la maladie mentale. Au cœur du film, la jeunesse et la beauté extraordinaires de Jean Seberg et Warren Beatty (et la présence fragile du débutant Peter Fonda) viennent souligner la modernité de Lilith, film fou sur l’amour, film d’amour sur la folie.
Olivier Père in Les Inrockuptibles


Toujours inédit en France en dvd, nous avons le plaisir de proposer le film sur theendstore.com grâce à l'import. Proposé en version anglaise sous-titré anglais (ou dans une des très nombreuses langues disponibles), le dvd ne comporte aucun supplément, pas même une bande-annonce. Espérons qu'un éditeur français se décide à proposer cette œuvre méconnue d'un réalisateur oublié.







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