Le cinéma des frères Safdie connait enfin une exploitation vidéo en France grâce à l'éditeur Blaq Out qui a le bon gout de proposer en supplément une sélection de leur court-métrage. Dépassant le "feel good movie", les "petites" histoires au caractère modestes mais rafraichissantes semblent être tout droit sortie des années 60, quelque part entre le cinéma de Mekas et de Cassavetes.
Joshua et Benny Safdie sont nés et ont grandi à New York, sous l’œil de la caméra super 8 de leur père qui les filmait en continu. Lors de ses études de cinéma à l’université de Boston, Josh fait la connaissance de Sam Lisenco, Brett Jutkiewicz et Zachary Treitz. Ils fondent ensemble avec Benny le collectif Red Bucket Films. Ils vivent et travaillent tous à New York, produisant les films les uns des autres. Josh Safdie a réalisé The Pleasure of being Robbed clôture de la quinzaine des réalisateurs en 2008.
THE PLEASURE OF BEING ROBBED / 2008
Belle et sans attaches, Eléonore déambule, curieuse, dans les rues de
New York. Et ce qu'elle trouve dans les sacs des passants déclenche
aventures et rencontres. La plus belle, ce pourrait bien être Josh...
Après plusieurs mois passés séparé de ses enfants, Lenny, la trentaine, les récupère à l'école. Comme chaque année, il passe deux semaines avec ses fils Sage, neuf ans, et Frey, sept ans. Tout ce petit monde s'entasse dans le studio du centre de New York. Au fond, Lenny hésite entre être leur père ou leur copain, et voudrait que ces deux semaines durent six mois. Pendant ces quinze jours, un voyage dans le nord de l'état de New York, des visiteurs venus d'étranges pays, une mère, une petite amie, des couvertures "magiques", et l'anarchie la plus totale s'emparent de leur vie entre burlesque et tendresse.
Comme un chant du cygne au pardon et à la responsabilité, à la paternité, aux expériences personnelles, et à ce que l'on ressent quand on navigue entre l'enfance et l'âge adulte.
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Du moins, essayons. Il est difficile de critiquer et d’aimer quelqu’un tout à la fois dès lors que la véritable raison de la critique est la raison même de l’amour. Go Get Some Rosemary, n’allez pas chercher quoi que ce soit d’autre. Seulement « go get some rosemary », il s’agit juste d’aller chercher du romarin. Acceptez. Savourez la ruse. Vous ne savez pas pourquoi vous le faites, mais vous le faites. C’est beau et laid en même temps. C’est comme la chanson « Rose Marie » de Slim Whitman interprétée par Andy Kaufman, mais seulement par Andy Kaufman. Même s’il est affublé d’une couche-culotte, d’une fausse moustache et d’un turban, on est touchés par la sincérité et la tristesse qui sont dans sa voix et au coeur de la chanson. Il ne faut pas être trop sérieux pour interpréter une chanson qui parle de souvenirs.
Dans ce film, nous nous sommes inspirés, non pas littéralement mais émotionnellement, de choses qu’on a ressenties et qu’on ne peut oublier, de bonnes et de mauvaises choses, et les mauvaises font partie du souvenir. Lenny est celui qui nous a permis de comprendre ça. « Go Get Some Rosemary » est une expression argotique inventée pour évoquer les moments où la joie et la tristesse se rejoignent irrésistiblement. Personne ne sait où sont les limites, mais nous passons de l’une à l’autre avec toujours un voile sur les yeux et les poings haut levés. Ce qui est heureux peut être triste, ce qui est triste peut en fait devenir une expérience ; ça rend de toute façon la vie intéressante, et c’est ce qui finit par advenir dans tout ce que fait Lenny (consciemment ou inconsciemment). Lenny est un homme (et par intermittence un père) qui dissimule sa tristesse sous le rire. Il est tout à la fois égoïste, adorable, bizarre et rigolo, triste, perdu et éreinté. Il sait ce qu’est une bonne décision mais il ne fait pas souvent le bon choix. Pour lui le raisonnement, si on peut l’appeler ainsi, ne se met en oeuvre que dans des moments extrêmes. Il affrontera l’essentiel aussitôt qu’il se retrouvera à marcher sur les mains. Il donnera des somnifères à ses enfants juste pour leur épargner l’horreur de se réveiller seuls. Ce qui est un problème pour Lenny est en même temps la solution. Il se nourrit et vit sur la possibilité d’un avenir, mais seulement si cela doit pouvoir être raconté en tant que souvenir. Dans ce film, nous avons abordé nos souvenirs – le scepticisme avec lequel nous considérions notre père comme un super héro – avec réalisme : un langage qui décortique la réalité pour atteindre son noyau, et montrer la dureté ou la beauté d’une situation réelle. Broyer la réalité et l’embellir dans le même temps. Regarder en arrière et comprendre notre perception enfantine des choses peut tuer l’enfant en nous, mais nous l’avons fait comme par obligation envers l’adulte en nous. Personne ne veut écraser l’enfant en soi. Nous nous sommes intentionnellement mis dans une impossible situation : essayant d’attraper nos souvenirs par les cheveux pour les faire partir, alors qu’ils ne veulent simplement pas partir. Donc il en résulte une impossible et déchirante position. Nous essayions de préserver ce que justement nous tentions de détruire. D’une certaine manière, ce film nous a permis de préserver cela, cette chose; cette ligne c’est cet équilibre, c’est Go Get Some Rosemary. Ce que cela signifie ? Nous n’en somme pas surs. C’est la raison pour laquelle on devait écrire et diriger ce film ensemble (non parce ce que nous sommes deux frères, ou que nos parents sont divorcés, ou encore du fait que nous sommes deux moitiés d’un être qui ne font qu’un parfois).
Le film est le produit de nos discussions, autrement dit de nos désaccords acceptés. Ça nous a aidés à trouver l’équilibre nécessaire pour raconter l’histoire : l’un de nous étant plus critique et l’autre plus indulgent. En ce qui concerne Lenny, cela revient à disséquer son mental. Ses actes sont parfois abominables et impardonnables, mais, en même temps, ce sont les raisons mêmes de ces actes qui vous obligent à l’aimer. C’est difficile de ne pas aimer quelqu’un qui fait des efforts pour prendre de bonnes décisions mais qui ne sait simplement pas comment s’y prendre. Tout ce qui compte là-dedans, c’est ces deux garçons. Mettez-vous à la place de Lenny, mais adoptez le point de vue des enfants. Et essayez d’y comprendre quelque chose. C’est ce que nous avons essayé nous-mêmes de faire avec ce film.
Josh & Benny Safdie May 2nd 2009 New York City, NY
En bonus une sélection de courts :
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We're going to the zoo (2005 / 14mn)
The Black of her head (2006 / 21mn)
The Acquaintance of a lonely John (2008 / 12 mn)
John's gone (2010 / 22mn)
The Black Balloon (2011 / 20 mn)
Plus un entretien avec Josh & Benny Safdie par Philippe Piazzo (10 mn) et un making of intitulé "The Second Stop from Jupiter : making of de Lenny and the kids (12mn).
Le coffret est en vente sur theendstore.com et les films The Pleasure of being Robbed et Lenny & the kids sont disponibles à l'unité.
source : Blaq Out / Sophie Dulac
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