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Rétro-viseur : Camille 2000 (1969)

Après avoir évoqué ses films pornographiques et ses films érotiques, THE END clôture son focus Radley Metzger avec un petit coup de rétro-viseur grâce à la plume du Professeur Thibaut qui avait "Quartier Libre" dans la défunte revue Brazil. 

D'origine américaine, Radley Metzger crée, au début des années soixante, sa propre société de distribution, Audubon Films, et se spécialise dès le départ dans l'achat et la distribution de films coquins en provenance d'Europe ou du Japon. Malheur aux œuvres qui tombent entre les pattes du Radley car au nom de la rentabilité, Metzger remonte, redouble et tourne des séquences additionnelles sous le prétexte fallacieux d'adapter celles-ci aux public américain. De plus, il s'occupe personnellement de la conception de la bande-annonce et de la campagne de presse. Ainsi, Les Collégiennes (1957) devient aux États-Unis The Twilight Girls (1961), un "adult only" truffé de scène érotiques avec entre autres Giorgina Spelvin, future star du porno. Si, si, souvenez-vous de The Devil in Miss Jones. De bidouillage en bidouillage, le Metzger s'assied enfin au poste de metteur en scène et développe des amitiés européennes qui lui permettront de co-produire la plupart de ses films à moindre coût. Voilà pour le côté commerçant du bonhomme. Mais en 1968, pris de velléités auteurisantes, il décide de porter à l'écran les mémoires jugées scabreuses de Violette Leduc. Très joli film sur le souvenir et la solitude, Thérèse et Isabelle dévoile une nouvelle facette de l'acheteur de pellicule qui restera, toute sa carrière, tiraillé entre exploitation et art. Son film suivant Camille 2000, illustre à merveille cette inconfortable position à l'intérieur d'un système refusant de voir ses barrières enfoncées.

Metzger a osé
En jetant son dévolu sur La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils, non seulement Radlouille la Fripouille érotise le roman de junior, mais en plus, propulse Marguerite Gauthier, Armand Duval et le Duc De Varville en l'an 2000 dans une Rome tout droit sortie d'un délire warhholien. Sachez qu'en 1969, il n'en fallait pas plus pour heurter puristes et autres âmes sensibles. Si 2001, L'Odyssée de l'espace représente une date historique pour la science-fiction, Camille 2000 marque d'une pierre le petit monde de la sexploitation. [...]


Quarante ans après sa distribution initiales, il est difficile de mesurer l'impact de Camille 2000 et d'en apprécier la fronderie et la franchise sexuelle. Laminé par une critique sclérosée qui n'y voit qu'un objet de luxe tout en rondeur, amputé de trente minutes et affublé d'inserts pornographiques lors de sa distribution française en 1978, Camille 2000 est avant tout le fruit du travail d'un esthète, mais aussi celui d'un théoricien du cul qui a choisi d'élever le débat, de sortir de l'ornière un genre arbitrairement écarté d'une histoire du cinéma dite sérieuse. D'où le choix du romand de Dumas fils réactualisé par Michael de Forrest, proche collaborateur de Metzger. Ce dernier fait de Marguerite Gauthier une prostituée de luxe accroc à la dope, fière de son statut et qui reçoit la jet-set romaine venue s'encanailler dans sa somptueuse demeure " à la Marienbad". Sexe, drogue et psychédélisme sur fond de mélodrame. Mais que les fans de Dumas fils se rassurent, la frontière de la pilosité pelvienne reste inviolée.
Une dose  de culpabilité
Succédant à Sarah Bernhardt, qui incarne le personnage au théâtre en 1912, et surtout à la divine Greta Garbo, dans la version de George Cukor en 1936, la plantureuse Danièle Gaubert prodigue une performance plus physique que littéraire. Mais après tout, personne ne lui demandait de décrocher un prix d'interprétation. A ses côtés, le toujours étonnant Nino Castelnuevo accepte la pastille de LSD et le verre de champagne offert par Metzger et campe un fragile et transparent Armand Duval. Un simple exercice pour celui qui déclamait quelques années plus tôt les parole de Michel Legrand dans le psychotronique Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy. Quant au rival d'Armand, le méchant Duc de Varville, il hérite des traits du gringalet Philippe Forquet, une tête à claques qui transporte la dose de sarcasme necessaire au personnage. Ce que font ces nantis de la société n'est bien entendu, jamais expliqué et Metzger égratigne les moeurs légère de ces beautiful people", une micro société où le sexe se présente toujours sous une forme illicite, entouré d'une bonne dose de culpabilité.
Une idée que Metzgouille la fripouille pousse au bout lors de la séquence mémorable de la soirée "prison". Dans un décor de maison d'arrêt, les participants sont invités à trainer en laisse leurs compagnes et expient leurs péchés "pour de faux" à l’intérieur de cellules de carton-pâte. une scène rythmé par l'excellente musique de Piero Piccioni*. Pas une seule parole n'est prononcée et grâce à un savant jeu d'échanges de regards, Metzger met en scène de façon impeccablement perverse les jeux dangereux de l'amour sans être dupe d'une symbolique simpliste.
L'art de faire du cul
Quand on sait que le cinéma de Radley Metzger cultive une ambiguïté qui relève à la fois de l'expérimentation et du simple produit de série, on imagine le réalisateur constamment sur la corde raide oscillant d'un côté et de l'autre. Cette combinaison de style entraîne d'ailleurs de brusques changements de tons. Le metteur en scène sacrifiant la linéarité de l'intrigue au profit de séquences très arty. Notamment un broutage de pelouse filmé au travers d'un jeu complexe de glaces avec changement de mise au point sur un bouquet de camélias à chaque soupirs de la donzelle. 
Pour filmer ces joyeuses parties oisives, il fallait un format à la mesure des ambitions du maître, Et contre toute attente, Metzger tourne son odyssée du sexe en Cinémascope, dans un procédé abandonné depuis le début des années quarante : le Technicolor trois bandes. Dès lors, la tâche du directeur photo, Ennio Guarnieri**, est simple : exploser le quota minimum de couleurs des intérieurs conçus par Enrico Sabbatini***, en prenant soin de capturer les tonalités plus neutres de la ville. Metzger est un homme d’intérieur. Sa vision de la sexualité repose sur l'interdit et s'oppose radicalement à celle débridée d'un Russ Meyer. Aux plaines désertiques chères au père Meyer, Metzger préfère les intérieurs plus design de luxueuses villégiatures plus propices à la tragédie pop art. Mais c'est dans un décor à la sobriété monacale que Marguerite Gauthier rend l'âme, ivre de drogue, d'alcool et d'amour contrarié.  La tuberculose d'origine se substitue ici à une mystérieuse maladie, que certains ne manqueront pas d'assimiler au sida.
Dix-neuvième adaptation de Marguerite Gauthier, Camille 2000 prouve que faire du cul peut enfin être considéré comme un art. Sur sa lancée, Metzger réalise un an plus  tard un de ses films les plus aboutis, The Lickerish Quartet, qui s'appréhende comme un remake coquin de Théorème. Aujourd'hui sa collection de films repose en paix au Museum of Modern Art de New-York.
Professeur Thibaut in Brazil 2 #25, janvier 2010, p.120 -121
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Note - THE END :
* Piero Piccioni (1924-2004), compositeur des films La Dixième Victime, Salvatore Giuliano, Lucky Luciano.
** directeur photo les années suivantes de Médée, Le Jardin des Finzi-Contini
*** chef costumier de Femina Ridens, La Baie Sanglante, La victime désignée
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Camille 2000 est en vente sur theendstore.com
Combo dvd / blu-ray
Version originale - Sous-titres : anglais
Commentaire audio du réalisateur et de l'historien Michael Bowen
Making of, Bande-annonce originale, jaquette réversible, livret de Robin Bougie,...

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