En 2004, à occasion de la rétrospective Dwoskin au festival Côté Court de Pantin, Philippe Azoury avait fini son article dans Libération avec cette phrase "Passez à côté de ça, et vous aurez l'air con dans dix ans". Moins de dix ans après,le réalisateur est parti et nous regrettons de ne pas avoir connu son cinéma plus tôt.
Honte à nous d'avoir manqué ce rendez-vous avec cette grande figure du cinéma expérimental, quelque part entre Andy Warhol et John Cassavetes. Mais nous allons rattraper le temps perdu avec un coffret exceptionnel, deux films cultes et un documentaire accompagné de court-métrages. Bref un beau panorama de tout ce que Stephen Dwoskin a pu offrir au cinéma, du désir et de la douleur.
Dvd 1
Take me
Une femme chantonne en déambulant tranquillement en robe de chambre. Cette scène tranquille, se transforme peu à peu en une magnifique peinture mobile. Dwoskin, peintre et cinéaste, prend son modèle comme support, tout en semblant masquer son corps avec des couches de peinture, il réussit à capter, grâce à la caméra, l'être intérieur.
Dirty
(...) Nous apercevons deux femmes à moitié nues dans un lit, buvant d'abord à même une bouteille, puis jouant avant d'entamer un jeu érotique. Les saletés, le grain de l'image et les ruptures de continuité dans l'action confèrent au film la qualité d'un souvenir fortement chargé en érotisme. Le film donne l'effet d'une remémoration onirique d'une scène où le rêveur est libre de revoir ou de faire une pause sur un geste particulier, figer certains moments privilégiés comme la caresse d'une main, le rebondissement d'un sein, un regard, etc... Le film devient un rêve érotique éveillé, un jeu d'images sensuelles tirées d'une scène dont on aurait été témoins dans le passé."
(...) Nous apercevons deux femmes à moitié nues dans un lit, buvant d'abord à même une bouteille, puis jouant avant d'entamer un jeu érotique. Les saletés, le grain de l'image et les ruptures de continuité dans l'action confèrent au film la qualité d'un souvenir fortement chargé en érotisme. Le film donne l'effet d'une remémoration onirique d'une scène où le rêveur est libre de revoir ou de faire une pause sur un geste particulier, figer certains moments privilégiés comme la caresse d'une main, le rebondissement d'un sein, un regard, etc... Le film devient un rêve érotique éveillé, un jeu d'images sensuelles tirées d'une scène dont on aurait été témoins dans le passé."
Girl
"ll est tout à fait intéressant de constater la complexité de la forme simple. Une jeune fille n'est confrontée à rien d'autre qu'à ses pensées. Tout au long de la période d'observation (alors qu'elle vous regarde), ses expressions et ses mouvements, se transforment en un miroir permettant au spectateur de se vivre. L'expérience est uniquement émotive entre vous et elle et se produit en temps réel."
"ll est tout à fait intéressant de constater la complexité de la forme simple. Une jeune fille n'est confrontée à rien d'autre qu'à ses pensées. Tout au long de la période d'observation (alors qu'elle vous regarde), ses expressions et ses mouvements, se transforment en un miroir permettant au spectateur de se vivre. L'expérience est uniquement émotive entre vous et elle et se produit en temps réel."
Dad
"Ode à mon père et, peut-être, à tous les pères. Ce film, que ma sœur a qualifié de peinture en mouvement , mélange d'anciennes archives familiales que j'ai retrouvées et qui montrent mon père jeune, puis vieillissant. " (Stephen Dwoskin)
"Ode à mon père et, peut-être, à tous les pères. Ce film, que ma sœur a qualifié de peinture en mouvement , mélange d'anciennes archives familiales que j'ai retrouvées et qui montrent mon père jeune, puis vieillissant. " (Stephen Dwoskin)
Grandpère’pear
"Mon grand-père était un artiste plein de charme et il aurait joué la comédie s'il avait eu un public. Dans ce film, extrait d'images familiales, c'est une simple poire qui fait l'objet de son panache." (Stephen Dwoskin)
"Mon grand-père était un artiste plein de charme et il aurait joué la comédie s'il avait eu un public. Dans ce film, extrait d'images familiales, c'est une simple poire qui fait l'objet de son panache." (Stephen Dwoskin)
Dear Frances (in memoriam)
"Ma chère amie Frances est morte, soudainement et tristement. J'ai eu besoin de m'accrocher à elle pour vivre cette perte. Et j'ai fait ce film." (Stephen Dwoskin)
Pain is…
Depuis sa chaise roulante, Stephen Dwoskin enquête sur l'essence
de la douleur. A partir d'expériences individuelles, il élabore sa
recherche et questionne à son tour son propre rapport à la douleur,
celle de l'esprit, du cœur, de l'âme et du corps. Un film au ton
humble et bouleversant en quête de compréhension de la condition
humaine, complexe et fragile. Auteur d'une trentaine de films
expérimentaux d'inspiration autobiographique, Dwoskin voit en la
douleur une des expériences fondatrices de l'humain.
Intoxicated by my illness
Faits de multiples images en surimpression, ces films suivent
Dwoskin, de loin, comme dans un rêve, au cours d'une période
récente de sa vie qui l'a mené d'examens médicaux en soins intensifs.
C'est, principalement, une rêverie sur les fantasmes érotique et
surtout sur l'ambiguïté atroce et poignante des sensations physiques
d'un corps tiraillé entre une douleur intense et un plaisir exquis.
Parallèle entre le personnage de l'infirmière qu'on pourrait voir
comme une maîtresse SM et celui de la maîtresse SM qui touche
le corps "dominé" le plus tendrement du monde. Dwoskin accompagne
parfois ces images de musiques de films connues pour mettre en avant,
de façon ironique, sa propre dramatisation et, ce faisant, nous attirer
finalement dans une intimité rare et précieuse.
Dvd 3
Tod und Teufel
L'action se déroule dans différentes pièces d'une grande maison,
et traite des confrontations vécues par les personnages. Tod und
Teufel est basé sur la pièce de Wedekind, écrite en pleine période
expressionniste en Allemagne. Il s'agit d'un essai sur la libéralisation
des hommes et des femmes. La belle Lisika semble être une
femme réellement libérée. Sa "liberté" est rapidement dissoute par
l'action persistante de la caméra. Casti Piani manipule et domine sa
relation avec Elfriede, en se moquant de son manque de sensualité.
Face Anthea
Que le visage soit naturel ou qu'il soit embelli grâce au maquillage,
à la coiffure et aux bijoux, rien ne peut empêcher l'imagination de
se livrer à toutes sortes de spéculations. Tous les sens sont
concentrés sur cette tête : les yeux, les oreilles, le nez, la langue
et la peau qui les recouvre tous de son réseau vibrant de nerfs.
On peut imaginer les sens, cette contrepartie de nous-mêmes, prêts
à réagir avec nos humeurs, nos suggestions et nos accords. Rien que
par le regard, quand les yeux entrent en contact avec les notres,
c'est un dialogue visuel et une intéraction qui s'engagent. Et quand
les lèvres, jointes dans une parfaite harmonie, s'écartent pour sourire,
elles invitent à la découverte. Alors, avec le temps, ce dialogue nous
transporte de la spéculation à la réalisation. Le visage passe de la
suggestion abstraite à la projection singulière de la séduction. Ce n'est
plus un visage anonyme, c'est celui d'une personne bien précise.
Dvd 4
Behindert
"Stephen Dwoskin, qui a contracté la poliomyélite à l'âge de neuf
ans, montre ici sans complaisance le rapport socio-personnel dans
une relation amoureuse du point de vue de la personne handicapée.
Au terme d'une soirée entre amis, la voix d'un homme propose à
Carola de la raccompagner, mais elle ne voit pas son interlocuteur.
Ayant aperçu des béquilles, elle pense qu'il est infirme. Plus tard,
elle accepte de le revoir ; il s'agit de Stephen Dwoskin, qui nous
raconte deux jours de la vie de Steve et Carola. (...) Un visage de
femme, longuement filmé en gros plan, sourit à la caméra, mais
quelques-unes de ses expressions révèlent parfois un certain
désarroi. Les plans sont brefs, le montage saccadé, la prise de
vues "tremblée". Le malaise provoqué est visiblement voulu.
Autrement dit, la technique - très voisine de celle du cinéma
d'amateur - se réclame de l'avant-garde. C'est donc un effet
de l'art, un parti pris." (Stanislas Gregeois, Télérama, 1977)
Outside in
"Dwoskin filme son environnement quotidien et propose un journal
filmé, une chronique qu'il aurait en permanence à portée de la main.
La plupart du temps, il passe devant la caméra (in) et tout en se
faisant filmer par un tiers (outside), dirige la scène. Il ne montre
pas son corps handicapé puisqu'il joue avec en permanence. Un
corps souvent muet qui, par son inertie, sa lenteur et sa difficulté
à se déplacer dans un plan, son instabilité et ses maladresses, est
en fait un vrai corps burlesque. Outside in, à partir de saynètes
très courtes, est la fiction d'un corps en déséquilibre qui menace
ou bouscule joyeusement l'ordonnance d'une scène."
(Charles Tesson, Cahier du cinéma n°333)
Dvd 5
Trying to kiss the moon
"Cette autobiographie d'un cinéaste ne ressemble à aucune autre.
Le film n'est pourtant pas un exercice d'auto-apitoiement.
Rapidement, c'est la vitalité du héros après son accident, de cet
homme au sourire narquois qui s'impose et semble montrer
qu'entravé par le destin, Dwoskin n'en a que plus d'ambition, de
rage, de désir (de cinéma, de peinture, des femmes), de sens de
l'utopie. Jusqu'à essayer d'embrasser la lune."
(Edouard Waintrop, Libération)
Lost dreams
"Lost Dreams" est fait de ces petits vestiges d'images, regards
fugaces ou moments précis, de ces femmes du temps de leurs
premières amours et de leurs rêves de jeunesse. Elles sont tissées
ensemble, comme des fragments de la pensée et se font souvenir
d'elles, des confins du film aux coins du cadre. Elles sont de
nouveau embrassées et reçoivent, même s'il est fugitif, un
hommage poétique.
Egalement disponible, Dyn amo (1973) et Central Bazaar (1976)
Présentation de Dyn Amo par Philippe Azoury
"Chaque film de Dwoskin pourrait se décrire ainsi : un homme regarde une femme qui lui rend ce regard. Cet échange bras de fer durera le temps qu'il faut, ce sera parfois doux comme une caresse, aussi intense qu'une demande. Parfois,la peur, le refus, la fierté blessée, l'abandon traversera ce cinéma tendu et paralysé par les regards caméra. Comme au peep-show, ses films se regardent isolé de tout. Ils s'adressent à la solitude de chacun."
A l'instar d'un Coming Apart (1969) ou du français What a Flash (1972), Central Bazaar fait partie des films annonciateurs de la télé-réalité. Inspiré par les groupes post hippy, Dwoskin enferme des femmes et des hommes dans une pièce et filme leurs réactions comme leurs créations les poussant jusque dans leurs limites.
Aussi beau que dérangeant, Central Bazaar est une analyse poétique de nos relations communicationnelles par rapport à l'autre.
Enfin finissons par le documentaire de la collection Cinexperimentaux consacré à Stephen Dwoskin par Frédérique Devaux et Michel Amarger.
La vigueur du cinéma expérimental contemporain nous a incités à rencontrer et à filmer depuis le début des années 2000, des réalisateurs, diffuseurs, responsables de structures, particulièrement actifs dans cet art. Ainsi est née une série de portraits, autonomes, composant un ensemble signifiant de la pluralité d'approches, de pratiques du cinéma expérimental. Nous la réalisons de manière indépendante, en guise d'introduction ou de complément de travail des artistes, des techniciens, des diffuseurs qui participent à la vie du cinéma de recherche contemporain.
Cet ensemble, le plus riche à disposition, permet d'avoir un corpus conséquent pour appréhender une œuvre méconnue et passionnante car repoussant les limites du spectateur, le projetant entre voyeurisme et douleur.
> Stephen Dwoskin, 14 films | 99 euro
> Dyn amo | 31 euro
> Central Bazaar | 22 euro
> Cinexperimentaux 9 : Stephen Dwoskin | 25 euro
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