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Les sorties de l'été 2014

Traditionnellement, l'été est la saison propice pour découvrir en salle les blockbusters. Si cette période débute de plus en plus tôt (The amazing Spider-man 2 a ouvert les hostilités le 30 avril dernier), chaque semaine jusqu'au mois d’août va avoir lieu un déferlement de suite, de franchise et autres films survitaminés made in Hollywood. Et les prévisions pour l'année 2015 confirme cette (triste ?) tendance.

Pour autant, la France a depuis plusieurs années, décidé de consacrer l'été comme la période idéale pour envoyer les cinéphiles s'enfermer dans les salles obscures pour (re)découvrir des œuvres cultes ou méconnues.

Dès mercredi (28 mai), le distributeur Swashbuckler Films ressort en salles le mésestimé Dressé pour tuer aka White Dog de Samuel Fuller (1912-1997).

Un chien, dressé pour attaquer les Noirs, est recueilli par une jeune femme qui cherche à lui faire oublier la haine.

Samuel Fuller (Naked Kiss, Au delà de la gloire, Shock Corridor, Le Port de la drogue), Curtis Hanson (L.A Confidential), Romain Gary et Ennio Morriconne. Voulez-vous d'autres raisons pour découvrir ce joyau méconnu du cinéaste américain ?

Swashbuckler Films continuera son travail d'exhumation avec le 9 juillet, la reprise d'un Sidney Lumet (1924-2011), Le Prêteur sur gages (1963).



Sol Nazeman a vu disparaître sa femme et son fils dans les camps de la mort. Rescapé de la Shoah, il a quitté l'Allemagne et vit aujourd'hui à Harlem où il exerce le métier de prêteur sur gages. C'est un homme froid, sans émotion, que ce soit dans ses affaires qu'il mène avec un détachement glacial ou dans ses relations aux autres. Sol est en fait accablé par les souvenirs des camps, par la culpabilité du survivant. Son cœur détruit a besoin d'un électrochoc pour recommencer à battre. Celui-ci va venir de son jeune commis qui essaye maladroitement, ne sachant rien de son passé, de le sortir de sa carapace... 

Spécialiste des adaptations, pièce de théâtre  (L'Homme à la peau de Serpent, Equus, La Colline des hommes perdus, La Mouette, The Offence), de nouvelle (Serpico, Contre-enquête) Sidney Lumet a une carrière exemplaire qui serait de bon ton de réhabiliter. Cette rareté vient ajouter une preuve supplémentaire de son talent.

Une semaine avant, l’éditeur dvd Malavida proposera deux films de Bertrand Mandico dans un double programme où l'étrangeté flirtera avec le bizarre, quelque part entre Lynch et Jan Švankmajer.

BORO IN THE BOX / 2011
De sa conception épique à sa mort cinématographique, le portrait fantasmé et fictif du cinéaste Walerian Borowczyk (dit Boro). Boro in the box découvre un monde cruel et obscène, traverse des aventures sensitives et organiques, de la Pologne à Paris, au coeur d’un abécédaire fantasmagorique. 

LIVING STILL LIFE / 2012
Dans un monde en déliquescence, Fièvre, une femme mystérieuse,collecte des animaux morts et leur redonne vie en les filmant image par image. Un jour, elle reçoit la visite d'un homme. Sa femme est morte.... 

Jusqu'à présent, l’œuvre de Mandico était réservée aux festivaliers, qu'il s'agisse de ceux de Cannes (Quinzaine des réalisateurs) ou de Bucarest (Bucharest International experimental film). Grâce à cette sortie salles, que l'on imagine réduite, ce secret du cinéma français risque d'avoir une exposition plus importante.

Finissons ce tour d'horizons des sorties de l'été avec nos deux coups de coeur.

A l'instar de Sidney Lumet, Frankenheimer(1930-2002) est considéré comme un honnête artisan, auteur de quelques réussites (Un crîme dans la tête, Grand Prix, Le Train) mais son parcours réserve bien des surprises, et L'Opération Diabolique (1967) en est une !
 
Un homme d'âge mur, déçu par son existence monotone, reçoit un jour un coup de téléphone d'un ami qu'il croyait mort. Celui-ci lui propose de refaire sa vie en simulant sa mort. Il finit par signer un contrat qui lui permet de changer de visage et de repartir de zéro mais tout a un prix et cette nouvelle existence n'ira pas sans poser quelques problèmes.

Faisant le tour des festivals alternatifs (Paris International Fantastic Film Festival, Hallucinations Collectives), Seconds montre que Hollywood a toujours volontairement ou non, le lieu où des œuvres à la limite de l'expérimental pouvait être produite.

Autre exemple avec Cutter's Way (1981), exploité en France et disponible en dvd sous le titre La Blessure des possibilités qu'avait Hollywood à produire, jusqu'au début des années 80, des œuvres dénuées de toutes velléités mercantiles et ne rentrant dans aucuns moules.
Alex Cutter a été traumatisé après la guerre du Vietnam. Son handicap a ruiné sa vie professionnelle et affective. Son ami Richard assiste à un meurtre et croit reconnaitre l'assassin. Mais celui-ci est soupçonné. Les deux compères vont mener l'enquête...

Suivant l'exemple de son compatriote Milos Forman, Ivan Passer scénariste des Amours d'une blonde et de Au feu les pompiers, tente l'expérience américaine en 1971 avec Né pour vaincre. De cette période, peu de film sortent du lot, La Blessure est sans aucun doute son projet américain le plus abouti.

Cette version restaurée et distribuée par Carlotta redonnera toute l'ampleur à ce film oublié, coincidant au même titre que La porte du paradis de Michael Cimino, sorti la même année, comme la fin du Nouvel Hollywood.


Merci à Jean-Sylvain qui a permis à l'auteur de ces quelques lignes de découvrir ce long-métrage étonnant et envoutant.

Grandrieux, cinéaste épileptique


Si Philippe Grandrieux n'a pas encore retrouvé les salles obscures pour un nouveau film après Sombre, Une Vie nouvelle et Un Lac (disponible en dvd sur theendstore.com). Cet auteur français pour le moins iconoclaste - dont nous évoquions toute la singularité ici - n'est pas pour autant inactif.

Ainsi, il sera possible de découvrir le dimanche 4 mai à 11h30 à la Cinémathèque de Paris son film WHITE EPILEPSY (2012). 68 minutes pour retrouver cette hypnotisante bulle que représente le cinéma de Grandrieux. Arraché de l'espace temps d'un cinéma français moribond et arcbouté sur des schémas narratifs éculés, Grandrieux nous propose comme à chacune de ses œuvres une expérience de cinéma totale donnant tout son sens à la découverte en salle obscure.



Le film sera suivi par une rencontre avec Philippe Grandrieux.

Les figures qui hantent le film ont une réalité étrange, envahissante. Elles sont soumises à des forces souterraines qui les relient entre elles. Leurs actes répondent à une injonction que nous ne pouvons pas comprendre, à laquelle nous n’avons pas accès, mais dont nous pressentons l’impérieuse souveraineté. Une humanité ancienne, archaïque, répète au cœur de la forêt les scènes défaites d’une cérémonie. C’est un rêve ou un cauchemar. Le récit est tissé par la peur, la sexualité et notre animalité qui sourd à fleur de peau. Le film se construit par un agencement d’intensités affectives par lequel se développe la narration, un agencement d’intensités nerveuses. Cette narration particulière conduit celui qui regarde le film à éprouver le monde de White Epilepsie depuis ses expériences intimes de la peur et du désir, depuis l’entrelacement affectif qui est le sien.
Philippe Grandrieux
Le moi de mai sera définitevement l'occasion (pour les parisiens) de découvrir les dernières réalisations de Grandrieux. Son documentaire, Il se peut que la beauté ait renforcé notre résolution, sur le cinéaste japonais Masao Adachi sera diffusé au Forum des Images dans le cadre du Mois Documentaire, le mardi 13 mai à 19h00.
Réalisateur, scénariste, critique, théoricien, poète, acteur, activiste, prisonnier politique… Masao Adachi né à Fukuoka en 1939 mène un indéfectible combat contre toutes les formes d'oppression. Il est une figure cardinale de la contre-culture japonaise des années 60/70. Fasciné par le mouvement surréaliste, il en fait le prisme fondateur de sa pensée et de sa démarche cinématographique... En 1974 il s’engage durablement pour la cause révolutionnaire palestinienne, rejoignant les rangs de l’Armée Rouge Japonaise et devenant l’un de leurs théoriciens et leaders politiques. On ne sait que peu de choses de ses 23 années d’activités clandestines, jusqu’à son arrestation au Liban en 1997. Extradé en 2001 au Japon, il est libéré après deux ans d’emprisonnement et interdit de sortie du territoire. Dans la foulée il publie une autobiographie Cinéma/Révolution. Après 35 ans d’absence il réalise Prisoner/Terrorist (2007) dans lequel il revient sur son engagement révolutionnaire. Il prépare actuellement un documentaire sur les centrales nucléaires au Japon.

Premier documentaire d'une collection qui se veut "tête chercheuse" de cinéaste méconnu réalisé par des réalisateurs. Cette série se veut un prolongement de ce qu'un André S. Labarthe a pu produire avec l'anthologie "Cinéaste de notre temps".

Ce film documentaire de 74 minutes est le parfait bonus pour approfondir la vision et la compréhension d'un cinéaste quasi invisible aujourd'hui, de l'ouvrage publié en 2012 par Rouge Profond Le Bus de la Révolution passera bientôt près de chez toi", retraçant le parcours d'un acteur important du cinéma guerilla durant les années 60 au Japon.

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SombreSombre /1998
Jean tue, il rencontre Claire, elle est vierge. Claire aime Jean. Elle reconnaît à travers les gestes de Jean, sa maladresse, sa brutalité, elle reconnaît ce qui obscurément la retient elle aussi hors du monde. Et jusqu'alors frappée de désespoir, du désespoir d'une vie non vécue, cet homme la redonne à la lumière. C'est un conte. L'amour est ce qui nous sauve, fut-il perdu, d'emblée perdu.

Un Lac
Le Bus de la Révolution...Un Lac / 2009
Le film se déroule dans un pays dont on ne sait rien, un pays de neige et de forêts, quelque part dans le Nord. Une famille vit dans une maison isolée près d’un lac. Alexi, le frère, est un jeune homme au cœur pur.  Enclin à des crises d’épilepsie, et de nature extatique, il ne fait qu’un avec la nature qui l’entoure. Alexi est très proche de sa jeune sœur, Hege. Leur mère aveugle, leur père et leur plus jeune frère, observent en silence cet amour incontrôlable.

Le Bus de la Révolution passera bientôt près de chez toi / Masao Adachi
« En tant que créateurs, nous possédons d’une part la fermeté, la ténacité et l’hétérogénéité du corail et, de l’autre, la capacité de croissance des plantes héliotropes. » (1967). Cinéaste révolutionnaire en lutte contre l’impérialisme, Masao Adachi a rédigé de nombreux écrits accompagnant son trajet engagé, dont presque trois décennies se déroulèrent dans la clandestinité et une part en prison : manifestes, chroniques, journaux, analyses de films « frères » (Kôji Wakamatsu, Nagisa Ôshima, Jean-Luc Godard, Glauber Rocha, R. W. Fassbinder…). Il s’y déploie une théorie de l’art comme action et une théorie de l’activisme soucieuse d’expérimenter en toutes choses et en tous lieux, dans les rapports avec autrui, dans les gestes de luttes, dans les usages de la langue. Rarement trajet de cinéaste fut plus radical, inventif et fidèle à ses idéaux d’émancipation. Auteur de chefs-d’œuvre (A.k.a Serial Killer, Prière d’éjaculation, Armée Rouge/FPLP : Déclaration de guerre mondiale…), Masao Adachi reste à ce jour interdit de sortie de territoire au Japon. « Je ne me considère pas moi-même comme un hérétique. Mais si l’on observe objectivement la place de mes œuvres, du point de vue de leur contenu, on peut les situer dans les extrêmes. » (2010) 

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