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Lech Kowalski, cinéma à vif

Si le nom propre Kowalski était un mot commun, celui-ci pourrait vous rapporter 25 points minimum au scrabble.
Mais Lech Kowalski n'est pas commun et a trainé sa caméra dans les caniveaux de l'underground. Témoin privilégié de la naissance de la contre culture américaine, d'un cinéma d'avant garde forgé à coup de réalisme violent, le cinéma de Kowalski sera présenté à la Villa Arson mercredi 4 juin 2014 en sa présence dans le cadre d'une programmation "Cinéma contemporain, au vif".

En 2010, la Cinémathèque française proposait une rétrospective de son travail. Voici le texte de Nicole Brenez présentant le cinéaste :

Lech Kowalski, une émeute à lui tout seul
L'œuvre de Lech Kowalski, formé à l'Ecole d'Arts Visuels de New York, assistant de Shirley Clarke puis de Nam June Paik, accomplit l'idéal d'un cinéma populaire, c'est-à-dire par et pour le peuple, recueillant les manifestations emblématiques de l'énergie expressive en fusion que libèrent les colères, les désirs et les désespoirs contemporains. Son travail couvre trente ans d'histoire de la contre-culture, plusieurs continents et nombre des figures de la marginalité : musiciens, porn-stars, prostituées, junkies, mercenaires, sans-abris, clandestins, anciens prisonniers, tziganes... On y trouve même un cinéphile (Peter Scarlet en 2003, s'efforçant de ranimer le cinéma en Afghanistan). Commencée à l'écoute fraternelle des exorcismes punk (Johnny Thunders, les Ramones, les Sex Pistols), avec une brève mais splendide incursion dans l'émergence du hip hop (Breakdance Test), l'œuvre s'élargit progressivement aux situations et révoltes collectives pourvu qu'elles restent aussi rugueuses et spontanées que les prestations vocales d'un Joey Ramone à ses débuts. Lech Kowalski incarne en cinéma le mouvement punk : excitation maximale à la rencontre de singularités inassimilables qui obligeront le grand corps social inerte à se déplacer lentement, face à face extralucide avec la misère (sociale, mentale, sexuelle...), refus de la préservation de soi, foudroyante crudité stylistique, le trash comme résurrection critique du naturalisme. L'art non comme produit émouvant mais comme émeute productive. Cela nous vaut quelques films désormais fameux : D.0.A. (1981, sur la tournée des Sex Pistols aux Etats-Unis), On Hitler's Highway (2002, rencontres de laissés pour compte au long d'une autoroute construite par les nazis et qui mène à Auschwitz), À l'Est du Paradis (2005, portrait de sa mère déportée en Sibérie et autoportrait de l'artiste en déviant américain) et bien d'autres classiques instantanés. Avec quelques complices, en 2008 Lech Kowalski crée l'entreprise Camera War, usage exemplaire des possibilités logistiques et esthétiques actuelles en matière de guérilla visuelle. (camerawar.tv). "Chacun est en recherche d'une expérience mieux partagée, pure et délivrée des intérêts financiers. La montée de l'activité, de la créativité et de la rébellion à laquelle nous avons assisté en 2008 et 2009 partout dans le monde est une part de la guerre en cours. La fabrique de la propagande et de la publicité ne fonctionne plus aussi bien qu'auparavant. Les corporations paniquent. Les peuples le sentent et s'agitent. Voyons où cette énergie sans repos va nous mener." (Lech Kowalski, 2010). Grand événement le 5 novembre : en compagnie de Mimetic, Lech Kowalski se livre à un mix en direct qui constitue le lancement de son prochain projet filmique, une fresque intitulée "The End of the World Starts With One Lie".

Nicole Brenez / Cinémathèque Française
WINNERS AND LOSERS / 2007

La finale de la coupe du monde de football de 2006 opposant l'Italie à la France, rendue célèbre par le très médiatisé coup de tête de Zidane à Materazzi, est filmée dans le dernier documentaire de Lech Kowalski sans jamais montrer les joueurs, du côté des acteurs invisibles et pourtant indispensables au succès d'un tel événement: les supporters.
Ces derniers sont présentés entre Rome et Paris, dans leurs maisons, dans les cafés, dans les stades regardant le match sur un écran. Véritables miroirs de la société moderne, ces nouvelles stars suivies pendant la finale, sont dépeintes dans toute leur complexité dans un quotidien bien particulier.
Au-delà de la tension, du nationalisme provoqué par un tel événement, de l'enthousiasme ou de l'agressivité, Winners and Losers aborde la nature humaine avec beaucoup de tendresse, d'humour et de réalisme
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> mercredi 4 juin à 19h00

HOLY FIELD, HOLY WAR /2014

Partout dans le monde, les petits agriculteurs sont menacés. Leur lutte pour survivre se fait loin des caméras et des médias.
En Pologne, un pays où plus de 60% de la surface est occupée par l’agriculture, de nouveaux acteurs sont en compétition pour s’accaparer les terres. Ce qui se passe en Pologne est un avertissement à prendre au sérieux

> mercredi 4 juin à 21h00

Ces deux films sont inédits en dvd.

Seulement trois films de Lech Kowalski sont disponibles en dvd :


Cracovie, un petit groupe de punks fabrique des chaussures en cuir pour survivre, mais aussi pour fouler le sol des rues comme bon lui semble. Le film nous plonge rapidement en noir et blanc dans ce petit microcosme qui se crée ses propres règles, tout en s’inscrivant dans le système qu’il rejette. Sans aucun commentaire, le cinéaste Lech Kowalski suit la petite entreprise artisanale dans son quotidien rythmé par les coups des marteaux et les chansons anarchistes. Les rapports se tissent, entre machines d’atelier et guitares électriques, entre aiguilles à coudre et seringues. Petit à petit la fabrique se perfectionne, les vies s’organisent, le film retrouve alors la couleur dans une deuxième partie où certains changements se font sentir. La caméra se promène, discrète mais toujours totalement immergée dans les événements. Elle ose le très gros plan, n’hésitant pas à mettre en évidence les aspérités du cuir et les cicatrices de la peau. Les images sont tactiles, tout se ressent.
The Boot Factory nous confronte de manière directe avec le réel, dans un rapport de proximité parfois poussé à l’extrême. Le film traduit la brutalité des situations par ses mouvements de caméra inattendus et ses brusques changements de point de vue. Les bruits sont incisifs, la musique envahissante, les plans s’assemblent et s’entrechoquent. Tout fait de ce film un produit brut. Pourtant, derrière l’apparente spontanéité des images se cache une réelle maîtrise cinématographique. Lech Kowalski observe de manière très intime ce qui se fait et se défait sous ses yeux tout en gardant la distance nécessaire. Il réussit habilement à filmer les pas des protagonistes, n’oubliant pas qu’il est aussi important de filmer les empreintes qu’ils laissent derrière eux.



Début des années 80, le Lower East Side à New York. Ici gît, sous un préau de fortune et dans un terrain vague boueux, une cantine tenue par des sans-abri, coincée entre des immeubles carbonisés et une longue haie de grillages. Une femme coiffée d'un képi et un quinquagénaire barbu portant un haut-de-forme aux couleurs des États-Unis, s'affairent autour d'une vaste cuve où mijote la soupe... La fameuse «soupe aux cailloux» décrite par la fable, préparée à partir d'aliments chapardés, négociés auprès des restaurateurs, donnés par des voisins et cuite grâce à du bois récupéré dans la rue. Des clients, jeunes et immigrés pour la plupart, parfois drogués, viennent chercher ici de quoi survivre ainsi qu'un peu de réconfort. Un refuge cependant condamné à disparaître, à être remplacé par des logements pour personnes âgées démunies. À l'heure des négociations avec les autorités, le débat est houleux et dégénère. Sous le regard gêné des conseillers, vieilles dames et jeunes sans-abri s'affrontent, haranguent le public... À la manière du cinéma direct de Wiseman, l'empathie en plus, Lech Kowalski filme avec une sympathie non dissimulée et un réalisme imposé, une marginalité qui s'organise, ce fameux vœu pieu anarchiste confronté à l'ordre gouvernemental. D'un noir et blanc soigné au cadre parfaitement maîtrisé, Rock Soup tranche sur l'esthétique habituelle du réalisateur, tout en préservant son regard si particulier, partagé entre romantisme révolutionnaire et pragmatisme désabusé.


C’est en 1974 à New York que se forme l’un des groupes mythiques de la scène punk-rock, les Ramones. Avec leurs jeans déchirés, leurs blousons en cuir noir et leurs riffs insistants, ils furent les pionniers du mouvement, et lui gagnèrent ses lettres de noblesse. En 1989, Dee Dee Ramone, bassiste du groupe et l’un de ses membres fondateurs, quitte les Ramones et se lance dans une carrière solo, avant de les retrouver brièvement à la fin des années 90.
Dans Hey Is Dee Dee Home, Lech Kowalski réalise une interview de celui qui composa les plus grands morceaux des Ramones. Filmé en plans fixes, assis seul au milieu des ténèbres, la vulnérabilité de cette figure légendaire du rock estencore accentuée par un éclairage qui creuse les traits de son visage. Dee Dee nous livre les démons d’une vie faite d’extrêmes, et dresse le portrait de l’univers de la punk, très sex, drug and rock’n’roll. À travers le catalogue de ses nombreux tatouages, chacun relié à un événement marquant, il revient sur sa carrière, ses amis musiciens, son naufrage dans la drogue et ses tentatives pour en sortir.
À la fin de l’interview, les applaudissements de l’équipe de tournage sortent Dee Dee de sa solitude et le ramènent parmi les vivants. Ce répit ne sera pourtant que de courte durée, puisqu’il sera retrouvé mort quelques semaines plus tard, victime d’une overdose d’héroïne.

source : L’Éclat / Lech Kowalski / La Cinémathèque française

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