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Kaneto Shindo (1912-2012)





Ce qui devait arriver, arriva. Kaneto Shindo n'est plus et le cinéma japonais dit au revoir au dernier grand cinéaste de son âge d'or. Malheureusement en France, à l'exception de ces deux films cultes Onibaba (1964) et L'île Nue (1961), seul Le Testament du soir (1995)a trouvé grâce au yeux d'un éditeur de dvd. Et pourtant parmi la quarantaine de long-métrage signé au cours sa carrière, il ne fait aucun doute que sa filmographie doit encore cacher de nombreux trésors insoupçonnés.

En apparence, la filmographie de Kaneto Shindo rassemble des œuvres dissemblables qui forment un corpus décousu. Alors que les deux films subséquents du cinéaste, Onibaba et Kuruneko, poussent sa recherche esthétique en territoire fantastique, L'île nue se targue d'un hyperréalisme certes maniéré, mais qui colle par ailleurs à une certaine matérialité particulièrement terre à terre. Dans les faits toutefois, ces films 'accordent dans leur désir de proposer des expériences cinématographiques radicales, même si c'est par l'entremise de stratégies contradictoires. Shindo, c'est une qualité rare, refuse de se cantonner à un seul "système" formel ; certains sujets invitent à la contemplation, d'autres à l'éclatement et à la surcharge sensorielle. [...] En sautant d'une méthode à l'autre, Shindo se fait en quelque sorte cinéaste empiriste ; c'es-à-dire que la fidélité à l'expérience réelle prime chez lui sur toute théorie englobant et dominant l'ensemble cinéma. Dans ses dialogues avec Claire Parnet, Gilles Deleuze exprime parfaitement le problème que pose une philosophie de l'empirisme. "On définit souvent l'empirisme comme une doctrine suivant laquelle l'intelligible "vient" du sensible, tout ce qui est de l'entendement vient des sens [...] Mais ce n'est pas vraiment la peine d'invoquer la richesse concrète du sensible si c'est pour en faire un principe abstrait." (1996,p.68) C'est exactement ainsi qu'il faut concevoir le cinéma tel que le défend Shindo : comme une expérience sensible qui refuse de glisser vers le règne de l'abstrait.


Alexandre Fontaine Rousseau in L'Humanisme d'après-guerre - p.315-316

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