En septembre 2010, L'étrange Festival de Paris offrait une carte blanche au réalisateur Lionel Soukaz. L'occasion de découvrir les racines de son cinéma et un de ses rares longs métrages, Le sexe des anges (1976).
Le 25 avril prochain à Nice, le festival In & Out rendra hommage à ce cinéaste français précurseur des premiers films ouvertement homosexuel. Une soirée exceptionnelle pour découvrir en sa présence un cinéma frondeur, marginal, précieux, donc indispensable. Avant de présenter les quatre oeuvres qui seront projetés, retour sur Lionel Soukaz par le philosophe René Scherer.« Une partie de mon archéologie. Il y a Genet bien sûr et Kenneth Anger mais aussi Pierre Molinier, encore trop méconnu, dont les autoportraits vont influencer le Body Art naissant avec Michel Journiac entre autres... Molinier filmé par ses amis Borde et Bouyxou, dignes héritiers du génial artiste, et les jambes de Molinier et les masques l'ombre et la lumière. Cette lumière de la libération sexuelle, des minorités, des particularités, des libertés réclamées, déclinées, irradiées, à venir. En matière d'art ou de mœurs, il n'y a pas de progrès mais des va-et-vient. Cette période des années 70 fut un grand aller, élan interrompu mais à renaître... »Lionel Soukaz
« Auteur rare et secret, Lionel Soukaz restera toujours certainement du côté de cet art qui n’a pas besoin de consensus et s’en offenserait plutôt. Non qu’il recherche la difficulté ou l’hermétisme, mais parce qu’il refuse toute censure et surtout toute autocensure qui déjà, dès avant la réalisation, est une entrave à l’élan, à l’envol. (...) Auteur secret, peu projeté, peu connu. C’est là sa gloire et le bonheur de qui le découvre. Surtout aujourd’hui, peut-être, maintenant que les années de fièvre et de ferveur créatrices sont derrière nous et que voici venu le temps des normalisations, y compris celle de l’anormal, et celui des désabusements. Alors, c’est avec stupeur puis jubilation qu’on reçoit en pleine figure ces feux d’artifice, ces coups de poing. De ces incandescences du désir, il y a un foyer, dans ces glaces de voyages sans retour, des pôles, dans ces déserts de l’amour, des lignes de fuite. Et je les trouve, sans trop les chercher, dans l’éblouissante trilogie que composent, autour des années 80 Ixe (1980), Maman que man (1982), Race d’Ep (1979). À quoi il faudra ajouter, comme arrière-fond, source et constant répertoire les Boys Friends et Le Sexe des anges (1975-1977) foisonnants d’émois érotiques, et, comme mise au point, signature, prolongements dans le temps pour comprendre et se souvenir, les plus récents travaux de l’an 2000, Journal vidéo, Vivre halluciné, Amor, Vers l’Inde, cette dernière, extraordinaire méditation abstraite. »René Scherer
RACE D’EP (1979)
de Lionel Soukaz et Guy Hocquenghem
Race d’Ep ! propose un voyage en quatre histoires autour des archétypes de l’inconscient gay. 1900, le Temps de la pose qui évoque les souvenirs d’un riche baron allemand photographiant des éphèbes dénudée. Puis 1930 et le Berlin des années folles avec le récit de la secrétaire lesbienne du Dr Magnus Hirschfeld, fondateur de l’institut de sexologie. Suivent les Années 60 dans un Éden hippie pour « jeunes-hommes-fleurs» et enfin les Années 70 avec Royal Opéra qui suit les déambulations nocturnes de deux hommes sur les berges de la Seine pour une nuit de drague.
Film culte de Lionel Soukaz, écrit et joué par Guy Hocquenghem, Race d'Ep (pédéraste en verlan) fut jugé scandaleux lors de sa sortie et classé X. Le soutien de nombreux artistes et intellectuels tels que Michel Foucault, Roland Barthes, Copi, Gilles Châtelet et Gilles Deleuze permit qu’il soit toute de même projeté dans une version expurgée. « Race d’Ep ! est nécessaire, faisant comprendre qu’il n’est, dans l’histoire, jamais d’acquis, que l’homosexualité est toujours une révolte, non un état, que son désir ne vit que d’affirmation conquérante et ne permet jamais l’installation»René Scherer
> mercredi 25 avril à 19h00 à la Villa Arson
Le film sera précédé du court-métrage La Marche gay de Washington (1979) :
Les homosexuels de toute l'Amérique convergent à Washington pour la première marche fédérale de leur mouvement. Sous ces allure bon enfant, cette parade est, pour la première fois, un mouvement immense et fort, à l'échelle du pays, permettant à un peuple qui réclame ses droits.
LE SEXE DES ANGES (1976)
de Lionel Soukaz
Dans le Paris des années 70, Bruno n'aspire qu'à aimer et être aimée, au gré des rencontres. Si l’homosexualité adolescente (majorité à 21 ans oblige) n’est pas censée exister, les anges ont pourtant un sexe et sont bien décidés à le prouver. Tourné en 16mm pour contourner la censure, le film est un témoignage précieux sur une époque, pas si lointaine, où malgré les interdit la libération sexuelle battait son plein. Peinture solaire truffée de symboles, c’est un cri de liberté, une ode aux amours masculines et à la beauté de la jeunesse.
MAMAN QUE MAN (1982)
de Lionel SOUKAZ
Au commencement, il y a une voix qui s’adresse à une mère : "Maman, j’ai peur, tu voulais pas que je fasse du cinéma (...), tu pensais que c'était pas un monde pour moi le cinéma, un truc de fils de riches, un rêve d’enfant". Avec Maman que man, fabuleux témoignage sur une époque, Lionel Soukaz nous transporte dans un tourbillon d’expériences, de sensations, d’émotions et de fulgurances : si la mère manque - que man en verlan - elle ne cesse de brûler - quemar en espagnol - comme une piéta précieuse.
Avec ce programme, In & Out comble le vide vidéographique dans lequel l’œuvre de Soukaz est plongée depuis des dizaines d'années. Bien entendu internet permet de voir et revoir des bouts de scène par ci par là mais il serait temps qu'un éditeur se décide à se pencher sur ce pionner de l'underground français.
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