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Masao Adachi, cinéaste révolutionaire

En 1998, L'étrange Festival permettait à toute une génération de découvrir Koji Wakamatsu alors connu par une poignée de cinéphile biberonné à la revue Midi Minuit Fantastique. Par cette exhumation fondamentale pour la compréhension d'un certain cinéma indépendant japonais, le nom de Masao Adachi (scénariste sur de nombreuses oeuvres de Wakamatsu) refaisait également surface. Depuis, Wakamatsu a retrouvé une visibilité en France à travers la réédition de ces principaux films des années 60 et 70 (en vente sur theendstore.com) ainsi que ces derniers longs qui ont connu une distribution salle (United Red Army, Le Soldat Dieu et on espère celui sur Mishima). Mieux en 2010, le cinéaste révolté a connu une rétrospective à la Cinémathèque de Paris. En parallèle un focus de douze longs-métrage de Masao Adachi était proposé.

Présentation du cycle Adachi à la Cinémathèque de Paris par Nicole Brenez

Expérimentation plastique et formelle, travail sur les dispositifs de création et de diffusion, réflexions théoriques sur les styles et fonctions du cinéma, pratique révolutionnaire de terrain, défense de ses pairs contre leur licenciement ou leur censure (Seijun Suzuki), analyses du travail de ses compagnons (Kôji Wakamatsu, Nagisa Oshima...) ou sources d'inspiration (Jean-Luc Godard, Glauber Rocha, Billie Holiday...), il est peu de sens du terme avant-garde dont le trajet de Masao Adachi ne rende compte. Son biographe, l'historien Go Hirasawa, résume ce parcours exceptionnel et méconnu : "Né à Fukuoka en 1939, Masao Adachi entre au Département des Beaux-Arts de la Nihon University en 1959, où il suit le cursus d'Etudes cinématographiques. Il participe à la restructuration du Nihon University Film Study Group – groupe en pointe non seulement dans le champ du cinéma universitaire mais dans le cinéma expérimental en général – et réalise dans ce cadre des films très remarqués à l'époque, Wan [Bowl, 1961] et Sain [Closed Vagina, 1963]. Simultanément, en association avec le VAN Institute for Cinematic Science, Masao Adachi travaille avec un grand nombre d'artistes et organise une performance intitulée Sa-in no Gi [The Ceremony of Closed Vagina]. Il collabore au Film Independent, projections collectives des travaux de cinéastes indépendants, puis rejoint Wakamatsu Production.

Tout en réalisant ses propres films, Masao Adachi écrit plusieurs scénarios pour Kôji Wakamatsu et produit aussi de façon indépendante son Galaxy (1967). En 1968, il joue dans deux films de Nagisa Oshima : La Pendaison et Le Retour des trois soûlards. En 1971, avec Oshima et Wakamatsu, Adachi est invité par la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes. En rentrant au Japon, il décide de faire un détour par la Palestine et y produit un film de contre-information internationaliste, The Red Army/PFLP: Declaration of World War, coproduit par le FPLP et des membres de l'Armée Rouge Japonaise, parmi lesquels Shigenobu Fusako. En tant qu'activiste, Adachi a conçu et pratiqué plusieurs théories du cinéma, au sujet tant de l'esthétique que de la forme des projections. En 1974, il quitte le Japon et se consacre à la Révolution palestinienne. Ses activités restent alors clandestines, jusqu'à ce qu'en 1997, il soit arrêté et incarcéré au Liban. En 2001, Adachi est extradé au Japon où, après deux ans d'emprisonnement, il est libéré mais reste toujours interdit de sortie de territoire. À présent, Adachi prépare un nouveau film intitulé Thirteenth Month of the Year et élabore une nouvelle théorie du cinéma."

Tout au long de sa vie, Masao Adachi a rédigé de nombreux articles et manifestes consacrés au cinéma et à la politique et a publié trois ouvrages : Stratégie, Cinéma/Révolution et un recueil de ses dessins de prison. Un choix de ses textes sera publié en français par les éditions Rouge profond en 2011.


Finalement, l'ouvrage sortira le mois prochain et sera prochainement disponible sur theendstore.com



« En tant que créateurs, nous possédons d’une part la fermeté, la ténacité et l’hétérogénéité du corail et, de l’autre, la capacité de croissance des plantes héliotropes. » (1967).

Cinéaste révolutionnaire en lutte contre l’impérialisme, Masao Adachi a rédigé de nombreux écrits accompagnant son trajet engagé, dont presque trois décennies se déroulèrent dans la clandestinité et une part en prison : manifestes, chroniques, journaux, analyses de films « frères » (Kôji Wakamatsu, Nagisa Ôshima, Jean-Luc Godard, Glauber Rocha, R. W. Fassbinder…). Il s’y déploie une théorie de l’art comme action et une théorie de l’activisme soucieuse d’expérimenter en toutes choses et en tous lieux, dans les rapports avec autrui, dans les gestes de luttes, dans les usages de la langue. Rarement trajet de cinéaste fut plus radical, inventif et fidèle à ses idéaux d’émancipation. Auteur de chefs-d’œuvre (A.k.a Serial Killer, Prière d’éjaculation, Armée Rouge/FPLP : Déclaration de guerre mondiale…), Masao Adachi reste à ce jour interdit de sortie de territoire au Japon.
« Je ne me considère pas moi-même comme un hérétique. Mais si l’on observe objectivement la place de mes œuvres, du point de vue de leur contenu, on peut les situer dans les extrêmes. » (2010)


Maintenant, il ne reste plus qu'un éditeur courageux se décide à sortir ses réalisations.

256 pages | 23 euro

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